dimanche 30 octobre 2011

Pinhead, my own personal demon: mon entrevue avec Doug Bradley

(Cette entrevue est initialement parue sur les sites de l'émission LES MYSTÉRIEUX ÉTONNANTS dans le cadre d'une couverture pour le Montréal ComicCon 2011)



Dans quelques minutes, je vais rencontrer un démon qui hante mes cauchemars depuis plus de 18 ans. Doug Bradley. Pinhead, figure impériale de la franchise des HELLRAISER. Je suis terrorisé. Je sais que je vais rencontrer l’acteur, mais je sais aussi que cette créature qui me fascine vit en lui.

Je fais une blague au public pour me détendre: D’une voix grave, j'échappe un “YOU opened the BOX…HE CAME…” Le gens ricanent. Je suis toujours aussi nerveux.

 Des années durant, Pinhead m’a suivi de très près dans mes songes. Au début tel un monstre sous le lit, ensuite, comme un totem, un archétype, jusqu’à devenir un démon intime. Je suis, il va sans dire, obsédé par HELLRAISER, Clive Barker et les Cénobites. Les minutes s’étirent. L’attente est déchirante. La porte s’ouvre, il entre.

Sa démarche est reconnaissable entre milles. Elle est souveraine, rien de moins. Un frisson me traverse l’échine. J’entends les notes de carillon de la trame sonore de Christopher Young. Bradley s’assoit. Je regarde son visage qui est traversé de rides profondes qui forment véritablement une grille sur sa tête chauve. En vieillissant, il ressemble de plus en plus au démon qu’il incarne depuis plus de 20 ans.
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En fait, tout le long de l’entrevue, je serai incapable de dissocier dans mes questions l’acteur et sa création. Malgré moi, je m’adresserai souvent à lui en tant que Pinhead. Ma bouche est pâteuse. Je l’ouvre péniblement. L’entrevue commence. Time to play!

Francis Ouellette : On l’appelle le Prince des larmes et le Pape de l’enfer. Il a incarné un des créations les plus reconnaissables de l’histoire de l’horreur; il la jouera pas moins de 8 fois au cinéma -9 si on inclus le vidéoclip de Motorhead où il fait une apparition...
Mais Pinhead n’est pas un banal slasher ou un autre monstre démoniaque. Il est raffiné, élégant…il a tout le temps du monde. En fait, avec le Dracula de Christopher Lee, il est selon moi une des plus importantes créatures l’histoire du cinéma. À l’instar de ce dernier, il a créé un démon traversé de mélancolie et d’une gravitas proprement shakespearienne.
Il est aussi pour moi un cauchemar privé. Pendant pas moins de 18 ans, j’étais visité dans mes rêves par votre personnage, qui prenait un malin plaisir à me suspendre à ses crochets et à me déchirer la chair de manière inventive à tous les soirs. Pendant des années, j’ai même entretenu des conversations avec lui. Je voulais vous remercier d’avoir été mon démon personnel et de m’avoir donné ces magnifiques cauchemars. (Je le regarde me regarder... 
Il a ce demi sourire qu’il prête toujours à son personnage. Je pense que je me suis un peu pissé dessus en le regardant).


Mesdames et messieurs, a demon to some, an angel to others, Doug Bradley, Pinhead en chair et en fer…


Doug Bradley : Continues! J’adore ça. (Sa voix…sa putain de voix magnifique me fait peur)


F.O : Mr. Bradley. Quand je pense à votre personnage, je pense à son omniprésence dans la culture de masse. Pinhead est partout; des films, des comic-books et des figurines. Vous allez même devenir le Boss final dans un jeu vidéo de combat avec tous les grands slashers du cinéma, TERRORDROME!
D.B :Je n’ai jamais été payé pour ça!


F.O : Parce que c’est un jeu fait par des fans!


D .B : Ah les fans! Si ce sont les fans alors…


F.O : Votre personnage est maintenant plus qu’un monstre de film d’horreur…il est devenu un symbole…Quel effet ca vous fait, par exemple dans une convention comme celle ci, de vous voir partout?


D.B : Ce qu’il y a de fascinant avec Pinhead, c’est une perspective qu’a toujours partagé Clive Barker en ce qui concerne notre création, c’est que lorsqu’un personnage devient assez captivant, il prend vie en quelque sorte et échappe à ses créateurs. Il est vital de se dissocier mentalement de l’idée du personnage à ce moment là, qui devient un concept pur. Pinhead fait désormais partie du cauchemar collectif. Il nous a complètement échappé. Il existe par lui même et nous ne faisons désormais que donner chair à un personnage qui a une personnalité propre.
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F.O : Est-ce que Clive Barker et vous tentiez de donner chair une idée plus profonde et ancienne? Il semble parfois que votre interprétation de Pinhead va aux sources même d’une expérience occulte, comme si vous vous laissiez posséder par quelque chose, un concept, une idée, celle de la Douleur incarnée? (Je suis fébrile en ce moment)
)
D .B : C’est un chose particulière. Pinhead est VOTRE vision de ces concepts. C’est vous qui lui avez attribué ces traits. Je peux le voir ici même au ComicCon de Montreal; il représente quelque chose pour toute une communauté. Les amateurs d’horreur forment collectivement une extraordinaire créature que je côtoie depuis 22 ans. En gardant ce personnage et ce principe bien vivant, il faut être conscient qu’il y a un prix à payer. On ne peut faire ça sans vous parce qu’on le fait pour vous. Donc, voilà…je vous en remercie et je vous aime tous. (Tonnerre d’applaudissements)

F .O: Vous parliez du besoin de se dissocier de son personnage, ce qui est une part cruciale du travail d’acteur. D’un autre coté, Pinhead est un autre type de personnage; il est l’incarnation d’un concept assez puissant, le plaisir et la douleur entremêlée. Vous êtes devenue une icône de la culture populaire, mais aussi une icône de la contre-culture : des gens vous vénèrent au Japon comme si vous étiez un véritable démon. Pour ma part, quand j’étais plus jeune, je ne pouvais pas croire que vous n’existiez pas. C’était comme si vous étiez possédé je vous dis! 


