mercredi 23 février 2011

Notre émission du 23 février: Esperanto et cinéma- Incubus....et les autres?


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Les huit premières minutes du film Angoroj (Angoisses, 1964), premier long métrage de fiction tourné entièrement en Espéranto. Le film est à peu de chose près introuvable. On remercie les braves âmes qui ont mis cet extrait sur Youtube.


Ĉu vi parolas Esperanton? Mi ne komprenas vin

Outre les linguistes de haut-vol, les néo-hippies et autres glotte-trotteurs, qu'est-ce que le manant sait vraiment de l'Espéranto, cette langue moderne inventée de toute pièce dans le but utopique d'en faire une moyen de communication international? 
 Avant de préparer notre émission cette semaine, nous n'en savions à peu près que ça. Cependant, nous connaissions aussi un long-métrage, Incubus, dont nous voulions parler depuis un bon bout de temps. Réalisé par Leslie Stevens (créateur  de la série The Outer Limits) avec William Shatner, c'est le deuxième film de l'histoire entièrement réalisé avec des dialogues en espéranto.  Film d'auteur éthéré, passant à tort pour une série B, ce drame surnaturel aux accents bergmaniens a connu plus d'un déboire et sa survie, hautement improbable, ne s'est pas faite sans laisser derrière une certaine  amertume. Une bien sombre bénédiction, en somme.
 De toutes ces improbables conjugaisons, il reste une histoire qui semble tirée d'une légende ancestrale, dans un lien inconnu à la langue étrange, qui pourrait se passer à n'importe quelle époque. Une analyse sérieuse du film restait encore à faire, mais plus encore, une évocation de la place minime et significative qu'occupe l'Espéranto au cinéma.
 
Pour nous écouter cette semaine, cliquez ICI 



mardi 22 février 2011

Coin Culinaire : Dine at The Overlook...forever

Notre Chronique le Coin Culinaire est une "Contrepartie Convaincante" où l'on Critique la Cuisine Cinématographique Contemporaine Comme Celle de Comment ma mère aCCouncha de moi durant sa ménopause et Coeur Circuit.  

Voici notre premier extrait :
Les traditions sont des particularités sociales bien intéressantes. Que ce soit frapper les pots lors du Nouvel an ou enterrer un électroménager à chaque lune rouge, elles sont des actions de pensée magique qui hantent nos vies.
Une autre chose hantent particulièrement nos vies: Les napperons de restaurant.


(Le naperon Dutch Pantry, de l'excellence dans l'exécution.)


La composition du napperon est souvent faite par des spécialistes (ou des maestros, comme ils préfèrent être appelés) car le maniement de la disposition, de la clarté et de l'harmonie des éléments ne peut clairement pas être déléguée à un apprenti. L'équilibre doit se jouer entre la section "jeux", la sections "spéciaux" et la section "autres franchises" en plus d'être un excellent récipiendaire pour nos taches (ou "splotches") de sauce barbecue. L'art du napperon est décidément à considérer.


Que dire de l'accomplissment ultime dans le domaine de naperon? Que dire de ces génies fous qui ont conçu ces tranches de papiers qui transcendent le lieu de gastronomie lui-même? Que dire de ces artisans qui comprennent parfaitement que l'environment dans lequel les gens dînent est hostiles aux infâmes palais?


Aujourd'hui nous honorons ces gens. Nous honorons Shane Parker et son merveilleux naperon.


 (la grâce, la subtitilité, la composition, il est dommage que les gens qui y dînent meurent)

mercredi 16 février 2011

Notre émission du 16 février: The Honeymoon killers et les couples qui tuent au cinéma

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Sinon, écoutez donc ça pendant que vous lisez...



