Dans quelques minutes, je vais rencontrer un démon qui hante mes cauchemars depuis plus de 18 ans. Doug Bradley. Pinhead, figure impériale de la franchise des HELLRAISER. Je suis terrorisé. Je sais que je vais rencontrer l’acteur, mais je sais aussi que cette créature qui me fascine vit en lui.
Je fais une blague au public pour me détendre: D’une voix grave, j'échappe un “YOU opened the BOX…HE CAME…” Le gens ricanent. Je suis toujours aussi nerveux.
Des années durant, Pinhead m’a suivi de très près dans mes songes. Au début tel un monstre sous le lit, ensuite, comme un totem, un archétype, jusqu’à devenir un démon intime. Je suis, il va sans dire, obsédé par HELLRAISER, Clive Barker et les Cénobites. Les minutes s’étirent. L’attente est déchirante. La porte s’ouvre, il entre.
Sa démarche est reconnaissable entre milles. Elle est souveraine, rien de moins. Un frisson me traverse l’échine. J’entends les notes de carillon de la trame sonore de Christopher Young. Bradley s’assoit. Je regarde son visage qui est traversé de rides profondes qui forment véritablement une grille sur sa tête chauve. En vieillissant, il ressemble de plus en plus au démon qu’il incarne depuis plus de 20 ans.
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En fait, tout le long de l’entrevue, je serai incapable de dissocier dans mes questions l’acteur et sa création. Malgré moi, je m’adresserai souvent à lui en tant que Pinhead. Ma bouche est pâteuse. Je l’ouvre péniblement. L’entrevue commence. Time to play!
Francis Ouellette : On l’appelle le Prince des larmes et le Pape de l’enfer. Il a incarné un des créations les plus reconnaissables de l’histoire de l’horreur; il la jouera pas moins de 8 fois au cinéma -9 si on inclus le vidéoclip de Motorhead où il fait une apparition...
Mais Pinhead n’est pas un banal slasher ou un autre monstre démoniaque. Il est raffiné, élégant…il a tout le temps du monde. En fait, avec le Dracula de Christopher Lee, il est selon moi une des plus importantes créatures l’histoire du cinéma. À l’instar de ce dernier, il a créé un démon traversé de mélancolie et d’une gravitas proprement shakespearienne.
Il est aussi pour moi un cauchemar privé. Pendant pas moins de 18 ans, j’étais visité dans mes rêves par votre personnage, qui prenait un malin plaisir à me suspendre à ses crochets et à me déchirer la chair de manière inventive à tous les soirs. Pendant des années, j’ai même entretenu des conversations avec lui. Je voulais vous remercier d’avoir été mon démon personnel et de m’avoir donné ces magnifiques cauchemars. (Je le regarde me regarder...
Il a ce demi sourire qu’il prête toujours à son personnage. Je pense que je me suis un peu pissé dessus en le regardant).
Mesdames et messieurs, a demon to some, an angel to others, Doug Bradley, Pinhead en chair et en fer…
Il a ce demi sourire qu’il prête toujours à son personnage. Je pense que je me suis un peu pissé dessus en le regardant).
Mesdames et messieurs, a demon to some, an angel to others, Doug Bradley, Pinhead en chair et en fer…
Doug Bradley : Continues! J’adore ça. (Sa voix…sa putain de voix magnifique me fait peur)
F.O : Mr. Bradley. Quand je pense à votre personnage, je pense à son omniprésence dans la culture de masse. Pinhead est partout; des films, des comic-books et des figurines. Vous allez même devenir le Boss final dans un jeu vidéo de combat avec tous les grands slashers du cinéma, TERRORDROME!
F.O : Parce que c’est un jeu fait par des fans!
D .B : Ah les fans! Si ce sont les fans alors…
F.O : Votre personnage est maintenant plus qu’un monstre de film d’horreur…il est devenu un symbole…Quel effet ca vous fait, par exemple dans une convention comme celle ci, de vous voir partout?
D.B : Ce qu’il y a de fascinant avec Pinhead, c’est une perspective qu’a toujours partagé Clive Barker en ce qui concerne notre création, c’est que lorsqu’un personnage devient assez captivant, il prend vie en quelque sorte et échappe à ses créateurs. Il est vital de se dissocier mentalement de l’idée du personnage à ce moment là, qui devient un concept pur. Pinhead fait désormais partie du cauchemar collectif. Il nous a complètement échappé. Il existe par lui même et nous ne faisons désormais que donner chair à un personnage qui a une personnalité propre.
