mardi 28 avril 2009

Le 7ème embrasse Écran Total

Par le plus pur des hasards, deux émissions concernant le cinéma se côtoient à Choq.fm dans une totale complémentarité, sans jamais s'être rencontrées. Alors que nous avons des desseins d'archéologue cinéphilique, d'explorateur du passé, le gens d'Écran total sont résolument tournés vers l'avenir, voraces de découvertes. Espèce de jeune Bande des six contemporaine, il faut entendre Nicolas Krief, l'animateur remplissant la fonction de René Homier-Roy (mais straight, pas chauve, drôle, capable de partager un amour sincère pour Armageddon et La Règle du jeu à la fois) interagir avec Sabine Garcia en bonne Nathalie Petrowski (si elle était sexy, française, fan de giallo et de Bresson, elle aussi drôle et capable de te foutre des baffes...et tu en redemanderais!). Marie-Lise Rousseau, capable de médiation comme juste Suzanne Hébert le pouvait, Goran Bratic, totalement le Dany Laferrière en résidence, Guillaume Côté, débonnaire comme George-Hébert Germain et finalement Valérie Ouellet, une Marie-France Bazzo avec le oumph de Nelly Arcan (dont elle possède d'ailleurs un je-ne-sais-quoi de l'inflexion vocale, en plus articulée. Sorry Nelly). Du crisse de bon monde. Des vrais passionnés. Godspeed to you all!

Les grandes âmes de cinéphile d'Écran total ont courageusement déchirés le voile et nous ont invités à sortir de cette bulle où, avouons le, nous nous masturbons frénétiquement à chaque semaine, pour participer à une orgie intellectuelle d'une certaine envergure.

En effet, ils ont osé nous demander d'établir une liste de nos 10 films les plus importants, de même qu'à l'opiniâtre et pertinent programmateur du Festival Fantasia, Simon Laperrière et le réalisateur Rafaël Ouellet (hypnotisant cinéaste, dans ses films comme ses propos) . Apostolat terrifiant que voilà, mais nous nous sommes prêtés au jeu. Nous vous invitons à visiter le blogue d'Écran Total pour les listes complète, incluant celle des réalisateurs Paul Tana et Martin Laroche, et du journaliste Jozef Siroka. Toutes les listes sont fascinantes et nous vous invitons bien sur à écouter l'émission où nous en débattons tous ici-même.


Sinon, pour la postérité, voilà nos fatidiques listes, avec explications à l'appui:


Francis:

Les Enfants du Paradis par Marcel Carné (1945) Quand le cinéma devient pure poésie et que les passions humaines dans toute leur complexité sont disséquées. Pour moi, il est un sort, un rituel occulte. Quelque chose de profondément troublant y est exaltée. Je pense qu’une idée poignante, totale de la beauté et de l’art s’y trouve.Couvert ici.
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Seppuku par Masaki Kobayashi (1962) La dissection du langage, du pouvoir, du contrôle dans un huis clos étouffant, typiquement nippon, d’un noir et blanc cinglant. Le personnage le plus moralement immense du cinéma avec Atticus Finch. En terme de puissance brute, de grincement du cœur, c’est mon premier grand bouleversement. Ce film a fait de moi un meilleur cinéphile.
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2001: A Space Odyssey par Stanley Kubrick (1968) L’expérience de cinéma la plus absolue de ma vie. Rien ne pourra le déloger. À mon sens, c’est le film le plus important jamais fait et une œuvre d’art essentielle qui invite à la contemplation et au recueillement. Pour moi, le spectre complet de l’expérience humaine est contenu dans 2001 et avec lui le cinéma avait atteint son paroxysme.Couvert ici.
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Hour of the Wolf par Ingmar Bergman (1968) Mon préféré du réalisateur. Un film d’horreur total où les grands thèmes du maître sont déconstruits. Du Lynch avant l’heure; la folie, le mensonge de la réalité, l’Autre. Encore un film qui explore l’abysse comme seul le cinéma peut le faire.
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The Night Porter par Liliana Cavani (1974) Que l’horreur et le désir s’entremêlent si langoureusement dans un film, ça me sidère. Il m’a confirmé jusqu’à quel point le cinéphile est un voyeur qui vit pour explorer une obscurité où se cache des terribles beautés souterraines. En plus, c’est le seul univers féminin de ma liste. Avec Night Porter, j’apprenais à balancer mes propres zones d’ombre.Couvert avec pour d'amour ici même.
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Network par Sidney Lumet (1976) Aucun film ne m’a autant stimulé intellectuellement que celui-là. L’équilibre de tous les éléments permettant l’alchimie du cinéma y est aussi consternant que celui de Citizen Kane. J’aime que mon cinéma soit une bombe pleine de maximes inoubliables. Tellement visionnaire.
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The Last Wave par Peter Weir (1977) Quelque chose d’indicible se cache dans ce film : un ambiance chargée de désespoir. L’ancien, le primitif vient hanté le 7ème art. Le film me rend totalement inconfortable et hypnotisé. Tout y est tellement décalé. C’est un autre film profondément seul, mélancolique.
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Jacob’s Ladder par Adrian Lyne (1993) Aucun film ne m’a autant effrayé. Il me fait le même effet à ce jour. Je le considère parfait dans son horreur, mais profond et sage. Je trouve que l’expérience de ce film est si profonde que les cauchemars qui y sont exaltés se sont gravés en quelque part dans mes propres songes. Ce film me fait m’interrogé sur un mystère, parce que lui-même en possède une immense, celui de l’âme. Couvert ici en comparaison avec Carnival of souls.
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Mazeppa par Bartabas (1993)J’aime que ce film soit dans ma liste parce qu’il est le seul de cette nature et qu’il est profondément unique, au sens le plus absolu que peut prendre le mot. Une œuvre baroque et violente, faite par un non-réalisateur, inégale et chaotique, onirique. Son arrogance n’a d’égale que son élégance.
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Gummo par Harmony Korine (1997) Son effarante laideur en fait à mon avis un des plus importants films modernes. Il y avait une volonté d’aller dans une zone nouvelle avec ce film et de pousser l’enveloppe du répugnant, du régressif. Dans son nihilisme plein de puanteur, ce film est assez drôle. Il nous montre sans fard les petites merdes hurlantes que nous sommes et à quel point notre peur de la mort, de la solitude nous rend si pathétique que nous en devenons drôles.


