mardi 14 janvier 2014

Émission du 9 janvier 2014 : LA SHAW BROTHERS : son histoire, ses films, son legs.


Cette émission du 7e antiquaire est en ShawScope. Pour l’écouter cliquer ici.

Suite au récent décès de Run Run Shaw le 7 janvier 2014 à l’âge vénérable de 106 ans, le 7e antiquaire s’est empressé de faire une émission sur l’homme, la compagnie qu’il a créée avec ses frères, les films des studios ayant marqué les esprits, ainsi que les cinéastes et acteurs importants. Pour l’occasion nous avons invité un ami, Grigori Turgeon Beneitez, à se joindre à nous puisque ce cinéphile adepte de la culture chinoise connaît à fond son Shaw. Les films et cinéastes étant bien couverts durant l’émission, ce texte servira plutôt d’introduction à celle-ci, couvrant l’histoire des studios de la Shaw, l’homme qui en dirigeait l’essentiel des productions, l’influence internationale qu’a eu certains de ses films et l’énorme travail de restauration qui a mené à l’édition de la plupart des films de la Shaw en DVD.

Run Run Shaw avec son équipe dans ses sutios - 1950

Fils d’un homme d’affaire important, c’est en 1924 que les quatre frères Shaw créent leur première société de production de film à Shanghai, la Tian Li Film Co (Unique films). En 1925, puis 1927, deux des frères, Runme et Run Run, s’établissent à tour de rôle à Singapour pour étendre la possibilité d’exploiter le marché sud-est asiatique et y fondent la Hai Seng company afin de distribuer et exploiter les films produits par leurs deux frères restés à Shanghai pour gérer Unique films. Rencontrant rapidement beaucoup de succès, ils deviendront une part importante de l’exploitation cinématographique à Singapour et en Malaisie (ils tourneront un bon nombre de films en malais et en cantonais). La société changera de nom en 1938 pour devenir Shaw Brothers Pte Ltd. L’occupation japonaise durant la deuxième guerre mondiale poussera les deux frères restés à Shanghai à déplacer la compagnie vers Hong Kong, qui ne fonctionnera plus autant, et à Run Run et Runme, toujours à Singapour, à faire un temps d’arrêt à l’expansion de leur empire. Au milieu des années 1950 Run Run Shaw ira rejoindre ses deux frères à Hong Kong (Runme restant à Singapour pour continuer à faire rouler la division cantonaise de la Shaw) pour remettre la compagnie en expansion en suivant le modèle industriel qu’il avait instauré à Singapour. Il achètera pour trois fois rien un lopin de terre sur lequel il fera bâtir plusieurs studios pour la production de films et plusieurs appartements pour le logement des employés. La production des films s’enchaînera à un rythme effréné (entre 40 et 120 films par année, selon les périodes, à raison de 3 à 6 films tournés en même temps) demandant régulièrement aux acteurs de courir d’un plateau à l’autre. Devenus milliardaire et philanthrope, Sir Run Run Shaw est sacré chevalier par la reine d’Angleterre en 1977 pour son soutien à la Croix-Rouge. Possédant des centaines de cinémas dans toute l’Asie, leur empire s’étendra en devenant un conglomérat de 35 compagnies diverses et la Shaw Brothers deviendra vite la plus grande compagnie cinématographique chinoise, produisant entre 1958 et 1985 plus de 1200 films. 
Affiche pour Come drink with me - King Hu, 1966

