dimanche 15 avril 2012

Notre émission du 15 avril: Les productions Full Moon-Série B comme dans Balzac

Blade, la poupée tueuse de la prolifique franchise de Full Moon, Puppet Master. Avec son costume d'agent de Gestapo rappelant également le tueur de giallo, Blade est un hommage délibéré à Klaus Kinski, comédien fétiche du réalisateur. Il partage par ailleurs un je ne sais quoi de la physionomie de l'acteur hystérique.

Les cinéphiles de demain auront le pire et le meilleur des mondes. Alors qu'il fut un temps où il fallait trimer dur pour débusquer  les brûlots introuvables de la légende, à peu près tout est désormais à la portée de main de l'homme de bonne volonté. Le volume de matériel disponible pour le cinéphile, bien qu'il soit de qualité variable et aucunement présenté dans des conditions optimales, est absolument sidérant. Pour cette raison, plus d'un cinéphile devra choisir son camp et se "spécialiser"; la vie sera beaucoup trop courte pour regarder certain type de film. Reste que si la ligne médiane séparant la culture populaire du grand Art est encore bien là, elle n'a assurément pas la même "tension" que jadis.
Le 7ème antiquaire se positionnera toujours avec souplesse au centre même dans cette oscillation: le film de genre sera traité comme du cinéma et le classique indiscutable dévoilera les secrets les plus...honteux.
Le sujet de l'émission de cette semaine est un bon exemple: Les films du studio Full Moon. Maison de production de série  B offrant des petits trésors comme Puppet Master, Demonic Toys, Trancers et Doll Man, Full Moon a longtemps été considérée comme une blague, une compagnie d'exploitation faisant du navet à la chaine. Quelques décennies plus tard, il est surprenant de constater que bien au contraire, Full Moon était en quelque sorte à l'avant-garde d'une approche qui fait maintenant école. Il y a plus derrière cette compagnie qu'il n'y parait.
Cette approche, on la doit à Charles Band, père spirituel de la maison de production. Band avait très clairement deux maîtres à penser: Roger Corman et Stan Lee. Du premier, il partage l'énergie et le volume de production de même qu'une affection particulière pour le genre. Il est l'héritier de la Nouvelle B, celle qui est née pour être exploitée directement en club vidéo. De Stan Lee, il a hérité une volonté d'ériger un monde balzacien où toutes les histoires se recoupent tôt ou tard, un univers cohérent propre au comic-book, dans les thèmes comme la structure narrative. Band a aussi fondé sa propre compagnie de comic et fait collaborer plusieurs artisans du milieu.  Des deux créateurs, il possède aussi le sens indéfectible du marketing et de la production de masse.
Au moment, où The Avengers se prépare à fracasser les écrans par sa seule et unique improbabilité, il est surprenant de constater que Full Moon avait déjà pavé modestement mais sincèrement la voie avec un amour véritable de la culture populaire et une volonté faire cohabiter son bestiaire. Aucune prémisse n'était trop ridicule; des poupées tueuses, des démons et des nazis dans un même film, c'est forcément toujours génial.  Il a fallu une décennie d'alignement d'astres pour que les personnages de Marvel convergent dans une seule direction. Accomplissement hautement improbable mais aucunement impossible. Mais ça, Full moon l'avait déjà fait...
Chez Full Moon, Les Demonic Toys ont affronté les poupées meurtrières de Puppet masters. Dollman, le policier de l'espace haut de 13  pouces, a combattu les jouets démoniaques. Full Moon a même son propre Père Goriot, une infirmière rappetissée par des extraterrestres dans le film Bad Channels qui apparait d'un film à l'autre. Des zombies, des vampires, des policiers de l'espace et d'autres du futur... de même que des petits bonhommes de pain d'épice assassin. Le bonheur quoi! 