 
D.B : (il me regarde comme si j’étais complètement taré) Oookk…(Silence. Des rires dans la salle) Je…je ne sais absolument pas comment répondre à cette question…parce que tu me demandes COMMENT j’ai fais ce que j’ai fait…peu importe comment j’ai fait ça, il semble que j’ai fais quelque chose correctement (il étouffe un ricanement dans sa gorge)! Durant ta première journée sur un plateau, tu ne sais pas ce qui va se passer; tu prends position et tu espères que ce que tu as visualisé dans ta tête fonctionne….mais en même temps, il y a quelque chose…un peu comme un chanteur qui approche de son micro ou un peintre qui s’approche de sa toile… tu es dans le mystère total. Tu espères que tes idées seront communiquées au public. En bref, si tu me demandes ce qui je faisais quand je jouais Pinhead…je ne sais vraiment pas…(avec intensité)
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J’ai fait des recherches…qui sont forcément limitées quand on parle des Cénobites, pour être franc! Il n’y pas vraiment d’endroit ou tu peux aller pour les observer au boulot! Du moins, je l’espère. J’ai eu l’avantage de pouvoir être en étroite collaboration avec Clive Barker et d’avoir le type d’indications qu’il est vraiment le seul à pouvoir donner. Je regardais des numéros de la revue Piercing fans international quaterly.
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Ne perdez pas de vue que les modifications corporelles étaient beaucoup plus rares à l’époque qu’elles ne le sont maintenant. Si c’est courant maintenant, ça l’étais moins à l’époque. Cette revue était dédiée à des gens qui appréciaient mutiler et percer , je précise, chaque centimètres disponibles de leur…chair.  (Il prend une grande respiration). Tout ce qu’il me restait à faire était de laisser ces images macérées dans ma tête…et lire le scénario encore et encore et encore…parce qu’au final, pour un acteur, il n’y a qu’un immense saut de l’ange à faire (on remarquera que les choix lexicaux de Bradley sont presque inquiétants). Il te reste à espérer que…(il hésite) Vous savez, j’ai travaillé avec Clive pendant 10 ans, et j’ai joué bien avant avec lui au théâtre des personnages qui n’étaient pas si loin de Pinhead ...
J’ai rencontré Clive au Lycée. Nous nous connaissons depuis 40 ans. Je le connais à fond…je sais ce qui…au moment de créer HELLRAISER, je le connaissais depuis 20 ans. Je connaissais à fond le panorama de son imagination.
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En lisant le scénario, je savais tout de suite quelles était les sensations qu’il voulait générées avec Pinhead. Je n’ai eu qu’une seule indication de lui durant la première journée de tournage : C’est bien…mais fais en le moins possible. Je m’adaptais et il me disait « c’est très bien. Ça fonctionne bien. Mais fais en moins! ». Il était satisfait, mais me demandait toujours d’en faire le moins possible. Ce qu’il essayait de faire, c’est de m’aider à m’habituer au maquillage…si je ne fais pas la moindre expression faciale, avec ce maquillage et les yeux noirs…sur un écran gigantesque, pas besoin de plus. Il m’a toujours dit que Pinhead, comme tu en a fais mention tout à l’heure, n’est pas qu’une simple monstre qui chasse et tue ses victimes.  Il faut vouloir le rencontrer : il faut trouver la Configuration des lamentations (le Cube qui ouvre les portes de l’enfer dans la mythologie de Hellraiser), réussir le puzzle avec les motivations appropriées et même dans ce cas, Pinhead aime avoir un brin de conversation avec toi avant de déchirer ton âme, de sortir ses chaînes.
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J’ai toujours dit que Pinhead est une image de souffrance reçue les bras ouverts. Étrangement, ca m’a pris beaucoup de temps avant de me rendre compte qu’il y avait un autre endroit où je pouvais aller pour avoir une idée associative d’un homme avec des clous dans la peau…et c’était évidemment Jésus. Mais c’est une idée que je n’avais pas saisie d’entrée de jeu…c’est comme la crucifixion sur le speed!
   
 C’est cette idée de souffrance reçue qui dit tout, comme si Pinhead disait aux gens qui le regardent : Regardez ce que je me suis fais à moi-même ou plutôt regardez ce qu’ils m’ont fait. Ce sont les marques que je porte sur moi pour toujours…Maintenant, imaginez ce que je peux VOUS faire… (à ce moment, je regarde Bradley en retenant mon souffle et en ne clignant pas des yeux…ce qui a pour effet d’embuer mes yeux. Des gens dans la salle devaient penser que je pleurais) C’est cette aura de menace qui le suit partout. Cette aura, je vais la chercher dans ma relation avec le maquillage (impossible de ne pas comprendre avec ses propos la puissance que ce rituel de transformation doit conférer à son interprétation). J’ai un visage très expressif mais Clive me disait toujours que je devais avoir le visage d’un mort. C’est difficile en tant qu’acteur parce que ca nous donne l’impression de simplement réciter nos lignes en restant immobile mais c’est comme ca qu’il fallait le jouer.
F. O : J’ai lu une ligne magnifique à ce propos. Vous évoquez l’idée d’une figure christique C’est ce que vous avez toujours incarné selon moi, un ange pour certain un démon pour d’autre. Vous avez donné une certaine Grâce et une beauté à votre personnage. Ce qui me fait penser à cette ligne que vous avez évoqué voilà quelques années, pensé par Clive Barker…vous tentiez d’attribuer un passé au personnage : avait-il déjà été humain jadis? À l’époque nous ne savions pas que c’était le Capitaine Elliot Spencer qui avait été transformé en Pinhead. La ligne disait  « Interprètes le personnage comme s’il lamentait  la perte de son humanité"
 »
D.B : Oui tout à fait. Quand je me suis retrouvé seul avec le costume pour la première fois, deux décisions furent prises. En fait,  regardez sur l’édition spéciale du DVD 20ème anniversaire d’Anchor Bay, l'image de Pinhead du verso… ils ont extirper cette photo, accidentellement, je crois, dans leur infini sagesse, d’une séance de photo préliminaire.
    On peut y voir un vilain pli dans le latex de mon cou. Je ne faisais justement pas ce mouvement à la caméra pour que l’on ne voit pas ces plis, ce qui accentuait la démarche et les mouvements particuliers du personnage. Je tournais tout mon corps, mais jamais ma tête. Vous pouvez voir sur cette photo préliminaire que le masque avait des véritables épingles (des pins), ce qui était bien sur photo, mais trop peu visible à la caméra. Ils ont donc décidé de changer ces épingles pour des petits et longs clous, comme on peut les voir dans le film. De plus, Clive considérait que mes jolis yeux bleus atténuais la menace…j’ai donc porté des lentilles de contacts noires à partir de ce moment.

J’ai toujours dis que j’ai trouvé la nature de mon personnage en m’observant dans le miroir avec mon maquillage pendant 20 minutes (bonjour le rituel). Je suis couvert de la tête au pied d’objets étrangers. Évidemment, le maquillage conjure plusieurs impressions mais la plus importante, je trouve, c’est la mélancolie. Je savais pour en avoir parler avec Clive que Pinhead avait été humain mais nous ne savions pas quand à ce moment là…ce pouvait être depuis hier, depuis une semaine, depuis des années, des milliers d’années. La mélancolie provient de ce sentiment. Ce qui explique aussi pourquoi Pinhead est invariablement attiré par l’interaction avec les humains. Il se nourrit ainsi de cette humanité perdue. De là vient sa fascination.

F .O : Cet aspect a d’ailleurs été conservé au delà des films. Il y a une série de comic-book actuellement écrite par Clive Barker. C’est la première fois depuis longtemps qu’il fait l’expansion de sa propre mythologie de quelconque manière. Dans cette série, vous (je me rend compte de mon erreur. Je me reprends et Bradley me remercie d’un léger hochement de tête)… Pinhead tente littéralement de redevenir humain et de trouver un remplaçant à ses fonctions infernales. Pour cette raison, il y a littéralement une tension entre lui et le personnage de Kirsty Cotton, similaire à celle qu’il y a entre Hannibal Lecter et Clarice Starling…
.    
D.B : Mais cette tension était là au tout début! J’ai toujours perçu la relation entre les deux comme ça.

F .O : C’était à même le scénario?


D.B : Il suffit de voir le relation malsaine qu’elle a avec son père Larry dans le premier film. Sa relation avec Pinhead en est l’inversion, en tout point. La ligne en leitmotiv Come To daddy est une évocation directe de cette relation. C’est une ligne inconfortable…


F .O : Time to play, également, qui est  directement reliée


D.B :So eager to play…


ENSEMBLE : …So reluctant to admit it! (Je frissonne en écrivant ceci)


F .O : (Je ris de joie nerveusement) Nous sommes tellement chanceux en ce moment! Votre personnage…parce qu’il l’est en quelque part, vous avez forcément mis beaucoup de vous en lui…


D .B : J’espère que non…


F .O : Disons le côté sombre de vous-même…il y a un aspect du passé hypothétique du personnage de Pinhead qui ne concerne que vous? Quelque chose qui ne vient pas du tout de Clive Barker et de sa mythologie?