Jim:

Les Enfants du Paradis par Marcel Carné (1946) Pour moi, Les enfants du Paradis, est le meilleur exemple d’une création artistique qui surpasse les limites de ce que l’on peut s’attendre dans l’homme. Écouter ce film est peu comme vivre une expérience condensée de tout ce qui à meilleur chez l’humain. C’est vrai, poétique, contestataire, introspectif, beau, drôle et charmant tout ensemble. C’est un miracle, vraiment le seul mot pour ce film : C’est un miracle cinématographique.

I Tre volti della paura (Black Sabbath) par Mario Bava (1963) L’ambiance, vraiment ici c’est l’ambiance. Mes deux prochains films sont aussi des éloges au minimalisme. Mario Bava, qui reste mon réalisateur préféré, fait un tout gigantesque avec un rien technique. Le film se déroule en trois histoires qui utilisent trois méthodes complètement différentes pour créer le suspense. Il remplit chaque espace de ses films avec des émotions. Parfois de l’inquiétude, parfois de la peur et même un humour autoréférentiel, Mario Bava peint son monde de sentiments humains, avec lesquels il joue continuellement. Un grand accomplissement.

Holy Mountain par Alejandro Jodorowsky (1973) Bon ici c’est très simple, Holy Mountain ne ressemble à rien d’autre en cinéma, absolument rien d’autre. Mystique, Philosophique, Expérimental et Transcendantal, Holy Mountain est complètement unique dans son genre. Que l’on aime ou l’on n’aime pas il est sans doute une des expériences cinématographiques les plus dépaysantes, mais il est aussi complètement conscient de ce qu’il est : un film.

Wicker Man par Robin Hardy (1973) Comment faire un film d’un genre particulier sans utiliser aucun de ses codes ? C’est avec Wicker Man que j’ai compris la force des films de genre, films que j’affectionne beaucoup depuis. Immensément créatif et personnel, Wicker Man apparaît comme un film seul contre tous. Païen à souhait et étrange comme deux mariachis qui ressuscitent un clown dans la rue, une vision d’un autre monde. Ce film est tellement étrange qu’ils ont trouvé une copie de la bobine coulée dans le béton d’un viaduc en Angleterre.

Network par Sydney Lumet (1976) Celui que je ne peux pas me tanner d’écouter, Network est pour moi l’incarnation complète de l’aspect visionnaire du cinéma. Il est un peu comme un 1984 cinématographique en plus d’être une des meilleures compositions scénaristiques jamais écrites. Le fait que Network soit si unique dans le canevas du cinéma mondial me fait comprendre, à chaque fois que je l’écoute, combien il est compliqué de faire un chef-d'œuvre au cinéma.

Crippled Avengers par Chang Cheh (1978) Celui-ci, ce n’est pas vraiment pour le film en soi même, mais plutôt parce que c’est le premier film du Kung-fu que j’ai vu au cinéma. C’était vraiment une découverte pour moi de comprendre que certains films brillent beaucoup plus fort sur grand écran. Je me suis rangé, avec les années, de l’opinion que tous les films de kung-fu devaient être vus sur grand écran.

S.T.A.L.K.E.R. par Andrei Tarkovsky (1979) Encore du minimalisme, mais cette fois-ci, en science-fiction, Tarkovsky crée un monde dans ce film qui n’existe pas sur pellicule, mais dans l’esprit des auditeurs. Il ne montre rien, mais crée un monde entier auquel nous devons ajouter notre imagination. On dit que le film est long et ennuyant, mais personnellement j’ai toujours vu S.T.A.L.K.E.R. comme étant un film qui donne autant que l’on offre.

Hudson Hawk par Michael Lehmann (1991) Un peu plus personnel ici, Hudson Hawk est pour moi un des meilleurs films éclatés qu’il existe. Il prédate Pulp Fiction dans le genre de film de braque étrange, aux personnages inquiétants et uniques, aux situations absurdes et avec un «coolness factor» vraiment élevé.

Primer par Shane Carruth (2004) Shane Carruth n’est pas réalisateur, il est astrophysicien, mais pour un film auquel il participera en tant que Réalisateur/Producteur/Scénariste/Acteur/Concepteur des théories de physique quantique du film et il dépasse 95% de la production filmique de l’année en terme de qualité. Il me fait souvent plaisir de voir des films qui sont clairement des expériences, des attentats, de faire quelque chose de différent. Pour moi, Primer est un grand film, qui tire du génie et qui transporte l’art cinématographique hors des sentiers battus.

The Fountain par Darren Aronofsky (2006) De l’émotion brute, brutale, incandescente. The Fountain est un des films qui fait enfler mon cœur d’une façon qu’aucun autre film n’a pu et ne pourra jamais faire. L’intimité du sujet et la quête que le réalisateur a dû mener pour compléter ce film. The Fountain m’a rappelé que des fois, les films sont des objets d’art que l’on doit faire pour le monde et non pas pour remplir des salles. Je suis complètement convaincu que ce film à aidé à rendre l’univers juste un peu plus beau.

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