mercredi 30 juillet 2014

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FANTASIA 2014 : capsule 4


Le 7ème Antiquaire revient sur quelques films du festival Fantasia pour cette troisième semaine qui s'amorce
 Capsule audio 4 : 


Creep

-          Creep (Patrick Brice)

   Mark Duplass est un hyperproductif. Il est autant acteur que scénariste, réalisateur, producteur ou musicien (il chante et joue du clavier pour le groupe « Volcano, i’m still excited ») et se retrouve régulièrement à participer à quatre projets par année.  Avec son frère Jay, Mark a mis sur pied la « Duplass Brothers Productions » au milieu des années 90 mais c’est surtout en 2004 que les frères Duplass se sont fait connaitre avec le succès critique de leur film indépendant The Puffy Chair.  On attribue souvent aux frères Duplass la paternité du sous-genre cinématographique nommé « mumblecore » caractérisé par des productions à très petits budgets, des acteurs non-professionnels et des dialogues naturalistes.  Creep, le premier long métrage de Patrick Brice auquel Mark Duplass a participé en tant que coscénariste et acteur, pourrait facilement être qualifié de mumblecore. Il en détient toutes les caractéristiques et l’esthétique qui en découle. Plus connus pour les comédies dramatiques que pour les films d’horreur, les frères Duplass avaient déjà essayé le genre avec leur film Baghead que Mark Duplass avait écrit et réalisé en 2008. Avec, Creep, Mark Duplass s’associent cette fois avec Patrick Brice pour ce projet qui est une variation réussie du film d’horreur de type « found Footage ». Le film vacille entre la comédie et l’horreur et arrive autant à faire rire qu’à faire peur. Josef  engage Aaron (Patrick Brice) pour qu’il le suive avec sa caméra vidéo portative et le filme durant quelques jours. Plus les jours avancent et moins les réelles intentions de Josef sont claires. Mark Duplass y interprète magistralement Josef, un personnage aussi effrayant qu’émouvant et réussit à passer régulièrement du personnage « creepy » à celui plus humain qui se confie au personnage d’Aaron. Ce jeu entre l’angoisse et la compréhension affecte tout autant  le spectateur qui se questionne tout au long du film. Un petit film indépendant fait à deux têtes qui fonctionne totalement grâce à la profondeur du personnage de Josef et au malaise qu'il projette.



The One I Love

-          The One I Love (Charlie McDowell)

Produit par les frères Duplass et mettant en vedette le prolifique Mark Duplass, la comédie fantaisiste de Charlie McDowell The One I Love fut une excellente découverte du festival. Ethan (Mark Duplass) et Sophie (Elizabeth Moss) sont en thérapie de couple pour aider leur mariage qui bat de l’aile et se font offrir de passer quelques jours dans une retraite pour couples en difficultés. Une fois sur place, ils découvriront que vivent dans la maison d’invités une version idéale de chacun d’eux. Confrontés à cet autre idéalisé (ou oublié) ils devront faire face à leurs sentiments divergents face aux possibilités offertes par ces doubles. C’est sous l’angle de la comédie que le cinéaste approche cette thématique de science-fiction qui fait justement penser par moment aux « dramédies » de science-fiction « low profile » des Duplass comme Jeff who lives at Home ou Safety Not Guaranteed de Colin Trevorrow dans lequel Mark Duplass y tient le rôle principal. Des films de science-fiction misant sur un concept scénaristique original plutôt que sur des effets visuels. The One I Love réussit à traiter avec intelligence des relations de couple tout en offrant un très bon divertissement par l’originalité de son scénario.






The Midnight Swim

-          The Midnight Swim (Sarah Adina Smith)

Lorsqu’on a l’impression qu’il n’y a plus rien à faire avec le film de « found footage », la cinéaste Sarah Adina Smith réussit à se réapproprier ce sous-genre souvent associé au film d’horreur pour en faire un film, presque bergmanien, suivant trois sœurs qui retournent à la maison familiale quelques jours suite au décès de leur mère, et devront confronter leur passé. L’une d’elles sera constamment derrière la caméra pour filmer ce qu’elle appelle les archives familiales pour un éventuel documentaire. La mère, qui était une scientifique un peu excentrique, n’est jamais remontée d’une de ces régulières plongées dans le lac « spirit lake » pour y faire ses nombreuses recherches sur la mystérieuse composition du-dit lac. Tout en douceur, légendes fantomatiques, spiritualité et liens entre les éléments se faufilent subtilement dans ce récit où se mélangent les genres. On est dans un espèce de conte réaliste avec Midnight Swim. Une expérience envoûtante réalisée avec peu de moyens par une très jeune cinéaste à suivre.




