Le cas du réalisateur Paul Verhoeven est assez singulier. Réalisateur néerlandais, ses premiers films jouissaient d'une très bonne réputation auprès des connoisseurs de cinéma étranger. Quand le bonhomme a troqué son approche auteurisante pour la superproduction hollywoodienne, nombreux furent ses amateurs qui crièrent au scandale. Pourtant, le cinéma du monsieur était bel et bien resté le même; sardonique, violent, grand-guignolesque mais conservant toujours une charge idéologique gavée jusqu'à la moelle d'ironie. Inversement, les geeks qui jurent par le bonhomme (et qui l'ont découvert avec Basic instinct, Total Recall et Robocop) tombent des nues lorsqu'ils écoutent ses premiers films. Des thrillers psycho sexuels ambiguë comme The Fourth man ne sont assurément pas pour toutes les fourchettes. Ah cet éternel fossé entre les geeks et les cinéphiles entretenu avec mépris par des élitistes de salon comme Marc Cassivi (lire ceci pour le constater)! Y'a des ostis de têtes de cochon dans les deux clans mais dieu merci, les geeks deviennent meilleurs cinéphiles de jours en jours et les cinéphiles reconnaissent maintenant les vertus du manga, du comic et du jeu vidéo. Comme le dit Nicholson dans Mars Attack Little people, why can't we just all just...get along?
Tss tss...le combat recommence!
De nos jours, il est de plus en plus courant de voir des auteurs étrangers se faire approcher par Hollywood à une vitesse qui est parfois vaguement inquiétante. Au delà du raz de marée de remakes de la dernière décennie, on aura vu, pour la petite anecdote, des films refaits par le même réalisateur (jusqu'à trois fois; Takashi Shimizu a refait son Ju-on 1 et 2 pas moins de six fois), des franchises débutées, re-débutées et rebootées par des réalisateurs n'ayant qu'un film au compteur, des relectures de classiques dans un autre contexte culturel. Bref, Hollywood et les jeunes auteurs étrangers sortent à peu près tous gagnants de ce commensalisme. Ils ne coûtent pas cher, ils ont des idées neuves, Hollywood est content. En faisant un film commercial, ils ramassent assez de cash pour faire un projet de leur choix et ils prennent de l'expérience (toute la génération des Wonder boys sortie de l'écurie de Roger Corman n'a fait que ça, de Spielberg à Scorsese, de Coppola à Lucas). Je ne pense pas me tromper en disant que Verhoeven est un des premiers ayant effectué parfaitement cette transition. Le ton de ses films, hautement personnel, est resté résolument le même. Flesh + Blood, Robocop, Starship Troopers et Total Recall occupent cette zone floue et rare de conciliation entre geeks et cinéphiles obtenue par très peu de réalisateur, encore moins des étrangers ayant fait le saut à Hollywood. Délicieuse ironie...ça prenait des films violents que le câlisse pour unifier les deux clans!
Je ne sais pas pour vous, mais Verhoeven me manque terriblement...probablement plus que Carpenter. Nombreux sont ces enfants, mais ils sont loin d'être tous dignes. Quel ne fut pas ma délectation en ouvrant (je sais, c'est un long préambule, j'arrive au point) le numéro 1 de Deathlok the Demolisher publié par Marvel sous le bannière de Marvel Knights. Je me suis dit tout de go "si ce comic continue dans cette voie, il deviendra le plus bel hommage à Verhoeven fait par un médium, tous genres confondus!"
Le numéro 3 est sortie hier et je suis catégorique...c'est une lettre d'amour à Verhoeven. Le ton, le propos, le look...tout est là. Pour la petite histoire, les geeks néophytes et Marc Cassivi, des explications brèves:
Deathlok a vu le jour en 1974 sous le plume de Doug Moench et Richard Buckler. Il y eu plus ou moins cinq incarnations du personnage à ce jour. Dans chacune d'elle, il est question d'un pauvre soldat et/ou scientifique coincé au coeur d'un complot ourdi par une fourbe compagnie qui se fait transformer et/ou transplanter le cerveau dans le corps d'un machine expérimentale mi-cyborg mi-zombie créé par la dites fourbe compagnie. Ô tragique engeance, l'humanité et les souvenirs du personnage reviennent sporadiquement et sa conscience est la seule chose qui l'empêche de devenir la parfaite machine à tuer. Ce qui ne l'empêche pas pour autant de faire des massacres quand il s'oppose à la compagnie qui l'a créé. Il est fru. Il souffre. On l'adore. Si vous trouvez que tout ça ressemble rudement à Robocop, je vous rappelle que Robocop est né 13 ans plus tard et que l'influence avouée du scénariste Edward Neumeir (également scénariste de l'adaptation de Starship Troopers) était Judge Dredd et Iron man. Yeah right. Nous ne lui tiendrons pas rancune de cet emprunt non avoué (et peu soulevé par la communauté geek, étrangement) pour la seule et unique raison que la nouvelle série créée par Charlie Huston et Lan Medina prend ce rip-off au mot. Si Verhoeven et Neumeir ont emprunté l'ancien Deathlok pour faire Robocop, Huston et Medina ont grappillé Verhoeven pour faire le nouveau Deathlok. En plus, ces salopards ont combinées toutes les incarnations précédentes du personnage pour en faire une seule version. Vous pouvez commencer drette là ma gang de ciboires! Le ton de la série est absolument dead-on. On a des organisations totalitaires qui font des expériences pas catholiques, des médias sensationnalistes qui contrôlent l'information et le divertissement dans une dystopie obsédée par la violence, des pubs de produits cheaps, une machine à tuer qui se bat contre sa conscience, de la vulgarité à souhait, de l'hyperviolence, de la vendetta...on a même des combat médiévaux. Total Recall, Starship Troopers, Robocop et Flesh + blood dans un tacos débordant de cynisme...et la sauce...c'est du sang! Charlie Huston, romancier néo-noir et le dessinateur Lan Medina nous offrent rien de moins que le film de Verhoeven le plus absolu qui soit. Il manque juste des danseuses...et va probablement y'en avoir. Merci Duro!
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