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F.O : Est-ce que Clive Barker et vous tentiez de donner chair une idée plus profonde et ancienne? Il semble parfois que votre interprétation de Pinhead va aux sources même d’une expérience occulte, comme si vous vous laissiez posséder par quelque chose, un concept, une idée, celle de la Douleur incarnée? (Je suis fébrile en ce moment)
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D .B : C’est un chose particulière. Pinhead est VOTRE vision de ces concepts. C’est vous qui lui avez attribué ces traits. Je peux le voir ici même au ComicCon de Montreal; il représente quelque chose pour toute une communauté. Les amateurs d’horreur forment collectivement une extraordinaire créature que je côtoie depuis 22 ans. En gardant ce personnage et ce principe bien vivant, il faut être conscient qu’il y a un prix à payer. On ne peut faire ça sans vous parce qu’on le fait pour vous. Donc, voilà…je vous en remercie et je vous aime tous. (Tonnerre d’applaudissements)
F .O: Vous parliez du besoin de se dissocier de son personnage, ce qui est une part cruciale du travail d’acteur. D’un autre coté, Pinhead est un autre type de personnage; il est l’incarnation d’un concept assez puissant, le plaisir et la douleur entremêlée. Vous êtes devenue une icône de la culture populaire, mais aussi une icône de la contre-culture : des gens vous vénèrent au Japon comme si vous étiez un véritable démon. Pour ma part, quand j’étais plus jeune, je ne pouvais pas croire que vous n’existiez pas. C’était comme si vous étiez possédé je vous dis!
D.B : (il me regarde comme si j’étais complètement taré) Oookk…(Silence. Des rires dans la salle) Je…je ne sais absolument pas comment répondre à cette question…parce que tu me demandes COMMENT j’ai fais ce que j’ai fait…peu importe comment j’ai fait ça, il semble que j’ai fais quelque chose correctement (il étouffe un ricanement dans sa gorge)! Durant ta première journée sur un plateau, tu ne sais pas ce qui va se passer; tu prends position et tu espères que ce que tu as visualisé dans ta tête fonctionne….mais en même temps, il y a quelque chose…un peu comme un chanteur qui approche de son micro ou un peintre qui s’approche de sa toile… tu es dans le mystère total. Tu espères que tes idées seront communiquées au public. En bref, si tu me demandes ce qui je faisais quand je jouais Pinhead…je ne sais vraiment pas…(avec intensité)
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J’ai fait des recherches…qui sont forcément limitées quand on parle des Cénobites, pour être franc! Il n’y pas vraiment d’endroit ou tu peux aller pour les observer au boulot! Du moins, je l’espère. J’ai eu l’avantage de pouvoir être en étroite collaboration avec Clive Barker et d’avoir le type d’indications qu’il est vraiment le seul à pouvoir donner. Je regardais des numéros de la revue Piercing fans international quaterly.
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Ne perdez pas de vue que les modifications corporelles étaient beaucoup plus rares à l’époque qu’elles ne le sont maintenant. Si c’est courant maintenant, ça l’étais moins à l’époque. Cette revue était dédiée à des gens qui appréciaient mutiler et percer , je précise, chaque centimètres disponibles de leur…chair. (Il prend une grande respiration). Tout ce qu’il me restait à faire était de laisser ces images macérées dans ma tête…et lire le scénario encore et encore et encore…parce qu’au final, pour un acteur, il n’y a qu’un immense saut de l’ange à faire (on remarquera que les choix lexicaux de Bradley sont presque inquiétants). Il te reste à espérer que…(il hésite) Vous savez, j’ai travaillé avec Clive pendant 10 ans, et j’ai joué bien avant avec lui au théâtre des personnages qui n’étaient pas si loin de Pinhead ...
J’ai rencontré Clive au Lycée. Nous nous connaissons depuis 40 ans. Je le connais à fond…je sais ce qui…au moment de créer HELLRAISER, je le connaissais depuis 20 ans. Je connaissais à fond le panorama de son imagination.
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En lisant le scénario, je savais tout de suite quelles était les sensations qu’il voulait générées avec Pinhead. Je n’ai eu qu’une seule indication de lui durant la première journée de tournage : C’est bien…mais fais en le moins possible. Je m’adaptais et il me disait « c’est très bien. Ça fonctionne bien. Mais fais en moins! ». Il était satisfait, mais me demandait toujours d’en faire le moins possible. Ce qu’il essayait de faire, c’est de m’aider à m’habituer au maquillage…si je ne fais pas la moindre expression faciale, avec ce maquillage et les yeux noirs…sur un écran gigantesque, pas besoin de plus. Il m’a toujours dit que Pinhead, comme tu en a fais mention tout à l’heure, n’est pas qu’une simple monstre qui chasse et tue ses victimes. Il faut vouloir le rencontrer : il faut trouver la Configuration des lamentations (le Cube qui ouvre les portes de l’enfer dans la mythologie de Hellraiser), réussir le puzzle avec les motivations appropriées et même dans ce cas, Pinhead aime avoir un brin de conversation avec toi avant de déchirer ton âme, de sortir ses chaînes.