En fait, avant de partir et de vous laisser écouter notre émission, une déclaration d'amour pour se que je considère personnellement le grand film du studio, Doctor Mordrid, avec l'ineffable Jeffrey Combs.
Toute ressemblance avec Doctor Strange, super-héros magicien créé par Stan Lee et Steve Ditko, est totalement volontaire. Doctor Mordrid est l'avorton bienheureux et survivant d'une adaptation de Doctor Strange qui n'a pas pu se concrétiser. Charles Band, plus étroitement lié à cette adaptation que d'habitude, a simplement changé les noms dans le scénario et certaines des intrigues de bases. Si Doctor Mordrid n'a plus un serviteur tibétain du nom de Wong, il a en revanche un corbeau parlant portant le sobriquet de Poe. 
 Il récupéra également les grandes lignes d'un scénario écrit précédemment et mis sur tablette, Doctor Mortalis, dont les stroyboards avaient été griffonés par un certain...Jack Kirby.
Il en résulte un morceau de cinéma B profondément kitsh et jouissif, un hommage situé parfaitement a mi-chemin entre les héros de papier de  Stan Lee et les productions "recyclées" de Roger Corman, le magnifique The Raven en tête. Une comparaison s'impose...
Ahh Full Moon! Que de plaisirs "coupables" tu nous aura donné! 


On rappelle par ailleurs à nos auditeurs que la quasi totalité des productions de Full Moon sont disponibles sur Youtube au Full Moon Channel...des heures de bonheurs devant vous les aminches!!

Notre émission du 18 mars: Portrait de la Mort au cinéma

Pour écouter notre émission à ce sujet,cliquer ICI

Cette semaine, la Mort au cinéma.

Quand on dit LA Mort, on parle du personnage et du lieu, bien entendu, pas de la chose en soi. Il sera question de la faucheuse, de ses nombreux domaines et de sa fonction cinématographique: Michael Powell et son magistral A MATTER OF LIFE AND DEATH, Bergman, Lynch, Bill and Ted, Kore-Eda.

Parce que la Mort au cinéma est un tout autre genre de pute!

Notre émission du 4 mars: King Kong est-il la plus importante création de l'histoire du cinéma?

Pour nous écouter notre émission à ce sujet, cliquer ICI.
Le cinéma n'a pas créé d'avatar plus important que celui de King Kong. Je suis catégorique sur ce point. Certes, le 7ème art a ses légendes, ses demi-dieux du panthéon Hollywoodien mais ils sont pour la plupart de temps des acteurs élevés au statut de symboles ou des emprunts fait à la littérature. Norma Desmond dans Sunset Boulevard,  Charles Foster Kane, The Tramp...ce sont eux, les véritables avatars du cinéma, des créations indissociables de leur médium, nées au cœur même de la pellicule.

C'est en ce sens que  King Kong est selon moi sa plus puissante incarnation. Comme Atlas soutenant le poid du monde, l'image du grand singe s'agitant au sommet de l'Empire State building est désormais un monument, une évocation de la démesure des hommes et de leur besoin de tout enchainer au nom du divertissement. Les déferlements de passion qui le traverse valent en tout point ceux de Citizen Kane, deux films plus semblables qu'il n'y parait de prime abord. Par ailleurs, il n'est pas rare d'entendre de prolifiques réalisateurs l'évoquer comme le plus grand film jamais fait.
Cette semaine, nous méditons sur l'importance du symbole qu'est King Kong, sa genèse, ses influence et ses héritiers. Rien de mieux pour étayer ce point de vue que Bye Bye Monkey, (Rêve de singe), la mélancolique tragi-comédie de Marco Ferreri:
 L'évocation même du film donne le vertige: Gérard Depardieu en brute épaisse, Marcello Mastroiani en amant suicidaire et éploré, une poignée handicapés mentaux, une troupe de théâtre féministe et misandre, un musée de cire dans un New-York bien crasseux et le "cadavre" de King Kong sur une plage. Marcello et Gégé qui élève le "fils" de King Kong au centre de cette ménagerie.
Ferreri a tout compris: le cadavre du grand singe devient chez lui le symbole d'une masculinité fragile et brisée, de la solitude des hommes et de leur déchéance.
N'oubliez jamais: King Kong aussi est mort pour vos péchés...