Spécial Saint-Valentin mortel! Sang-Valentin! Seras-tu mon Valentin...pour toujours???
 Avez-vous encore un grave cas de spleen de Saint-Valentin, même après les suggestions que nous vous avons fait ici ?   Le 7ème a teeeeeellllleeeement le remède contre les maux qui vous assaillent! On combat le feu avec le feu; une bonne dose d'Éros et Thanatos...et hop! Votre couple se portera mieux et s'il se porte déjà bien, il n'en ira que mieux encore. Cette semaine: Les couples qui tuent!!!! Vous pouvez tout de suite écouter l'émission en cliquant cliquant ici.


 Martha Beck et Raymond Fernandez étaient deux solitaires. Lui, faux latin lover, mariait des femmes pour les dépouiller de leur bien. Elle, infirmière de 250 livres, n'avait jamais connu l'amour. Quand ils se sont trouvés par le biais d'annonces classés, ce fut le coup de foudre instantané. S'ensuivra une dévorante passion où Martha sera le molosse meurtrier et docile de Ray. On leur donnera le nom de Lonely Hearts killers. Leur amour laissera un cortège de 12 cadavres de femmes...et inspirera un brillant petit drame de mœurs, le film américain préféré de François Truffaut, Honeymoon Killers.

Le grand écran raffole des couples qui tuent. C'est Éros et Thanatos se tenant littéralement main dans la main ou plutôt, c'est l'amour incestueux de leur progéniture hermaphrodite bâtarde, Sex & violence.Or, ces couples sont souvent des misfits bien glamours. C'est là où Honeymoon Killers devient unique. Pas de glamour ici mais nous ne sommes pas non plus devant un film de pure exploitation. L'époque veut nous le vendre comme un John Waters ou un Russ Meyer, mais il est une toute autre créature. Dans ma Vidéothèque, il est tout naturellement placé entre Whatever happened to Baby Jane? et Badlands.
Cette semaine, c'est avec un plaisir non dissimulé que nous vous parlerons de The Honeymoon killers... 

 
 
My story is a love story. But only those tortured by love can know what I mean … in the history of the world, how many crimes have been attributed to love?
-Martha Beck

lundi 14 février 2011

Pour une Saint-Valentin cinéphilique trashy

Rien comme le spleen de la Saint-Valentin pour se rendre compte de l'échec lamentable de son couple. Le repas était foireux, les cadeaux, risibles et le sexe forcé évoquait le dernier sursaut de vie d'un amour déçu et agonisant. Le silence remplissait la pièce. Brrr. Si vous n'êtes pas de ceux là, ce papier ne s'adresse pas à vous. À moins que votre palais d'amoureux en pince pour une célébration trashy bien assumée. Dans ce cas, vous êtes à la bonne place.
Il est toujours bon de relativiser votre couple pathétique et de regarder des histoires d'amours malsaines qui finissent dans un bain de sang. Ce sont les plus belles, demandez le au Barde. À la limite, on peut s'en tenir à des histoires atypiques. Tu vois, si Julia Roberts était une authentique crackwhore dans Pretty Woman et que Richard Gerebil la payait des sommes faramineuses afin de satisfaire, de façon hautement méta textuelle, la paraphilie animalière qu'on lui connaît tous, je regarderais ce film avec une dame le 14 février de ce pas. Kinky Bitches d'Amos Kollek pour toute la famille!

Bref, la Saint-Valentin, c'est aussi la période où le couple se loue un film romantique, voire érotique, pour attiser des passions faméliques, souvent déjà anéanties. Elle voudra un truc avec Jennifer Aniston, vous voudrez un truc avec Jenna Jameson. L'amour, c'est aussi des conciliations. Horreur ET amour! Sang ET sexe! Déviance ET tendresse!

On a 8 suggestions pour vous
:
Max, mon amour de Nagisa Oshima (1988). Envers et contre tous, un diplomate anglais bourgeois continue d'aimer sa femme même si elle se fait sauter par un singe. Un bonobo pour être exact, dont elle, Charlotte Rampling, est infatuée. Il tentera de la reconquérir, de comprendre cet amour bestial et de garder le caca dans le living room. Si c'est pas de l'amour... Nous avons couvert ce film dans une de nos émissions avec brio ICI. Maintenant, si seulement quelqu'un pouvait me redonner mon osti de VHS...