D.B : Pas consciemment. On dit que l’on met un peu de soi dans tous les personnages que l’on interprète et qu’une part d’eux nous habite à jamais, ce qui m’inquiète un peu. Pas consciemment. Mais s’il y a quoi que ce soit qui m’a habité, ce sera probablement le fantôme de mon grand-père. C’était un pasteur baptiste et écossais, d’allégeance fondamentalement calviniste…un vrai mystificateur! J'ai cette vision de lui, quand il marchait  vers l’autel dans sa robe noire et je me disais, tout à fait consciemment « Hell! Ça a l’air amusant!  J’aimerais faire ça!». Je ne voulais évidemment pas être un pasteur, mais c’est la théâtralité de la chose qui me donnait envie. S’il y a quoi que ce soit que je suis allé chercher dans mes souvenirs, c’est cet élément de pouvoir assumé que se donnent les ecclésiastes et le théâtre de la religion, qui me fascine encore à ce jour. Je suis allé aujourd’hui à votre basilique. Je me décris toujours comme un athée religieux, un athée spirituel. Je rejette en bloc absolument tout de la religion organisée mais je ne peux pas NE PAS entrer dans une bonne église catholique, surtout s’il y a des os de saint à l’intérieur! Votre basilique est à se pâmer! C’est un édifice magnifique où toute la théâtralité de la religion prend son sens. 
   
F .O. Belle ligne, le théâtre de la religion! Ces aspects sont d’ailleurs présents dans l’univers de HELLRAISER, qui est en quelque sorte une inversion des principes chrétiens, une mascarade de syncrétisme… mais ce ne sont pas des démons à proprement parler…


D .B : Non. L’enfer de HELLRAISER est une autre dimension et n’a rien à voir avec l’enfer judéo-chrétien. Il n’y est jamais question de Satan, de Dieu, de damnation ou de Salut. Pinhead a une ligne dans HEllBOUND où il parle à Kirsty qui cherche son père en Enfer et lui explique qu’il est dans son Enfer personnel
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(à ce moment, on attend le bruit irritant, inapproprié et improbable d’un véritable R2D2 qui passe par là!)

Dans HELLRAISER, nous créons nous même notre propre Enfer et notre Paradis.


F.O : N’aviez vous pas détruit un putain de robot dans…


D .B : (singeant l’impatience ) Est-ce que je me fais interrompre en ce moment pas R2-D2? (rires) (Wow…Pinhead VS R2-D2!!!!!!!)


F.O : Ouais exactement! Et je me souviens de vous avoir vu détruire un robot dans le quatrième film de la série donc…laissez vous aller (il rit)! Je vais vous poser une question de cinéphile un peu pointue…la plupart des gens de ma génération ont découvert récemment le grand film de Ken Russel THE DEVILS.


D.B : C’est son chef d’œuvre. (des applaudissements dans la salle). C’est probablement son seul bon film…Il a fait des merdes, mais THE DEVILS est du travail de génie.


F.O : Je me disais que le film avait du faire un impact considérable en Angleterre?


D.B : Oh oui…en fait, je l’ai vu au cinéma avant qu’il ne soit interdit…


F .O : J’imagine que ce fut probablement le cas aussi pour Clive Barker?


D.B : Oui effectivement…


F .O : Je me suis toujours dis que vous aviez du voir le film ensemble. Était-ce le cas?


D .B : C’est fort probable! Nous allions beaucoup au cinéma ensemble,  pour voir des films d’horreur. C’est plus que probable que nous l’ayons vu ensemble.
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F .O : J’ai toujours trouvé qu’il y avait énormément de ce film dans HELLRAISER et qu’il avait du vous inspirer tous les deux directement. Il y a même un personnage qui s’appelle le Père Mignon qui vous ressemble un peu, qui est comme une sorte de Pinhead avant l’heure; il bouge comme vous et qui aussi les mêmes lignes que vous!
!

D.B : C’est vrai. Avec ce visage long et magnifique. Je ne pense pas que Clive désavouerais l’influence. C’est très certainement le cas, même si je ne veux pas me prononcer pour lui.


Yoann : Est-ce difficile de porter le maquillage durant de longues heures?


D.B : J’ai mes bonnes et mauvaises journées! J’ai une relation amour-haine avec lui. Le rituel de transformation est excitant mais…c’est aussi un labeur. C’est quatre heures de boulot. Performer devant la caméra n’est pas un problème, mais exister toute une journée dans ce costume est aliénant. Étouffant même. Les longues heures d’attentes entre les scènes…c’est mauvais pour les idées et ca joue sur le moral gravement. Tu voudrais simplement l’arracher quelques heures et être toi même.  J’ai appris en parlant à Robert Englund (l’interprète de Freddy Krueger) que nous avions le même problème : nous sommes incapables de rester seul dans ce costume mais nous ne pouvons pas non plus être entouré de trop de gens. On devient des nomades pendant les tournages…on erre.  On se perd dans nos pensées. Ce qui n’est pas inapproprié pour jouer ce personnage. Gary Tunniclife, celui qui a fait le maquillage des 5 derniers HELLRAISER, sait que j’aime être sur le plateau mais que je disparais soudainement quand le moment du maquillage arrive. Il me connaît bien. L’odeur de latex et de la colle est horrible…le premier jour est toujours difficile et il n’est jamais productif.


F.O : Le maquilleur Gary Tunicliffe a d’ailleurs réalisé un court-métrage où il interprète Pinhead! Ça raconte les derniers jours du personnage dans un futur apocalyptique où il n’y a plus de vie sur terre. Ça devait être étrange de voir votre maquilleur jouer votre 
personnage non?
D.B : C’était étrange. Il l’a fait sans jamais m’en parler.


F .O : (Ce n’est pas l’opinion de Tunnicliffe : Bradley aurait refusé de le faire gratuitement). Vous êtes sur que vous n’en avez jamais parlé?


D .B : Un peu disons…mais j’étais une peu fâché contre lui à ce moment là.


F .O : Que pensez vous de son nouveau design pour le personnage?


D.B : (impatient) Encore, je ne sais pas pourquoi il a fait ça! C’est devenu un feu de broussaille ce truc; tout le monde était persuadé que c’était le design du Pinhead qu’on verrait dans le remake…c’est absolument faux. C’était juste Gary qui voulait déconner. Faudrait lui demander pourquoi il a fait ça…
F .O : Pascal Laugier, le fameux réalisateur du film MARTYRS  a été quelque temps associé au remake…

D.B : oui mais avant, c’était les deux réalisateurs du film À L’INTÉRIEUR…


F .O : Oui…Alexandre Bustillo et Julien Maury…Vous n’avez jamais été approché par aucun d’entre eux?


D .B : Jamais. 4 ans ont passés depuis l’annonce de ce potentiel remake et personne ne m’a contacté. DIMENSION ne me parle jamais, de même que la longue liste de réalisateurs attribués au projet…(avec gravité) Je suis irrémédiablement opposé à l’idée de tous ces remakes… à quelques exceptions près. Je pense que celui de  THE CRAZIES était très bon (vraiment?) et meilleur que l’original. Je viens juste de voir la production de Del Toro, le remake DON’T BE AFRAID OF THE DARK, qui était à l’origine un inquiétant petit téléfilm, mais qui n’étais pas particulièrement bon. C’était plutôt bien. Si vous allez sur mon site web, Doug Bradley.com, vous pouvez trouver un t-shirt donc le design est de ma copine, Steph qui est à ma table. La ligne qu’on peut y lire m’est venue à l’esprit durant une conférence comme celle-ci, autour de la question des remakes. J’ai pris la ligne du film original « No tears please…it’s a waste of good suffering » et j’en ai fait « No remakes please…it’s a waste of good celluloïd! » (applaudissements)


F.O : J’en veux un? Vous en avez ici?