The Creeping Garden

-          Creeping Garden (Tim Grabham, Jasper Sharp)

Bien que le festival Fantasia soit plus connu pour sa programmation de films de fiction, il ne faudrait passer à côté des documentaires, souvent en marge de ce que nous offre habituellement ce genre. The Creeping Garden fait partie de ces belles trouvailles documentaires offertes par les programmateurs du festival. On y traite des myxomycètes, ces organismes étranges qui sont souvent pris à tort pour des champignons car ils en présentent certaines caractéristiques mais qui sont en partie animales, fungi et végétales. Les cinéastes Tim Grabham (artiste visuel/iloobia cinema) et Jasper Sharp (auteur spécialiste du cinéma japonais et co-créateur du site Midnight Eye) ont réalisé un documentaire scientifique qui démontre une poésie visuelle faisant parfois écho aux films scientifiques de Jean Painlevé. Le film est visuellement très beau lorsque les cinéastes laissent les myxomycètes prendre tout l’espace de l’écran. On y découvre alors par la magie de la microscopie un monde aux multiples schémas et couleurs qui se développent sous nos yeux à vitesse accélérée. Il s’en dégage une atmosphère étrange que la musique de Jim O’Rourke souligne subtilement. Une fois l’émerveillement pour ces créatures passé, le film donne la parole à diverses personnes utilisant les myxomycètes chacun à leur manière. Que ce soit un spécialiste de la robotique, un archiviste des champignons, ou une artiste qui les utilise entre autre pour la production de schémas visuels. Gageons que ces espèces de « blob » intelligents sauront exercer la même fascination sur vous.   






-          Starry eyes (Kevin Kolsch, Dennis Widmyer)

Déception. Le film part sur une idée qui aurait pu être intéressante: La corruption des dirigeants des studios hollywoodiens, l’ambition maladive des jeunes filles voulant devenir des stars, la difficulté à réaliser un projet de film dans cette grande ville du cinéma. Le tout est raconté de façon métaphorique dans un film d’horreur qui, partant sur un ton fantastique (et encore intrigant) se dirige ensuite vers le "slasher" violent (beaucoup moins intrigant). Malheureusement, ce n'est ni la bonne trame sonore synthétique 80's, ni la "surprise" finale qui peut racheter la minceur du film.  Dire que j’ai manqué une projection 35mm de Boss Nigger pour ça. Ceci dit, le film est techniquement bien fait au niveau des effets sanglants et du maquillage alors il risque tout de même de plaire à certains.





Predestination

-          Predestination (Michael Spierig, Peter Spierig)

Surprise totale que ce film. Le film que personne n’a vu venir. On devait être une bonne partie de la salle à penser aller voir le prochain film des frères Spierig, c'est-à-dire un film de science-fiction avec une belle esthétique,  de l’action occasionnelle et une intrigue intéressante mais déjà vue. Un divertissement sympathique quoi. Ce fut tout sauf ce à quoi on s’attendait. Il serait impossible de résumer le film sans vendre de « punch ». Sinon qu’on a affaire à un agent de voyage temporel qui doit retourner dans le passé pour empêcher un évènement de se produire. Cette mission implique la rencontre de deux personnages interprétés par Ethan Hawke et Sarah Snook (découverte totale que cette actrice qui livre une performance incroyable) qui vont chacun se raconter leur histoire personnelle. Des révélations surprenantes en ressortiront. On peut déjà prendre le pouls du film avec sa très longue scène d’introduction dans laquelle le personnage interprété par Sarah Snook raconte la surprenante histoire de sa vie au personnage interprété par Ethan Hawke. Non seulement on y découvre un film au rythme lent et posé mais un film qui demande une écoute patiente et attentive pour comprendre l’ampleur du récit et éventuellement faire les liens nécessaires lorsque le film prendra tout son sens. L’histoire elle-même et les révélations qui en sortent sont fascinantes. Le fait que je ne m’attendais pas du tout à ce que le film fut réellement a probablement joué sur mon enthousiasme. Je serais donc très curieux de le voir une deuxième fois, non seulement pour réévaluer le choc et la pertinence du film mais parce que c’est justement le genre de film qui demande à se faire regarder de nouveau pour mieux comprendre la complexe toile scénaristique d’un type de récit généralement difficile à faire fonctionner. 