L'année dernière à Marienbad d'Alain Resnais (1962). Errants dans la méandres d'une monstrueuse villa sans âme, échappant à toutes formes de structure où l'espace-temps est définissable, un homme tente de convaincre une femme qu'ils se sont aimés jadis. Un peu comme ce que vous allez faire ensemble ce dimanche au Ikéa, la poésie en moins. On en parle dans une émission ici.
The Night Porter de Liliana Cavani (1974). Il est ancien nazi devenu portier de nuit après la guerre. Clandestin. Elle est juive, fut internée dans un camp de concentration où il se la tapait brutalement à tout le soir. Mais grâce à lui, elle a survécue. Plusieurs années plus tard, ils se croisent à la porte de l'hôtel...et ils remettent ça! Le désir est trop fort. Après un singe, Rampling se fait des nazis! On en parle aussi dans une émission ici. Possession d'Andrzej Zulawski (1981). Je vous laisse la surprise. Ce film là contient toutes les réponses à vos questionnements de couple. Ahhh l'amour, quand ça nous tient dans ses tentacules gluantes et que ça serre! Vous allez passer une soirée intense en écoutant notre émission sur le sujet en cliquant ici.


Death in love AKA Dr.Mengele in love! de Boaz Yakin (Cliquez sur la photo pour lire mon petit billet sur le film en question).
Une juive qui a un petit oumph pour un nazi tortionnaire donne naissance en secret à une progéniture forcément névrosée et incapable d'amour. S&M, trahison, jewish guilt et dégoût de la chair...la parfaite combinaison pour la romance! Votre tendre moitié en redemande! À écouter back to back avec Night porter, pendant que votre belle vous circoncis avec ses dents. Back in da day, Oy Vey!
Bad Timing.

Aaaaah ! Nicolas Roeg ! À une époque reculée, avant que le terme sulfureux et Antichrist ne soient invariablement associés (je persiste et signe, le film de Trier, dont je suis par ailleurs un inconditionnel, est une banale et hilarante version-piste d'hébertisme du Possession de Zulawski et de Don't look now...mais avec plus de glands!), il n'y avait que toi pour nous montrer des idylles suintantes de vitriol. Julie Christie et Donald Sutherland s'éloignant douloureusement l'un de l'autre après la mort de leur enfant, Bryan Brown massant goulûment 1:30 de temps l'opulente poitrine de Mimi Rogers tout en l'engueulant dans Full Body massage. Mais dans mon livre à moi, c'est Art Garfunkel qui se taille la part du lion dans le plus grand film de Roeg, Bad Timing. Une des plus belles relations malsaines du cinéma.

Bad Biology de Frank Henenlotter Si vous ne connaissez pas Frank Henenlotter, il faut vite allez écouter notre émission sur ce génie en cliquant sur la photo du haut. Grand manitou du Schlock, de la série Z (+ XXX), il ne faut jamais perdre de vue que le monsieur n'a jamais raconté autre chose que des grandes histoires d'amour et de jalousie. Que ce soit un frère siamois cannibale arraché en moton qui voudrait lui aussi connaître la passion, un savant fou qui se fait la fille de rêve en se cousant les morceaux de choix de plusieurs putains ou un parasite lubrique qui t'envoie du jus bleue de bonheur dans l'hypothalamus, les protagonistes des films de Henenlotter ont un dévorant besoin d'intimité. Bad biology est sa plus grande histoire: fille avec 7 clitoris qui vire folle et meurtrière quand ils sont titillés en boucle cherche homme seul au pénis amovible et meurtrier pour briser la solitude. Un peu comme le Matador d'Almodovar si la bitte de Banderas avait un trou de graine hurlant.

LE TOP 1 DU DÉCRISSANT POUR LES ÂMES EN PERDITION:
Sombre de Philipe Grandrieux.