D.B : Non…je n’ai pas pu emmener mon livre non plus parce les douaniers canadiens sont des putes…On ne peut rien apporter dans ce putain de pays! Allez sur mon site…


F .O : J’imagines que vous n’auriez pas été intéressé à jouer dans le fameux crossover entre Michael Myers et Hellraiser qui fut une rumeur pendant des années, le mythique HELLOWEEN?

D.B :Qu’est-ce que te fais dire ça?


F .O : Je conviens que ce n’est pas un remake…


D.B : J’y aurais participé pour deux très bonnes raisons. Des années avant FREDDY VS JASON, il y a eu deux très solides propositions pour un HALLOWEEN-HELLRAISER. DIMENSION a rejeté les deux, considérant de toute manière qu’un film de FREDDY VS JASON se planterait. Il se sont trompés bien sur. Le films est resté en première position au box-office pendant deux semaines.  Évidemment, les Weinsteins ont changé d’idée à ce moment là. Les raisons pour lesquelles ce projet m’enthousiasmait, c’est que Carpenter l’aurait réalisé et Clive l’aurait écrit! Tu peux parier ta putain de vie que j’aurais été dans ce film!


F .O : Ces deux mythologies auraient fonctionnées parfaitement ensemble.


D.B :J’ai eu une conversation avec Clive à ce sujet. Il est clair que l’idée d’un combat véritable serait ridicule, mais par contre, le mélange des deux environnements auraient été fascinant. Considérons le fait que Michael est un meurtrier de masse, psychotique, fou et déviant sexuel… il est clair qu’il aurait intéressé Pinhead! Selon moi, un aspect est malheureusement absent dans le remake de Rob Zombie. Il n’y a malheureusement plus rien de surnaturel autour du personnage. HALLOWEEN n’est pas qu’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps, c’est une leçon de cinéma. J’ai toujours trouvé que HALLOWEEN fonctionne bien parce qu’il est comme un bon film de DRACULA, où le personnage du Dr. Loomis joué par Donald Pleasance occupe la fonction de Van Helsing. Son énergie à essayer de faire comprendre aux gens le danger qu’il représente est contagieuse. C’est effrayant quand Michael se fait tirer dessus et continus de marcher! C’est une créature surnaturelle. Dans le film de Zombie, il n’est qu’un petit morveux gigantesque avec une attitude et un masque rapiécé. Il ne faisait plus peur du tout. Je voulais le voir crever une fois pour toute tellement il m’ennuyait. Crèves sur le sol, sale mioche! Désolé Rob, je t’adore mais pas ta version de HALLOWEEN.


F.O : Saviez-vous qu’on avait écris un fin alternative de FREDDY VS JASON où vous apparaissiez?


D .B : (il perd patience) Tout le monde me parle toujours de ce truc!


F.O : Mais c’est normal! C’est fascinant!


D.B : C’EST fascinant mais c’était impossible que ca se passe! NEW LINE sont les propriétaires de Freddy et Jason et MIRAMAX, DIMENSION, Les Weinsteins ont les droits de HELLRAISER. Ils ne pouvaient pas faire ça et ils ne l’auraient pas fait.
La raison pour laquelle HELLOWEEN n’a pas vu le jour, ce que Mustapha Akkad, le producteur du premier HALLOWEEN est mort dans une explosion terroriste en Syrie. La famille d’Akkad avaient gardé suffisamment de contrôle sur la production de la franchise pour faire perdurer ses dernières volontés…et il ne voulait absolument pas que ce film existe. Ce qui a totalement tué le projet.


F .O Nous avons du temps pour une dernière question. Nous voulons vous voir encore jouer Pinhead, nous avons BESOIN de vous voir le jouer à nouveau et nous sommes prêts à nous battre s’il le faut. Est-ce que vous voudriez jouer dans des films de fans ou d’autre types de production en marge?


D.B : Nous n’avons pas parlé de HELLRAISER :REVELATIONS hein?.  J’imagine que vous connaissez?
(Doug Bradley aperçoit à ce moment là, assis seul sur une chaise, un ourson en peluche blanc déguisé en Pinhead)


D.B : (en le pointant) À qui est cet ourson?


Une Fan : C’est pour vous…je l’ai fais moi même!


D .B : (Il se fait doux). Il est mignon! Merci beaucoup! (long silence inconfortable). J’ai reçu un coup de fil concernant ce film. Quelqu’un c’était rendu compte qu’il était sur la point de perdre les droits de la franchise à DIMENSION. Ils ont donc chié un film au plus vite, écrit et préparé par le maquilleur Gary Tunicliffe. On m’a cité les paroles des Weinsteins à ce propos : « On n’a rien à foutre de ce que vous allez faire, mais faites nous un film en deux semaines avec un budget de 150 000$ ». J’ai lu le scénario et j’ai évidemment refusé. Ces gens là n’avaient rien à faire avec HELLRAISER. Ils ne voulaient que garder les droits. Ca fait maintenant 9 ans que je n’ai pas joué le personnage. J’en ai fait un peu mon deuil. Il faudrait vraiment quelque chose d’intéressant pour me faire remettre le costume. J’ai accepté que le personnage me suive pour le restant de ma vie mais je ne veux plus d’une version édulcorée comme celle de ce film là, où Pinhead apparaît, fait quelque chose de cruel, revient à la fin avec quelques mots d’esprit à saveur Shakespearienne et repart.
Nous avons d’ailleurs avec nous dans la salle un autre Pinhead! Stéphane, le gentleman là-bas dans la salle, est la voix française de Pinhead dans ce film. Je ne l’ai pas vu mais lui si… et il m’assure que c’est de la…


Stéphane : (du tac au tac) Je ne peux parler publiquement du film


D.B : (Bradley est hilare) Ce n’est pas ce que tu m’as dis à ma table!


Stéphane : Je peux vous dire qu’il y a deux Pinhead dans le film, un pseudo-pinhead….


D.B : C’est tellement bizarre. Vous pouvez aller sur YOUTUBE regarder la bande-annonce. On y entend Pinhead dire un truc comme « j’ai hâte de te déchirer en morceaux ». Vous conviendrez que ça manque de je ne sais quoi, comme on dit chez vous! Il a eu droit à 800 000 vues et 94% de gens qui n’aiment pas. Je ne veux rien savoir de ce film et je ne pense pas qu’il me contacterait de toute manièere pour faire le remake. S’ils peuvent faire un remake de NIGHTMARE ON ELM STREET sans Robert Englund, il n’y a plus d’espoir pour moi. Il n’y a pas de Freddy sans Englund et l’idée même de la chose est offensante. Si je regarde ce film un jour, ce sera une version téléchargée gratuitement. Je vais me faire taper sur les doigts en disant ca mais quand je suis sortie du cinéma après avoir vu le remake de HALLOWEEN, j’ai eu cette réflexion « je ne fais pas partie de la solution…je fais partie du problème parce que j’ai acheté un ticket! ». Je leur ai donné mon argent. Il n’y a pas d’autre raison pour l’existence de ces remakes que l’argent. En tant que fan, il est évident que nous voulons voir ces films, un peu comme nous voulons voir la totalité d’un accident de voiture, question de savoir s’il y a du sang sur l’autoroute et des morceaux de cervelles partout. Mais n’allez pas les voir au cinéma…regardez les illégalement de grâce. Ainsi, ils seront forcés de ne plus en faire…

 J'ai survécu à la rencontre de mon cauchemar. Peu de temps après l'entrevue, je passe près de la table de Bradley. Je constate que sa très jeune copine doit être dans la vingtaine, début trentaine au maximum. Une jeune fan gothique, un peu comme Kirsty Cotton...so eager to play...