Ayant ravivé l’intérêt du film d’arts martiaux, la Shaw Brothers est maintenant surtout connue pour ses Wu Xia Pian (film de héros martial) mais les studios ont produits plusieurs genres de films (mélodrame, polar, musical, érotique, horreur, comédie). Il y aura aussi eu plusieurs co-productions internationales (Run Run Shaw sera même co-producteur exécutif non crédité sur le film Blade Runner de Ridley Scott). L’étendue de l’influence et l’enthousiasme que les films de la Shaw ont eu sur les cinéaste internationaux se fait sentir depuis quelques années. Du plus évident avec Quentin Tarantino qui en reprend le logo, les acteurs et certaines scènes de films cultes dans son Kill Bill (2003/2004) à des références plus détournées comme le très beau film de Tsai Ming Liang Good bye Dragon Inn (2003) qui fera hommage à un film de King Hu non-produit mais distribué par la Shaw, Dragon Inn (1967). Tsui Hark fait quant à lui sa version de One-armed swordman (Chang Cheh, 1967) avec l’excellent The Blade (1995) et Ang Lee reprend des scènes de Come drink with me (1966) de King Hu dans son film Crouching Tiger Hidden Dragon (2000).


My Young Auntie - Liu Chia-Liang, 1981

En 1998, Run Run Shaw vendra la majorité des droits pour les films chinois produits par sa compagnie (plus de 760 films 35mm) à la compagnie malaisienne Astro qui, se lançant dans un projet à long terme de restauration et d’édition des titres, distribuera mondialement les films sous le nom Celestial Picture. On peut voir l’étendue du catalogue et un historique des restaurations sur leur site web : http://www.celestialpictures.com/co-shaw.asp.
Ces films étant donc maintenant, en partie, disponible sur format DVD, nous ne pouvons que vous encourager à découvrir les perles cinématographiques que la Shaw Brothers a produites. Des cinéastes tels Liu Chia Liang, Chang Cheh et Li Han Hsing et des acteurs tels Gordon Liu et David Chiang sont des noms du cinéma d’arts martiaux chinois désormais célébrés mais bon nombre de cinéastes, d’acteurs et de films du catalogue Shaw Brothers restent encore à découvrir. Cependant, avant de se lancer dans le visionnement du catalogue complet, vous pouvez nous entendre parler plus longuement des films et réalisateurs de la Shaw Brothers ici même durant notre émission quelque peu survoltée.  
Écouter l’émission ici 


-David Fortin

Affiche de The 36th chamber of Shaolin


Pour ceux qui voudraient compléter par des lectures plus approfondies sur la Shaw et ses films, je vous ai préparé une petite bibliographie d’articles particulièrement intéressants (tous ces documents ont été utiles pour la préparation de l’émission et du texte) :

-Un entretien avec Thomas Thurman, travaillant à la restauration numérique des films 35mm de la Shaw Brothers.
Codelli, Lorenzo ; Niogret, hubert. « entretien Thomas Thurman : un catalogue considérable ». Revue Positif (Paris), no 504, février 2003, pp.93-96.

-Un entretien avec l’acteur David Chiang sur sa carrière avec la Shaw Brothers et les fonctionnement des studios.
Bettison, Gary. « Act of vengeance : an interview with David Chiang ». Post Script, vol. 31, no 1, automne 2011, pp.3-11.

-Un article sur l’importance du réalisateur Chor Yuen et de ses films pour la Shaw Brothers.
Chute, David. « Face Value ». Film Comment, Vol. 41, no 3, mai-juin 2005, pp.54-56.

-Une visite commentée des studios avec Run Run Shaw se trouve dans le Télérama no 1684 du 21 avril 1982. On y apprend des anecdotes intéressantes.

-Le numéro hors série des Cahiers du cinéma de 1984 sur « Le cinéma d’Hong Kong » renferme aussi plusieurs articles et entretiens touchant de près ou de loin à la Shaw Brothers.

-Gombeaud, Adrien - Dictionnaire du cinéma asiatique. 2008, 636p.
-Pour terminer, un excellent article sur le réalisateur de la Shaw, Chang Cheh, se trouve dans le numéro 296 de la revue Jeune Cinéma (2005).



Pour les intéressés à approfondir leur culture des films de la Shaw Brothers (et qui sont à Montréal), tous ces documents se trouvent à la médiathèque Guy L. Coté de la Cinémathèque québécoise en consultation gratuite sur place.


Photo des studios de la Shaw en 1982. -Télérama 1684.

-David Fortin