-David Fortin 

programmation du festival Fantasia
http://www.fantasiafestival.com/2014/fr/

vendredi 25 juillet 2014

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FANTASIA 2014 : capsule 3



-   Le 7ème Antiquaire retourne une autre fois sur certains films vus à Fantasia
http://www.fantasiafestival.com/2014/fr/  
capsule audio 3 : cliquer ici



Infinite Man
Infinite Man (Hugh Sullivan)
Dans la section non-nommée du festival que j’aime appeler « loop temporel » se place Infinite Man (aux cotés de Premature, Time Lapse, Predestination et House at the End of Time). Un film-concept à mi-chemin entre Groundog day et Multiplicity (en saupoudrant le tout d’un peu de Eternal Sunshine of the Spotless Mind) qui roule sur un concept science-fictionnel en jouant régulièrement la carte de l’humour. Avec trois interprètes et un lieu unique, l’australien Hugh Sullivan réussi à créer un film hautement divertissement si on accepte d’entrer dans le jeu (les films qui misent sur l’effet de répétition des scènes ne fonctionnent pas toujours pour tout le monde). À l’occasion de son anniversaire de couple, Dean cherche à revivre le week-end parfait vécu dans un passé où lui et sa femme semblaient plus unis. Dean aimant contrôler tout, il planifie ce nouveau week-end dans le détail mais le plan ne fonctionne pas comme prévu. Par l’utilisation d’une machine de son cru, Dean se projettera dans le passé afin de reprendre le plan depuis le début en évitant les mêmes erreurs, réussir son week-end parfait et garder sa femme auprès de lui. Les aléas du voyage dans le temps s’en mêleront et le film devient alors une course obsessionnelle à répétition au ton humoristique. Un très bon divertissement indépendant.

 
Cold Eyes

    Cold Eyes (Cho Ui-seok, Kim Byung-seo)

Cold Eyes est un thriller policier typique du cinéma coréen ou chinois qu’on a déjà vu souvent, mais ça ne l’empêche pas de  fonctionner. La formule est usée mais l’efficacité de sa construction nous laisse embarquer dans cette histoire de filature où le plaisir du film se situe dans l'observation des divers moyens q'une équipe de surveillance  doit prendre pour effectuer la filature d’un groupe de criminels  afin d'en démasquer l’organisation complète. Une réalisation efficace mais conventionnelle (l’éternelle caméra qui « shake » pour créer une tension) avec de bons comédiens qui savent apporter au tout une personnalité rendent le film  amusant et divertissant.


The Harvest

-  The Harvest (John McNaughton)

Des parents dont la vie de couple a vu des meilleurs jours, s’occupent tant bien que mal de leur enfant atteint d’une maladie qui réduit sa mobilité. L’arrivée d’une jeune fille qui cherche à faire ami avec l’enfant sous l’œil méfiant de sa mère protectrice.

La prémice du film de McNaughton n’est peut-être pas des plus attirantes mais en révéler plus serait vendre les éléments de surprises que le film récèle. McNaughton nous donne une bonne histoire avec de bons revirements et quelques surprises inattendues. Un film qui débute en mélodrame et qui se termine en thriller à haute tension. Le seul problème c’est qu’il est confortablement enveloppé dans une réalisation très conventionnelle qui donne parfois l’impression d’un téléfilm. Ceci dit, tous les acteurs sont excellents (particulièrement Michael Shannon et Samantha Morton dans les rôles des parents ainsi que Natasha Calis dans le rôle de la jeune fille) et le film arrive à garder l’intérêt du spectateur du début à la fin grâce à un bon scénario mais au final, ce n’est pas le retour attendu du cinéaste à ses œuvres plus fortes, ou du moins plus iconoclastes, comme Henry: portrait of a serial killer (1986) ou The Borrower (1991). The Harvest reste un bon film mais peut-être un peu trop générique pour vraiment se démarquer du lot. Du moins c’est l’impression qu’il m’en restait au sortir de la salle.