Sid Haig en entrevue: le goon est triste?

(Cette entrevue est initialement parue sur le site de l'émission LES MYSTÉRIEUX ÉTONNANTS dans le cadre d'une couverture du ComicCon de Montréal 2011)



Sid Haig se déplace d'un pas lent et pesant, comme s'il avait tout le temps du monde. Les épaules voutées et la tête en avant, avec le regard fixe. Les gens se tassent sur son passage. Même à son âge, le bonhomme est menacant. On devine cependant à sa démarche qu'il a probablement eu quelques accidents et que sa charpente en a vu de toutes les couleurs. Haig  s'exprime comme il se déplace; à son rythme. La surprise est de taille lorsqu'on écoute ses propos. Il a beaucoup d'humour, il est chaleureux et, avec un peu d'amertume, il sait bien que son physique de tueur l'a tristement condamné à certains rôles.


Au début, mes questions semblent le laisser froid mais très vite, Haig est surpris de constater que je connais sa carrière. Il répond généreusement à mes questions sur son meilleur ami le réalisateur Jack Hill, ce copieur patenté nommé Francis Ford Coppola, Pam Grier et la blaxploitation, le  film culte Spider Baby et son importance, les biscuits fait maison de Sheri Moon Zombie, ses films préférés, Che Guevara, Tarantino et sa folie. Qu'on se le dise: Sid Haig ne supporte pas l'ennui. Il se fait donc un devoir, avec succès, de ne jamais être ennuyant. (à partir d'ici, cliquez sur les noms souligner pour écouter nos émissions complète  sur le sujet)

Sid Haig : Salut tout le monde. Content de voir qu’il a des fans d’horreur dans la place!


Francis Ouellette : Bonjour tout le monde. Je suis le co-animateur de l’émission de radio Les Mystérieux étonnants et de l’émission de cinéma le 7ème antiquaire. Ne perdons pas de temps car nous avons avec nous Mr. Sid Haig. 
(Haig s’inquiète en m’attendant parler en francais)
Oui Mr. Haig, cette émission sera bel et bien en anglais!


S.H: Bien, parce que sinon, je serais resté assis à t’écouter!


F.O: Mr. Haig, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Si vous me le permettez, je vais vous introduire à ceux qui ne vous connaissent  pas - mais je doute qu’il y en ait  beaucoup ici! Pour la plupart d’entre vous, le gentleman ici même est Captain Spaulding, le patriarche de la famille Firefly dans les films de Rob Zombie House of a thousand corpses et The Devil’s rejects, mais également The Haunted world of El Superbeasto, pour ceux qui l’ont vu (c'est une trilogie quand même). Pour d'autres maniaques de cinéma, il est aussi une figure familière dans plusieurs productions de Roger Corman , mais aussi un ami personnel du réalisateur Jack Hill, un des grands initiateurs du genre de la  blaxploitation et de la WIP (le sous-genre de la Women in Prison). Il fut aussi, le gardien, le pimp, le chasseur et le bourreau de la sublime Pam Grier.
S.H: Yup.

F.O: J'imagine que ce fut un plaisir de chasser cette femme encore et encore pendant plus de 20 ans à l'écran?

S.H: Ce n’était pas du boulot éreintant, je peux te l’assurer.

F.O: Pendant plus de 40 ans, Haig a été une figure récurrente de l’horreur, de la télévision, il a prêté sa voix à plusieurs productions. Pour ma part, je vous ai vraiment découvert dans le film de Jack Hill Spider Baby or the maddest story ever told et vous.. m’avez…foutrement… EFFRAYÉ dans ce film!!!

S.H: J’étais juste un gros bébé! Allons donc! (il me lance un regard lugubre)

 
F.O: Vous étiez un gros bébé actif sexuellement! Vous chassiez les femmes dans cette maison étroite…pour moi –vous allez pouvoir me le confirmer- le film a toujours été une manière d’antépisode aux films de Rob Zombie, comme si votre personnage allait devenir un jour le Captain Spaulding.
S.H: Oui. Et Spider Baby était le premier film du genre à parler d’une famille de campagnards cinglés qui tuent et mangent des gens. 11 ans avant Rocky Horror, 13 ans avant Texas chainsaw massacre. Nous étions les premiers de notre genre!
F.O:Vous étiez cannibales! Ils mangeaient bel et bien de la chair humaine!!!

S.H: (au public) Vous savez quoi que ce soit à propos de l’histoire? Cette famille a une maladie qui s’appelle le syndrome Merrye qui fait qu’à mesure qu’ils vieillissent, ils régressent mentalement et physiquement jusqu’au point ou ils deviennent presque des bêtes, donc, on tuaient des gens et les foutaient dans le sous-sol de notre maison pour que le reste des membres de la famille les mangent.

(il fait un petit rire et un regard de maniaque tout à fait convaincant)

F.O: C'était un film horrifique mais aussi très drôle par moment, avec beaucoup d'humour noir. Ce n'était pas seulement un des premiers films à parler de cannibales rednecks qui chassent les gens mais il était un précurseur du vidéoclip de heavy-metal. Il serait probablement possible de refaire le montage de ce film avec du metal sans problèmes!

S.H: En fait, quelqu’un l’a déjà fait…oui…et ca marche. C’est dingue. Je suis dingue.

F.O: Magnifiquement dingue!

S.H: C’est amusant d’être dingue! Vous devriez essayer.

F.O: Est-ce que Rob Zombie vous a déjà dit s’il avait vu Spider Baby et si ça l’avait inspiré?

S.H:  Ok. Je vous raconte l’histoire. Comment me suis-je retrouvé dans House of thousand corpses? On me dit de me rendre dans un édifice, je signe un contrat, on me donne un scénario, on me dit de rentrer chez moi et de le lire et que si j’aime ça, le rôle est pour moi tout de suite. C’est beaucoup plus tard au mariage de Rob Zombie, alors que je parlais à son frère, que j'apprend un truc. Le frère de Rob me dit "C’est étrange!" Je lui demande "Quoi? Le mariage de ton frère?".  "Non…être là devant vous à vous parler"'

"De quoi parles-tu?"

"Quand Rob et moi étions petit, on se levait tout les samedis matins et on regardait Jason of Star command  à la télé et tu nous donnais une frousse pas possible".(Dans cette émission de télé à la Star Wars, Haig jouait le cruel Dragos, maître de l'univers auto-proclamé)

Il s'avère donc que  j’ai été dans la vie de Rob depuis qu'il a neuf ans. Il a suivi ma carrière tout ce temps et le jour où il m’a donné mon prix pour l’ensemble de ma carrière, mon Eyegor, il m’a confirmé que toute sa vie, il voulait devenir réalisateur et faire un film avec moi. C’est de là que tout part...

F.O: Puisqu’on parle de Zombie, nous allons devoir parler de Tarantino également, puisqu’il fait en quelque sorte partie de son nouveau clan. Tarantino s’est déjà fait poser la question à savoir qui était les trois plus grands réalisateurs de tous les temps et il a répondu trois fois Jack Hill! Il est obsédé par ce réalisateur.

