Parce que nous avons vu The Limits of control cette semaine et que nous avons la ferme conviction que Jarmusch a fait son film-somme. Dépositoire contemplatif de toutes ses obsessions , de tous ses thèmes de prédilections, le film n'a pourtant guère trouvé son public. Au delà du fait que Jarmusch est un des derniers grands indépendants et que son cinéma a toujours été adressé à un public averti, Limits... a reçu un accueil frileux et indifférent. Même les plus ardents amateurs sont avares d'éloges.
Et ça, le 7ième ne le savait pas avant de voir le film. En pâmoison devant cette méditation pleine d'énigmes, convaincu que Jarmusch a fait son oeuvre la plus totale, j'étais d'emblée persuadé que le film avait connu une relative consécration. Oh que non... Il est pour ainsi dire impossible de trouver sur le Net des critiques élogieuses du film. Il semble que plus ou moins tout le monde, tous genres de cinéphiles confondus, se soit profondément emmerdé en le regardant.
Je suis abasourdi. Est-ce que quelque chose dans l'air du temps a condamné le film? La prochaine génération de cinéphile est elle encore plus paresseuse? Décidément, je suis consterné. Que des fans d'IMDB et Ain't it cool news détestent, c'est une chose attendue, mais que des aficionados de Jarmusch ne comprennent pas et trouvent ennuyant, banal, c'est pour moi un sidérant mystère. Comment ont-ils fait pour apprécier Ghost Dog et Dead Man, deux films poussant la lenteur à des sommets de sensualité rarement vu au cinéma en ne générant pas une seule minute d'ennui?
Attendez les copains: David Lynch et Wong Kar-wai sont des happenings culturels qui plaisent, avec fumisterie ou non, à des cinéphiles incapables de ne pas rationaliser tout ce qu'ils regardent. À ce jour, je ne suis pas sur de saisir la fascination qu'exerce In the mood for love sur tant de gens. Je trouve le film bouleversant, mais je le trouve aussi très peu abordable, même pour un public ouvert d'esprit. Et c'est Limits of control le film long, chiant et prétentieux? Est-ce que Jarmusch n'est plus au goût du jour? Pourtant, le titre lui-même nous invite à voir le film avec une parallaxe intuitive, se situant en deçà des limites du contrôle de la rationalité. Les clés de la compréhension de l'oeuvre y sont habilement disséminées.
Limits of control est un film sur le film, celui qui se fait avec l'instinct et l'intuition. C'est une méditation typiquement Jarmuschienne sur le processus de création, sur la mort et le langage. Le personnage d'Isaach De Bankolé n'est nul autre que Jarmusch lui-même, les personnages qu'il croise sont les décompositions incarnées de tous ses thèmes de prédilection. L'ennemi à trouver, l'américain, c'est le producteur, l'homme d'affaire, celui pour qui le monde est une commodité. C'est aussi simple que ça et c'est à fois immensément complexe.
Bravo pour votre émission de cette semaine. Belle analyse du travail de Jarmush.
RépondreSupprimerCependant un petite critique. Plutôt que de dire film-somme. Je préfèrerais le film-agrégat. Les éléments des films que Jarmush qui se retrouve dans The limits of Control n'est pas le résultat d'une addition ni celui d'une transpotition, mais celui d'une agrégation. La communication entre ces éléments va crée quelque chose de différent de leur point d'origine.
Pour ce, je vous réfèrerais à Raymond Boudon, dans La place du désordre qui fait la différence entre sommation et agrégation.
Lachez pas votre travail, et j'attend toujours mon émission sur Bertrand Blier, peut-être moins votre style..., mais je suis convaincu que vous avez beaucoup de choses intéressante a dire sur sa cinématographie.
WOOOOAAH...
RépondreSupprimerMerci pour ton commentaire Tovarish. Je ne te mentirai pas: tout ce que tu évoques échappe drastiquement à ma culture. Cependant, j'ai souvent croisé dans des lectures le terme sans agrégat (dans le comic-book The invisibles et un bouquin fascinant sur le Vaudou et la mécanique quantique) sans jamais savoir de quoi il en retournait vraiment. Tu m'auras donné le coup d'envoie. Raymond Boudon, here I come!
Nous te promettons une émission sur Blier dès le début d'année prochaine. On adore le cinéma de Bert, mais c'est une émission qu'on se refuse de faire à la légère donc nous tenons à bien nous préparer, question d'avoir un hook...
Merci pour tes commentaires Tovarish...Dasvidania