Une expérience sensorielle plus qu'un simple film, pour le réalisateur comme le spectateur. Jeune femme triste et suicidaire trouve enfin l'homme qui lui faut, un serial killer torturé qui étrangle lorsqu'il aime, façon archétypale-loup garou-monstre de Frankenstein. Tout ça dans une ambiance de désolation glaciale qui fera durcir les mamelons de votre douce comme jamais, c'est garanti. Ça manque un peu de Diana Krall en trame de fond mais moi, le film me donne des monstrueuses et turgescentes érections à toutes les fois.
Bonne Saint-Valentin XXXXXX

mardi 8 février 2011

Notre émission du 9 février: Face à Fassbinder- une introduction violente et profonde

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Depuis que cette émission existe, nous parlons de films et de réalisateurs que nous connaissons, de thématiques avec lesquelles nous sommes familiers. Si ce n'est pas le cas, nous restons néanmoins en terrain connu et nous nous lançons à fond dans la découverte.
Pas cette semaine.
Le 7ème tente une expérimentation: parler d'un réalisateur prolifique dont nous ne savons pratiquement rien. Chercher le monstre sacré qui a complètement et inexplicablement échappé à notre appétit de cinéphile et avouer notre ignorance à son sujet. Ensuite, regarder de façon aléatoire et intempestive plusieurs de ses films et en parler tout de go.
Si vous êtes familiers avec Fassbinder, vous n'aurez guère de difficulté à comprendre que nous ne sommes pas restés vierges très longtemps. Son œuvre, même si nous n'en avons vu qu'une infime partie, oscille entre la douceur et la brutalité, l'amour y côtoie souvent la rage. Fassbinder séduit et viole son spectateur en même temps. On y voit tour à tour des écorchés vifs assoiffés d'amour, des solitaires dangereux auxquels on ne peut pas résister, des oubliés prêt à se rouler dans la fange pour une caresse. Chez lui, "le bonheur n'est pas toujours plaisant"...Délicieuse ironie que de découvrir "vierges", en tant que cinéphiles et hétérosexuels, une filmographie si violemment pénétrante. Il y a chez le réalisateur un phallocrate pour qui la bite est à la fois froide comme l'arme et douce comme la plume. Dans ces mélodrames sociaux où tout semble raide, ce théâtre des paradoxes entretenus, il y a aussi une tendresse au bord du gouffre. Mais c'est aussi un cinéma fétichiste, fasciné par les rapports de pouvoir et la part de sensualité qui s'y cache. Une vision fascinante et figée dans le tempsd e l'homosexualité aussi, pleinement vécue et pourtant reniée, entre le cliché et l'archétype. Le dernier film de Fassbinder, Querelle, est presque une adaptation plan pour plan des images gais iconiques de l'illustrateur Tom of Finland...Bref, cette semaine, un Face à Fassbinder. Pour nous écouter, cliquer ICI

jeudi 3 février 2011

Notre émission 2 février: The adventures of Buckaroo Banzai across the 8th dimension!!!!!!!!

POUR ÉCOUTER CETTE ÉMISSION, CLIQUER ICIIl y a de ces films qui sont précurseurs. D'autres qui sont innovateurs, nettement en avance sur leur époque et qui deviennent cultes des décennies plus tard. D'autres qui sont si atypiques qu'ils sont inclassables...

Et puis, il y a The adventures of Buckaroo Banzai across the 8th dimension.