S.H: Ouais..et il a dit ça d’ailleurs au Daily show de Jon Stewart... et Stewart a demandé qui était Jack Hill (rires)! Tarantino n’a pas cessé de le gronder durant les 5 minutes suivantes de l'entrevue parce qu’il ne le savait pas qui c'était!  Voilà. Jack est vraiment chouette. (Haig prend soudain de l’expansion) Jack Hill a fait ses études en cinéma au UCLA en même temps que Francis Ford Coppola. Jack Hill était un meilleur réalisateur. Coppola était un meilleur homme d’affaire. Il savait mieux faire sa promotion. C’est ça la différence entre les deux hommes.

F.O: Drôle que vous parliez de ça, parce que dans le premier film que vous avez fait avec Jack Hill (le court métrage  THE HOST 1960) la dernière partie ressemble à s’y méprendre à la finale d'Apocalypse now? On dirait que Coppola l’a copiée…
S.H: (Son visage se fait dur) C’était le cas. C’était totalement le cas. Francis n’a jamais voulu l’admettre mais son épouse l'a confirmé! Il cherchait une finale appropriée pour Apocalypse now et il s’est rappelé le film que j'avais fait avec Jack et s’est dit '"voilà, je vais finir mon film exactement comme ça!" C’est ici que vous l'avez attendu en premier les amis!

F.O: Jack Hill était Tarantino avant même que  Tarantino ne devienne Tarantino, mais en tant que cinéphile, il est évident que ce dernier a vu tous les grands films de blaxploitation dans lesquels vous avez joué, Foxy Brown et Coffy, où vous interprétez des effrayants gangsters et des pimps inoubliables…sérieusement, vous avez incarné des pimps mémorables!

S.H: (il rit) Je devrais peut-être me ré-orienter!

F.O: Tarantino avait donc eu la brillante idée de vous donner le rôle du juge de Pam Grier dans JACKIE BROWN, en hommage à tous vos rôles avec elle...

S.H: Oui…un jour je recois un coup de fil de Tarantino...je ne sais pas comment il a eu mon numéro de téléphone mais j’imagine que lorsque tu te nommes Tarantino, tu as des connexions à la CIA!-Il me dit : « je sais que tu n’es plus intéressé à jouer les balourds dangereux mais je t’ai écris un rôle et tu va le jouer et c’est tout!" J’ai donc obéis!

F.O: Je dois vous poser la question à l’instant. J’ai toujours voulu vous voir dans un véritable western, un western classique…vous jouiez un personnage appellez Django dans BLACK MAMA, WHITE MAMA

S.H: Il était dingue ce personnage!

F.O: C’était un révolutionnaire dangereux, une sorte de méchant Che Guevara…

S.H: ...mais il était drôle! Je mets de l’humour dans tout ce que je fais. Je vais t’expliquer la formule et gâcher toutes tes attentes mon pote : si tu parviens à faire rire quelqu’un, tu peux lui faire vivre n’importe quelle émotion par la suite. Le rire ouvre les gens et c’est à ce moment là qu’il faut leur rentrer dedans avec un camion...WHAM. (Rires dans la salle)

F.O: C’était ça la recette de Captain Spaulding hein?

S.H: Yup.

F.O: Un petit rire et ensuite, il tuait quelqu’un?

S.H: Dans ma scène avec les deux gars dans mon magasin dans HOUSE..., c’est précisément ce que je fais... je les pousse à bout et je les fais rire tout de suite après et ensuite, je les massacre.

F.O: Il faut que je vous demande …allez vous être dans le DJANGO de Tarantino?

S.H:  Je devrais non? Personne ne m'en a parlé encore.

F.O: Faut insister svp!

S.H: Je m’excuse. Je vais l'appeler de ce pas! Ok c'est fait!

F.O: Une question à propos de la chimie que vous aviez à l’écran avec Pam Grier. Certaines de ces scènes étaient assez violentes. Vous êtes un homme imposant : comment ca c’est passé avec elle à ce niveau là? Êtes-vous devenus des amis par la suite?

S.H : Nous sommes de grands…(il hésite et sourit) tu sais, quand tu passes ta journée à tripoter quelqu’un, t'as pas le choix de le devenir! J'ai rencontré Pam dans le film The Big doll house..... 
...un film de femmes en prison, évidemment. Pour moi, faire un film comme celui là aux Philippines, c’était le rêve de tout homme. Il y avait toujours 9 femmes nues sous cette chaleur…avec moi! (rires) Fallait que quelqu’un le fasse! Nous sommes forcément devenus des bons amis. Elle est comme ma petite sœur.

F.O: Êtes vous encore amis avec Jack Hill?

S.H: Mais oui! On se parle tout le temps!

F.O: Y’a t'il des chances qu’on vous voit à nouveau dans un film réalisé par lui?

S.H: (sardonique)Jack écrit aujourd’hui des comédies romantiques…

F.O: Huh? Le gars qui a révolutionné la blaxploitation et les Films de femmes en prison écrit des comédies romantique?

S.H: Faut bien évoluer! (rires)

F.O: Quel est le réalisateur avec lequel vous avez préféré travailler? Est-ce Jack Hill?

S.H : « Préféré » est un terme large…il y a les amis avec lesquelles j’ai aimé collaborer et les professionnels consumés...Jack Hill m'a gardé en vie durant les années 70 et 80. C’est un fait. D’un certain point de vue, c’est lui mon préféré. Tarantino est un de mes préférés parce qu’il est un cinéphile maniaque. Quand j'ai fais Jackie Brown avec lui, il a passé la journée à citer par cœur toutes les lignes de tous les films dans lesquels j'avais joué! Et Rob Zombie pour m'avoir donner une seconde vie…parce que j’avais laissé tomber. En 1992, je me suis dit « si personne ne me donne d’autre rôle que celui de pointer un fusil, je me retire… ». Quentin m’a fait revenir pour Jackie Brown mais ca n’a rien changé. C’est à Rob que je le dois. C’est à cause de lui que je suis ici, à Toronto et Calgary et San Diego. Je lui suis très reconnaissant. En ce qui concerne les réalisateurs avec une perspective artistique et à l'écoute de leurs acteurs,  j’en connais deux qui vont dans cette catégorie, trois en fait : Jack Hill…Rob Zombie…et Richard Fleischer. Fleischer a gagné un Oscar pour Doctor Dolittle, l’original, qui est un grand film. J'ai joué dans un de ses films avec Omar Shariff intitulé CHE!

À la fin de ce film, Che Guevara se décompose à vue d'oeil. J’y jouais un jeune révolutionnaire qui considère Che comme son frère et qui le voit tranquillement devenir un monstre. Nous y avons une dernière rencontre. Che est couché dans un hamac et ses problèmes d’asthmes empirent. J’étais à vingt pieds d’Omar Sharif pendant cette scène. Je suis inconfortable, Sharif me demande ce qui ne va pas. Je lui répond que mon personnage voit quelqu’un qu'il considère comme son frère en souffrance, qu'il me semble que la distance entre nous ne fait pas de sens et que nous devrions nous rapprocher. Omar a proposé l’idée de changer la scène à Fleischer- il savait que Fleischer n’y tiendrait pas compte si ça venait de moi, un jeunôt. Omar lui propose l’idée de nous rapprocher et Fleischer acquiesce en disant « Eh ben! On reçoit des nouvelles leçons tous les jours! ». Ça prend de l’humilité de la part d’un réalisateur de cette trempe pour faire, ce qui prouve sa qualité. Mais je ne voulais pas vous emmerdez avec cette histoire…

F.O: Non, non, c’était une histoire magnifique. Une toute nouvelle génération se familiarise avec vos films. Il y a peu de temps de ça, trop peu de gens respectaient les films de genres, de Hill et Corman, la blaxploitation ...Cette nouvelle génération traite ça avec révérence et en  considérant la pertinence sociale. Même les films de Femmes en prison véhiculent parfois des idéologies féministes…