Ceci dit, peut-être l’ai-je vu avec mes yeux d’adulte et mes attentes par rapport aux premiers films du cinéaste, espérant un retour à ses sources. McNaughton serait-il plutôt retourné non pas à ses sources de réalisateurs mais aux sources premières de la peur.  Peut-être faut-il le voir, comme son réalisateur le suggérait après la projection, comme un film d’épouvante pour enfants. Du moins, un  scénario allant chercher les racines profondes des peurs enfantines. Cette peur et cette incompréhension des enfants face aux parents et au monde adulte. Surtout que The Harvest, avec ces deux jeunes protagonistes principaux, nous sert un thriller horrifique sans sexe et sans véritable violence dans lequel toute la terreur perçue par les enfants est psychologique. Dans ce cas le film fonctionne totalement. Le film de McNaughton se place finalement dans cette zone moins fréquentée de films d’épouvante intelligents visant l’identification d’un public plus jeune. Un film qui puise sa terreur non pas dans le surnaturel mais dans ce qui est le plus réaliste (Le scénario original est d’ailleurs tiré d’un fait divers). Le lancement du livre dirigé par Kier-La Janisse « Kid Power » durant le festival est probablement venu faire son effet sur ma volonté de voir le film sous un autre angle.



Kumiko the Treasure Hunter

-  Kumiko The Treasure hunter (David Zellner)

Coup de cœur que ce Kumiko. L’idée de base du film à lui-seul intriguera tous cinéphiles : Kumiko, une « office lady » d’une firme à Tokyo vivant de façon très solitaire est convaincue que le film Fargo des frères Coen indique un trésor caché (la fameuse mallette pleine d’argent que Steve Buscemi cache dans la neige) et part obsessionnellement à sa recherche en Amérique. Le ton du film se situe sur la mince ligne entre l’humour et le pathos, parfois même proche d’un humour que l’on retrouve chez les frères Coen (il est d’ailleurs intéressant de noter que le film est lui aussi écrit et réalisé par des frères), mais le film n’en est pas pour autant une véritable comédie. Ni totalement un film méta, ni vraiment un film hommage, Kumiko the Treasure Hunter est une œuvre à part avec son atmosphère étrange et décallée. La dernière partie du film nous amène dans une transe insolite qui n’est pas sans rappeler la zone d’Under the Skin sortie plus récemment sur nos écrans. Cette ambiance est d’ailleurs rendue en grande partie grâce à l’excellente trame sonore offerte par le groupe « Octopus Project » qui est composé de riches textures sonores appuyant l’étrangeté du film. Chaudement recommandé à ceux qui veulent s’aventurer dans une contrée cinématographique encore peu explorée.

-David Fortin

mardi 22 juillet 2014

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FANTASIA 2014 : capsule 2

http://www.fantasiafestival.com/2014/fr/
Capsules audio cliquer ici : (cliquer

RETOUR SUR QUELQUES FILMS :

THE MOLE SONG
-         The Mole Song : Undercover Agent Reiji (Takashi Miike)
Miike realise beaucoup de films. Probablement trop. Nous ayant déjà impressionné avec des films comme Rainy dogsAudition ou plus récemment 13 assassins, tous découverts au festival Fantasia, il peut aussi nous décevoir avec des œuvres plus mineures noyées dans son énorme filmographie. Comme le mentionnait le présentateur avant la projection, Miike en est rendu à son 90e film avec The Mole Song : Undercover Agent Reiji (rappelons que son premier film date de 1991 alors ça donne 90 films en 23 ans, donc pas loin de 4 films par années). En murissant ses idées et en ne se pressant pas à tourner il pourrait facilement faire un excellent film par année, mais Takashi Miike est une bête de travail et ne peut probablement pas s’empêcher de garder ce rythme frénétique de réalisation. Ceci dit, The Mole Song : Undercover Agent Reiji fait partie de ses bons films. Cinéaste de tous les genres, avec ce film on est dans l’humour déjanté auquel on avait déjà eu droit avec ses comédies comme « Hapiness of the Katakuris ». Cependant, après une première moitié très drôle le film finit par manquer d’inspiration, et éventuellement se perdre un peu en longueur. Mais n’ayez crainte, le film reste un très bon divertissement et saura plaire aux admirateurs du cinéaste qui avaient été déçu par ses opus de l’année dernière. Le film sera d’autant plus apprécié lorsque vu dans l’ambiance éclaté du festival Fantasia où le rire devient facilement contagieux.  