1984 fut une année charnière pour le cinéma de genre. C'était une époque où une pléthore de réalisations carburaient à la référence pop-culturelle, des héros de la pulp et des comics au film de série B, de la sci-fi déjantée aux films de monstres. Les réalisateurs et les scénaristes allaient grappiller avec allégresse dans les souvenirs de leur enfance: Indiana Jones, Gremlins, Ghostbusters, Dune, Back to the future. Il n'en demeure pas moins que toutes ses réalisations empruntaient à la culture populaire quelques éléments afin de se les approprier. Il en allait tout autrement de cet ovni survolté qu'est Buckaroo Banzaï. Aucune référence voilée ici; on hommage allègrement, tout en étant pleinement conscient du kitsch de l'exercice. On ne fait pas non plus dans l'évidente appropriation d'idées; on recycle avec amour. Buckaroo Banzaì, c'était la célébration débridée et à fond la caisse de tous ces genres, une créature mutante, grotesque et hybride qui se déplace en hurlant. Un truc plusieurs décennies en avance sur son époque, qui exigeait la consécration de tous ces genres considérés inférieurs. Si de nos jours, ces genres ont une certaine forme de reconnaissance et sont la manne de la culture de masse, Buckaroo...en est assurément un de ces prophètes les plus exaltés, un Christ avec un pistolet laser, un Bouddha avec un guitare électrique.Buckaroo..., c'est un Kill Bill avant la venue du splicing poste moderne, couvrant non seulement plusieurs genres cinématographiques, mais aussi plusieurs genres narratifs. Un film qui carbure à la référence mais qui est depuis devenu sa propre référence. De plus en plus, les geeks sont au rendez-vous inévitable de sa consécration. Le seul film qui va flirter avec succès dans les mêmes plates-bandes, à mon sens, c'est Big trouble in little China. Ça tombe bien: W.D Richter, le réalisateur de Buckaroo... est un des scénaristes du film de Carpenter. Un crossover serait par ailleurs délectable... mais l'excès de Cool de la chose gèlerait la conscience collective d'une génération!

En outre, Buckaroo Banzai, c'est beaucoup plus que de la simple référence. C'est aussi:

-Un film dont le rythme et la structure narrative est tellement triturée qu'on le situerait entre le cinéma expérimental et la Nouvelle Vague française!

-C'est le film qui a tout inventé, du flux capacitor dans une voiture et ce, des mois avant la sortie de Back to the future au warp drive de Star trek! (Des explications seront fournies pendant l'émission)

-Un hommage bien senti à Boris Vian. Buckaroo Banzai, ce n'est rien de moins qu'un Vian doublé d'un héros de pulp! Si! Si!
Bof si tu nous crois pas, t'es triste. Sinon...ça veut dire que tu as tout compris aux grandes paroles de Buckaroo:
Hey, hey, hey, hey-now. Don't be mean; we don't have to be mean, cuz, remember, no matter where you go, there you are.

Cliquez sur la photo pour nous écouter.

mardi 1 février 2011

Social NETWORK: Are we still "Mad as hell"?

Face à Facebook, je suis foncièrement comme tout le monde. J'ai l'ai détesté, adoré, abandonné, retrouvé, condamné et je l'ai encore retrouvé. Il a été un outil, une malédiction, un vecteur de frustrations et de rencontres, une lentille pour le voyeur, une fenêtre pour l'exhibitionniste. Jusqu'à ce que je me rende compte, Ô comble de l'horreur, que je lui devais directement plusieurs de mes moments le plus importants des dernières années. J'y ai trouvé des ressources, des camarades et des amours. Il a été le lien direct de changements d'orientation dans mon existence. Évidente mais vertigineuse constatation. Je ne suis pas, pour paraphraser Durden dans Fight Club, "un flocon magnifique et unique".
C'est suite à cette réflexion que je décidai de faire un visionnage honteusement tardif de Social Network. Pour le récalcitrant contradictoire que je suis, un film au complet sur Facebook me semblait définitivement une manière d'abdication. Les réseaux sociaux peuvent parfois stimuler de profonds paradoxes chez l'utilisateur et je n'y fait pas exception.Puis, je me suis mis à réfléchir à l'amplitude du sujet et sur la figure Wellsienne que représente le créateur de FB, Zuckerberg. Juste avant de commencer le film, il me semblait de plus en plus évident qu'il y avait la possibilité qu'il soit le Citizen Kane du 21ème siècle. Non pas qu'il soit le prochain plus grand film de l'histoire, mais les thèmes du monstre sacré d'Orson Welles y sont plus au moins en entier. Énumérons: un jeune innovateur de génie dans le milieu des communication gravit les échelons du succès et du pouvoir pour finalement devenir paranoïaque et isolé. Nous sommes en présence dans les deux cas de personnages réels qu'on a transformé subrepticement en purs personnages de cinéma, deux révolutionnaires du langage hantés par leur propre incapacité à connecter aux autres, sombrant dans le despotisme. Avec un scénario composé de dialogues précis et d'une structure narrative elliptique. Allais-je regarder Citizen Kane 2.0?