S.H: Oh oui! Et quand nous faisions ces films, c’était évident pour moi que ça pouvait être interessant pour les femmes -et les hommes…comment ne pas être interressé par ses visions de femmes magnifiques sous la douche? C’est vrai que les gens et les critiques faisaient la gueule aux genres à l’époque. En fait, quand House of a thousand corpses est sorti, les critiques l’ont massacré…ils ont tous changé d’opinion quand le film est devenu populaire. Rob se disait : Ah Voilà! Maintenant que nous avons fait 37 millions, nous avons droit à des critiques positives!" Les critiques de cinéma de comprennent pas les films d’horreur. C'est probablement la raison pour laquelle il n’y a jamais eu de film d’horreur nominé aux Oscars. C’est aussi pourquoi les studio Universal, qui fut jadis la maison de l'horreur, ont créé leur propre cérémonie, les prix Eyegor, pour célébrer les créateurs du milieu de l’horreur.
L'an dernier, j’y ai reçu un prix pour l’ensemble de ma carrière de la main de Rob (applaudissements). Ce fut mon plaisir, je peux vous l’assurer.
F.O: Et vous n’avez pas arrêter de travailler depuis que Rob Zombie a fait ses films. Je dois le dire : dans Devil's rejects, vos personnages étaient absolument terribles et amoraux, mais à la fin du film, je me souviens que plusieurs personnes pleuraient dans le cinéma quand même. Votre mort était épique.

SH: Suffit de cracher un peu de sang et de s’évanouir!

Une question du caméraman, nul autre que Yoann-Karl Whissel, co-animateur des Mystérieux étonnants et réalisateur dans le collectif Road kill Superstar, un vrai fan :

Yoann: J’ai pleuré aussi quand vous êtes mort! Qu’est-ce qui rendait votre personnage si fascinant? Il était un peu moins monstrueux que les autres non?

S.H: Il était fascinant parce qu’il était honnête. Il ne se laisse pas emmerder et se faisait sa propre justice. C’est mon travail en tant qu’acteur d'inventer un être humain crédible à l’écran et d'en considérer les multiples facettes. Je suis certain qu'Al Capone pouvait faire rire sa bande avant de tuer une vingtaine de personnes contre un mur! Chacun d’entre nous dans cette salle sont des monstres et des gens magnifiques. L’acteur va chercher ces contradictions en lui-même.

Une question du public :

J’ai entendu que vous deviez être dans PULP FICTION?

S.H: Une des erreurs les plus stupides de ma vie. Tarantino voulait que je joue Marcellus Wallace. Je voulais le jouer. Tarantino me complimente après mon audition et me dit qu’il est fan. Il me dit de regarder autour de moi. Partout dans son bureau, il y a des grandes photos de moi. Je lui en signe une. Plus tard, je parle à mon agent pour lui faire comprendre que je ne veux plus faire de tournage sous pression et dans le stress. L’offre pour Pulp FICTION ne m’accordait qu'une seule journée de tournage. Je trouvais ça irritant: tourner en une seule journée est compliqué, il faut se déplacer constamment et travailler comme un dingue. On ne réalise rien de bon dans ce temps là. Je ne voulais plus faire ça. Personne n’avait penser à me faire savoir que Tarantino ne travaillait pas comme ca. Je ne le savais pas. Depuis, je n’ai jamais eu de gros rôles dans un de ses films et je le regrette.

F.O: C’était plus amusant de voir Ving Rhames se faire violer non? Je n’aurais pas pu supporter de vous voir vous faire violer...
S.H: (il est hésitant et perplexe) euhh…j’imagine que c’est effectivement mieux de le voir lui que de me voir moi…mais ça fait partie du boulot!

F.O: Mais Tarantino a quand même insisté par la suite pour que vous faire jouer le juge de Jackie Brown par la suite. Ca n’a malheureusement pas redémarré votre carrière vous disiez ?

S.H: Non c’est vraiment grâce à Rob. Laissez moi vous dire une chose: Rob Zombie est un être humain magnifique. Je suis conscient que lorsqu’on le voit, on se dit tout de suite "Bordel ! Je ne laisserais pas ce gars là approcher ma fille!". En 2000, quelques jours avant Noël, j’ai eu un terrible accident de voiture: Sternum fracassé, traumatisme cranien, le sang me sortait des oreilles et blah blah blah. Nous devions à ce moment là filmer des scènes supplémentaires pour House... Quand je suis arrivé à l’hôpital , je me suis dis que ce serait raisonnable de ma part d’expliquer à Rob que je ne pourrais pas filmer pour quelque temps. Ce que j'ai fais. Pas de problème. Quelques jours plus tard, Rob me téléphone pour me demander ce qui est advenue de ma voiture. "Ma voiture se lêche elle même le cul en ce moment Rob". Les assurances faisaient chiées et je n’avais plus de voiture. Rob me dit alors qu’il m'en achetera une. Je lui dit que je le rembourserai. Il me dit "Sid…c’est qu’une voiture. Ta gueule…".Quelques jours plus tard, il cogne à ma porte avec son épouse Sheri Moon qui tient un panier bourré de ses biscuit maison, de pots de confitures et de soupes. Je suis atterré. "On va pas te laisser crever de faim ok!" Et Rob me donne les clés de ma nouvelle voiture.

F.O: Vous l’avez entendu ici les amis! Les Zombies font des biscuits maison!

Un question insipide du public sur la marque de sa voiture. Une autre, pertinente, sur ses prochains films.

S.H: J'ai tourné un film ici au Canada qui s’intitule CREATURE. J’ai un film qui commence bientôt au Blue Water film festival et deux autre qui s’en viennent , ZOMBEX et THE INFLICTION, où je joue un psychiatre…(rires instantanés). Yup. C’est très important pour moi. J’ai été cantonné à jouer les gangsters et des maniaques de film d’horreur assez longtemps. THE INFLICTION est un film d'horreur mais je joue un véritable psychiatre qui veut aider une jeune fille.
Question du public

Est-ce que vous serrez dans le prochain projet de Rob Zombie?

S.H: Je ne sais pas. Nous avons pas mal parlé. Rien d’officiel encore mais nous parlons.

F.O : Une autre question. Dans SPIDER BABY on retrouvait un fort sentiment familial. Même chose avec Texas chainsaw massacre et dans les films de Rob Zombie aussi, où Bill Moseley est un peu lui au final. Êtes vous devenu une figure paternelle pour lui?

S.H : Je ne sais pas…j’ai assez d'enfants comme ca (un rire narquois)

F.O : Vous en avez eu avec Pam Grier.

S.H : Quoi? Euh...non.

Un commentaire du public. Quelqu’un s’excuse auprès de Sid. Il semble que Doug Bradley et Sid avaient demandé à ces gens de la convention un bon endroit où manger le soir d'avant, mais que ces derniers ne savaient pas et cherchaient également.  Ils ont trouvé seul finalement. Où ont-ils mangé, l'histoire ne nous le dira pas. Mais imaginez: Captain Spaulding et Pinhead en train de manger du St-Hubert!!!!! Creepy.

F.O : Parlez nous un peu de ZOMBEX?

S.H :Non je ne peux pas. Je ne sais rien du film. Je peux vous dire que j'y joue avec Malcolm McDowell.
F.O : C’est bien pour ca qe je vous pose la question…lui est vous ensemble…ca me donne mal à la tête…

S.H : Mcdowell joue un docteur-scientifique qui fait des expérimentations inappropriées sur les gens et je suis le commandant d’un bataillon militaire spécial, un vrai dur à cuire…. j’ai appris récemment que c’était une comédie musicale!!!!