ANIMOSITY
-   Animosity (Brendan Steere)
En festival, il y a toujours ce film qu’on a pas placé à l’horaire et qu’on décide de voir sur un coup de tête pour passer le temps entre deux films. Animosity était un de ces films pour moi. Sans avoir vraiment lu le synopsis et ayant aperçu rapidement la bande annonce, je croyais aller voir un slasher. La réalité était tout autre. Le film déjoue particulièrement bien les attentes du spectateur tout au long du récit dans lequel on nous dévoile très lentement le mystère qui s’y déroule et les véritables intentions des personnages. Un scénario intéressant qui peut rappeler l’idée centrale de Solaris de Tarkovski mais placé dans un tout autre environnement et assumant la part horrifique d’un tel sujet. Tourné de façon totalement indépendante, le film souffre de la minceur évidente du budget et les acteurs sont plutôt inégaux à l'exception de Tracy Willet qui est excellente dans le rôle exigeant du personnage principal du film. Au final, on salut le concept scénaristique qui nous a tenu intrigué tout au long du film mais la réalisation dans son ensemble n'est malheureusement pas aussi marquante.

FAULTS
    Faults (Riley Stearns)
Belle surprise que ce Faults qui est à mi-chemin entre Fargo des frères Coen et Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin. Un film humoristique sur fond d'histoire sombre de culte. Le long métrage de Stearns débute avec un humour décalé  typique d'un certain cinéma indépendant et se transforme lentement pour laisser plus de place au sérieux du sujet réel et à la confrontation qu'apporte le huis-clos dans lequel le récit est ancré. Malgré une finale un  peu prévisible, le film est une réussite se penchant sur un sujet lourd en apparence avec un sourire grinçant, plaçant ainsi un recul nécessaire pour laisser l'humour prendre place. Les comédiens principaux Leland Orser et Mary Elizabeth Winstead y donnent une performance exceptionnelle. 

BOLD AND BRASH : FILMMAKING BOISVERT STYLE
- Bold and Brash : filmmaking Boisvert Style (Simon Boisvert)
Le cinéma de Simon Boisvert est une zone en soi. Ceux qui le connaissent déteste ou y voue un culte. Pour les autres, la meilleure façon de le découvrir est de regarder un de ses films. Pour la plupart d'entre eux, Simon Boisvert scénarise, réalise, produit et y tient le rôle principal. Du cinéma totalement indépendant. Cependant, les films de Boisvert (surtout ses premiers) souffrent souvent du manque d’expérience de son auteur et du jeu approximatif des comédiens. Le côté amateur prend alors le dessus et il en résulte des films involontairement drôles. Outre la facilité à rire devant les mauvais jeux d’acteurs et les occasionnels problèmes scénaristiques, il est habituel de voir se développer une véritable obsession chez le spectateur à en vouloir plus. À l’image de l’obsession de Boisvert pour son éternelle thématique sur les relations homme-femme, le spectateur qui découvre un film de Boisvert veut ensuite voir tous les autres et en vient même à apprendre les répliques par cœur (on a pu le constater durant la projection du documentaire à Fantasia). 

S’il y a une signature au cinéma de Simon Boisvert, c’est justement ses répliques assassines. Il y a dans ses films d’innombrables citations devenus maintenant cultes. On aura d’ailleurs apprit durant la période questions-réponses lors de la projection que Boisvert débute ses scénarios par des répliques de la sorte autour duquel se développe le dialogue, le contexte, la scène.. puis éventuellement le scénario complet. Étrange façon de faire un scénario? Peut-être bien mais c'est là qu'est véritablement sa force : La réplique assassine, le dialogue cru, les citations mémorables. Pas nécessairement parce que c’est mauvais, au contraire ce sont souvent de bonnes répliques cyniques livrées par un personnage détestable qui peuvent rappeler le genre de citations et de personnages qu’on croise dans les films de Neil Labute. Dans son documentaire, Boisvert dit justement s’en inspirer mais n'a pas la qualité scénaristique ou cinématographique de ce dernier (sans compter les acteurs). La livraison de ces lignes dans la bouche d’un acteur amateur provoque malheureusement (ou heureusement pour d’autres) un décalage et apporte l’humour involontaire tant apprécié. On s’en rend bien compte avec son film 40 is the new 20 pour lequel Simon Boisvert se retire de devant la caméra pour laisser la place à des acteurs professionnels. Le film en sort meilleur, les amateurs du côté « manqué » de ses films rejettent ce dernier né déplorant qu’il serait « bon » et les répliques typique de ses films fonctionnent beaucoup mieux (le monologue livré lors d’une partie de golf par Bruce Dinsmore sur la futilité d’une relation amoureuse est particulièrement savoureux et réussi). 