Je m'en était presque convaincu jusqu'à ce que je m'arrête à la réalisation. Avec David Fincher, je m'attendais à quelques expérimentations formelles, quelques innovations techniques qui auraient consacré son statut de nouveau Citizen Kane. Quelque chose qui va avec l'ampleur du propos. Mais non. Une réalisation sobre, efficace, entièrement au service du scénario vertigineux d'Aaron Sorkin. Rien d'exceptionnel du coté de Fincher, qui laisse toute la place à la voix unique du scénariste. Une urgente impression de déjà vue me traverse l'échine; si plusieurs éléments rapprochent Social Network de Citizen Kane, il va puiser ses sources ailleurs. Et puis pourquoi est-ce que Fincher préconise cette approche minimaliste, évocatrice de drame politique des années 70? Zodiac avait déjà le mood de All the president's men.

Ce qui aurait du être une évidence ne m'a sauté au visage que très tard. C'est le titre qui m'a tiré de ma torpeur analytique. Social NETWORK. Pas Facebook:The Movie. Social NETWORK.
Fincher et Sorkin ont purement, simplement et brillamment fait un Network 2.0. Aaron sorkin, un des scénaristes de télé les plus prolifiques de sa génération a décidé d'émuler sont maître à penser, Paddy Chayefsky, le plus prolifiques scénaristes de la télévision avant lui. Dans sa série Studio 60 on the Sunset Strip, Sorkin nous montrait la crise live d'un producteur d'émission de télé à la Saturday Night Live. Sa crise était volontairement calquée (par le scénariste ET le personnage) sur celle de Howard Beale dans Network. Un personnage dira plus tard dans l'épisode que sa crise aura au moins fait parler de Paddy Chayefsky. C'est vous dire à quel point Sorkin se répond de ce maître à penser. Même sens du dialogue mordant, de la logorrhée intempestive contrôlée , même amplitude des thèmes, même sens aiguë de la satire . Le génie de Social Network tient de son scénario, qui n'est au final qu'un bouleversant prétexte pour rendre hommage au film préféré de Sorkin.
C'est selon cette perspective que la réalisation de Fincher est admirable. Pour donner de la pertinence à ce suspense corporatif où des bureaux sont les lieux de toutes les angoisses et de toutes les victoires, Fincher emprunte subtilement au langage des années 70. Les couleurs, jaunâtres et boisées, sont les mêmes. On a beau se trouver au 21ème siècle, l'arène des communications est sensiblement la même. Les salles d'université, les bureaux, les salles de conférences sont les mêmes. Elles sont figées dans le temps. Fincher, à l'instar de Lumet, a su s'effacer sans pour autant se faire absent. Sage décision de la part d'un réalisateur prenant de plus en plus de maturité.

Reste le message de Network. Survit-il à la transfusion? Sommes-nous toujours "mad as hell". Probablement...et nous avons tous la possibilité de l'exprimer à tout moment. Des milliards de gouttes de colère diluées dans le même courant. Nous sommes désormais, tous autant que nous sommes, les "prophètes fâchés des ondes". Personne n'a besoin d'articuler notre rage. Oui nous sommes sans doute tous un peu en colère...jusqu'à la prochaine fois.