F.O: Huh? Oookkkk. Quand vous avez commencer votre carrière, vous n'aviez pas prévu le DVD évidemment, qui permet d’intéressantes expérimentations. Je ne sais pas si des gens se souvienne du menu du DVD de HOUSE...où on peut voir Haig, hurler, s’adresser au spectateur en lui disant de commencer le putain de film! C’est effrayant!
S.H: J'ai entendu dire que des gens mettent le menu de DVD en loop durant des fêtes…il  le laisse tourner toute la nuit…C’est fou! Bien plus fou que moi…

F.O: J'ai travaillé jadis dans un club vidéo et nous avons fait ça pendant une semaine…pas des farces! Les clients devenaient dingues.

S.H: T’es malade! C'était une des premières fois que quelqu’un utilisait le personnage du film comme élément interactif du menu!

YOANN : Comment vous préparez vous pour un rôle?

S.H: Je ne fais pas grand-chose! (il rit). Comme je vous disais tout à l’heure, je suis dingue. Je m’ouvre et je laisse tout sortir. SPIDER BABY avait été difficile parce que je n’avais aucun référence. Je suis allé au zoo pour regarder les singes et les imiter. Je regardais des enfants jouer dans un parc. (Tout ce que Sid Haig vient dire à ce moment là déclenche des images effrayantes dans ma psychée)

F.O: Je somme tout le monde de regarder SPIDER BABY d'ailleurs!

S.H: C'est un film magnifique. Nous l’avons fait en 1964, avant même que vos parents soient nés et tous les cinq ans, les gens semblent redécouvrir ce film. En fait, un des seuls endroits où il a été longtemps disponible, c’est ici, au Canada. Des copies VHS trafiquées! C’était 120 $ le VHS.

Question du public :

Y’a-t-il un type de rôle que vous n’avez pas fait et qui vous intéresse?

S.H: Oh oui…plusieurs…j’aimerais jouer un policier. Je pourrais être un flic pur et dur. J’aimerais jouer un prêtre. Jouer dans une comédie romantique…

F.O: Jack Hill en écrit en ce moment!!! (rires)

S.H: C’est le seul genre que je n’ai jamais fait! Pourtant, je suis un grand romantique. Tu devrais me voir pendant la Saint-Valentin!

F.O : Quel est ton film préféré?

S.H : Lawrence of Arabia. Mon film d'horreur préféré est HOUSE OF WAX. Je l’ai vu au cinéma en 3d et j'ai eu la peur de ma vie! C’était un des plus importants films en 3-D de l’époque. Les mannequins se lançaient sur toi! J’y était avec mon père qui m’a tout de suite dit que ca lui rappelait THE JAZZ SINGER (le premier film parlant). Les gens était effrayé par la voix d'Al Johnson !
Mon deuxième film d’horreur préféré est CUJO. Pensez-y un moment: c'est effrayant, un Saint-Bernard de 200 livres qui veut bouffer ta voiture!

F.O: Une question cruelle. Tout ce que vous avez fait est brûlé par une foule de maniaques et vous ne pouvez sauver non pas un seul film mais une seule scène...Laquelle? Une seule scène où vous avez mis tout votre cœur et votre talent…

S.H : (Il réfléchit longuement. Un peu ému) Je pense que ce serait la scène avec Omar Sharif dans CHE!

F.O: Justement…vous avez joué pas mal de personnage arabes non?

S.H: J'ai joué toutes les nationalités imaginables. Quand nous faisions COFFY, un des techniciens noirs s’est approché de moi pour me dire ceci « Si tu dis à quiconque que je t’ai posé cette question, je vais le nier, te traiter de menteur et te botter le cul par la suite mais il faut que je saches…es-tu noir?". Je lui ai répondu « À l’intérieur mon frère! Juste à l’intérieur! J’ai même joué des Suédois!!! Je fais le profil non?

F.O: Vous avez aussi travaillé avec un autre réalisateur intéressant, Eddy Romero, un autre nom associé avec les Women in prison? Il est moins connu que Jack Hill cependant. Parlez nous de lui...

S.H: C’était quelqu’un de particulièrement intelligent. Très méthodique. Un grand technicien et un homme généreux. J’ai tellement fait de film avec aux Phillipines durant cette période; je terminais un film et on en commencait tout de suite un autre, BLACK MAMA WHITE MAMA...
 
Les gens du  studio étaient pingres et ils considéraient que c’était une bonne idée de me garder là-bas entre les deux productions. Cinq semaine se passent et j'y suis encore. Les producteurs ne savent pas trop qui sera dans le film. Je leur ai tout de suite dit «C’est évident! Vous allez le demander à Pam Grier et une autre fille, probablement une blonde. Est-ce qu’on va faire un putain de film? Je m'emmerde ici". Durant cette période, je mangeais souvent au restaurant avec Romero et il payait toujours. Un jour, je lui dit que c’est mon tour de l’inviter. Nous allons au Manilla Press club. On mange bien, on parle philosophie, politique et religion. Le gars connaît tout. À la fin du repas je lui demande où payer et il me répond « Je suis membre du club. Je ne paye pas ici! » C’était Eddy Romero. Un bon gars et un bon réalisateur.

Filmer à l’étranger était assez primitif. Nous étions tout le temps dans la jungle et j’y ai tourné quatre ans avant que l’invention de la toilette chimique ne se fasse! Avant, c’était le buisson. Les actrices n’en revenaient pas. Un jour, j'ai dis à l'une d’elle « Tu es dans la jungle! Tu es tellement sans conséquences ici…tout ce qui vit ici peut te tuer et le fera sans hésitation,  donc, fais tout avec prudence et respect. » Je lui demande de lever une feuille et de regarder en dessous. Il y avait une colonie d’insectes qui y vivaient. Je lui ai expliqué qu’il en était ainsi pour tous les centimètres carrés de la jungle et qu’il fallait constamment être aux aguets et aller dans les buissons avec quelqu’un. J’adorais filmer là-bas! Quand je suis retourné à Los Angeles après avoir vécu dans cet atmosphère raréfié, je pouvais littéralement sentir le smog me brûler la peau et les poumons. Aux Philippines, pour passer le temps, je me faisais faire des costumes sur mesure tous les jours par la costumière. Je tournais un truc qui s’appelait Wonder Women et quand la designer n’était pas là, je créais mes propres costumes. J’adorais ça! Ils ont même télévisé un show de mode où il y avait mes créations! Je fais toujours des trucs comme ça quand je m'ennuis! J’étais à une convention à Phoenix, le pire endroit pour une convention de film d’horreur, dans un hôtel Marriot 5 étoiles. Hôtel de luxe et film d’horreur, mauvaise idée. Il n’y a pas eu 300 personnes à cet événement. Je m'emmerdais. Jusqu'à ce que je vois dans un des lobbies un Chihuahua en peluche, que je veux acheter à son propriétaire et qu’il m’échange contre un autographe. Je me suis promené avec ce Chihuahua autour du mollet toute la fin de semaine, en faisant des sons de gémissements! Faut pas me laisser m’ennuyer…

F.O: Monsieur Haig, merci de votre temps.

Quelques minutes après l'entrevue, Sid Haig vient me voir à ma table. Encore sa démarche lente et les gens qui se tassent de son chemin. Il vient me serrer la main. Il me fait un grand sourire. "Tu as fait une très bonne entrevue mon gars...très bonne. J'ai eu du bon temps. Tu avais fait tes devoirs en tout cas, c'est évident!" "J'ai simplement vu vos films Mr.Haig". Il me fait une claque sur l'épaule et repart aussi lentement.

-FRANCIS OUELLETTE