Qu’un cinéaste scénarise et réalise un film sur sa carrière alors qu’il n’est pas connu du milieu ou du public après 6 longs métrages est plutôt surprenant  et questionnable mais aide assurément à renforcer le culte Boisvert. Le cinéaste laisse d’ailleurs la parole à ses admirateurs (qui sont autant ses détracteurs. Du moins, ils ne l’aiment pas pour les raisons qu’il souhaiterait) par la parole de Simon Chénier, archiviste pour Douteux.org et du critique Kevin Laforest qui expliquent les raisons pour lesquelles son cinéma est unique. Un exemple de volonté de faire du cinéma à tout prix malgré les insuccès et les nombreuses difficultés rencontrées. Surtout que ça l'a amené à devenir une icône culte pour un public modeste mais conquis.


THE ZERO THEOREM
-   The Zero Theorem  (Terry Gilliam)
Il est triste de constater la difficulté de financement dont souffrent plusieurs cinéastes importants voyant leurs années plus productives derrière eux, allant chercher leur financement à l’extérieur de leur pays et démontrant une présence au cinéma de plus en plus rare (on pense à David Lynch). Terry Gilliam fait partie de ce lot depuis des productions trop couteuses et une succession d'échecs commerciaux. C’est que Gilliam a besoin d’un budget à l'image de ses idées démesurées. Il est de retour cette année avec un autre film ambitieux réalisé avec des bouts de ficelle, The Zero Theorem. Comme à son habitude, Gilliam réussit à nous plonger dans son univers en compensant le manque de budget par des utilisations inventives des espaces dans lesquels il place son personnage joué par l’excellent Christoph Watz. Le film en soi est très bien mais on ne peut s’empêcher de sentir le déjà vu thématique et visuel. On retrouve beaucoup d’idées déjà utilisées par le cinéaste dans ses films précédents comme Brazil ou 12 Monkeys. Christopher Waltz y joue un employé de la firme Mancom qui tente depuis longtemps de trouver la formule mathématique expliquant le sens de la vie par le biais de connections constantes avec son ordinateur en ne manquant jamais un appel téléphonique, au cas où ce serait « l’appel » qui pourrait changer sa vie. Le tout est une métaphore sur l’incommunicabilité, les rapports aux ordinateurs et le besoin de connections virtuelles constantes (on pense aux réseaux sociaux) menant à la déconnexion de soi-même (le personnage dit à sa psychologue virtuelle ne jamais rien ressentir émotionnellement). Gilliam parle donc du monde dans lequel on vit en situant son film dans un futur déjà dépassé. On retrouve dans le film la signature habituelle de son cinéaste mais l’inspiration et le génie d’œuvres comme Brazil et 12 Monkeys ou le délire scénaristique de Fear and Loathing in Las Vegas manquent. The Zero Theorem reste visuellement très beau et saura plaire aux admirateurs de l’univers de Gilliam mais n’impressionnera surement pas autant que ses premières œuvres. On ne peut alors que souhaiter le voir obtenir dans un avenir proche un financement digne de ses ambitieux projets (Don Quixote) ou du moins retrouver une meilleure inspiration à créer des œuvres plus modestes comme il l’avait déjà démontré avec le moins célébré mais intéressant Tideland.
                                                                                                  
-  -DAVID FORTIN / 7e Antiquaire

Bientôt pour la prochaine capsule, retour sur les films THE HARVEST, THE INFINITE MAN, KUMIKO THE TREASURE HUNTER, YASMINE, CHEATIN', THOU WAST MILD AND LOVELY, INFINITE MAN et KUMIKO THE TREASURE HUNTER
plusieurs autres suivront..

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