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J’ai toujours dit que Pinhead est une image de souffrance reçue les bras ouverts. Étrangement, ca m’a pris beaucoup de temps avant de me rendre compte qu’il y avait un autre endroit où je pouvais aller pour avoir une idée associative d’un homme avec des clous dans la peau…et c’était évidemment Jésus. Mais c’est une idée que je n’avais pas saisie d’entrée de jeu…c’est comme la crucifixion sur le speed!
C’est cette idée de souffrance reçue qui dit tout, comme si Pinhead disait aux gens qui le regardent : Regardez ce que je me suis fais à moi-même ou plutôt regardez ce qu’ils m’ont fait. Ce sont les marques que je porte sur moi pour toujours…Maintenant, imaginez ce que je peux VOUS faire… (à ce moment, je regarde Bradley en retenant mon souffle et en ne clignant pas des yeux…ce qui a pour effet d’embuer mes yeux. Des gens dans la salle devaient penser que je pleurais) C’est cette aura de menace qui le suit partout. Cette aura, je vais la chercher dans ma relation avec le maquillage (impossible de ne pas comprendre avec ses propos la puissance que ce rituel de transformation doit conférer à son interprétation). J’ai un visage très expressif mais Clive me disait toujours que je devais avoir le visage d’un mort. C’est difficile en tant qu’acteur parce que ca nous donne l’impression de simplement réciter nos lignes en restant immobile mais c’est comme ca qu’il fallait le jouer.
C’est cette idée de souffrance reçue qui dit tout, comme si Pinhead disait aux gens qui le regardent : Regardez ce que je me suis fais à moi-même ou plutôt regardez ce qu’ils m’ont fait. Ce sont les marques que je porte sur moi pour toujours…Maintenant, imaginez ce que je peux VOUS faire… (à ce moment, je regarde Bradley en retenant mon souffle et en ne clignant pas des yeux…ce qui a pour effet d’embuer mes yeux. Des gens dans la salle devaient penser que je pleurais) C’est cette aura de menace qui le suit partout. Cette aura, je vais la chercher dans ma relation avec le maquillage (impossible de ne pas comprendre avec ses propos la puissance que ce rituel de transformation doit conférer à son interprétation). J’ai un visage très expressif mais Clive me disait toujours que je devais avoir le visage d’un mort. C’est difficile en tant qu’acteur parce que ca nous donne l’impression de simplement réciter nos lignes en restant immobile mais c’est comme ca qu’il fallait le jouer.
F. O : J’ai lu une ligne magnifique à ce propos. Vous évoquez l’idée d’une figure christique C’est ce que vous avez toujours incarné selon moi, un ange pour certain un démon pour d’autre. Vous avez donné une certaine Grâce et une beauté à votre personnage. Ce qui me fait penser à cette ligne que vous avez évoqué voilà quelques années, pensé par Clive Barker…vous tentiez d’attribuer un passé au personnage : avait-il déjà été humain jadis? À l’époque nous ne savions pas que c’était le Capitaine Elliot Spencer qui avait été transformé en Pinhead. La ligne disait « Interprètes le personnage comme s’il lamentait la perte de son humanité"
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D.B : Oui tout à fait. Quand je me suis retrouvé seul avec le costume pour la première fois, deux décisions furent prises. En fait, regardez sur l’édition spéciale du DVD 20ème anniversaire d’Anchor Bay, l'image de Pinhead du verso… ils ont extirper cette photo, accidentellement, je crois, dans leur infini sagesse, d’une séance de photo préliminaire.
On peut y voir un vilain pli dans le latex de mon cou. Je ne faisais justement pas ce mouvement à la caméra pour que l’on ne voit pas ces plis, ce qui accentuait la démarche et les mouvements particuliers du personnage. Je tournais tout mon corps, mais jamais ma tête. Vous pouvez voir sur cette photo préliminaire que le masque avait des véritables épingles (des pins), ce qui était bien sur photo, mais trop peu visible à la caméra. Ils ont donc décidé de changer ces épingles pour des petits et longs clous, comme on peut les voir dans le film. De plus, Clive considérait que mes jolis yeux bleus atténuais la menace…j’ai donc porté des lentilles de contacts noires à partir de ce moment.
On peut y voir un vilain pli dans le latex de mon cou. Je ne faisais justement pas ce mouvement à la caméra pour que l’on ne voit pas ces plis, ce qui accentuait la démarche et les mouvements particuliers du personnage. Je tournais tout mon corps, mais jamais ma tête. Vous pouvez voir sur cette photo préliminaire que le masque avait des véritables épingles (des pins), ce qui était bien sur photo, mais trop peu visible à la caméra. Ils ont donc décidé de changer ces épingles pour des petits et longs clous, comme on peut les voir dans le film. De plus, Clive considérait que mes jolis yeux bleus atténuais la menace…j’ai donc porté des lentilles de contacts noires à partir de ce moment.
J’ai toujours dis que j’ai trouvé la nature de mon personnage en m’observant dans le miroir avec mon maquillage pendant 20 minutes (bonjour le rituel). Je suis couvert de la tête au pied d’objets étrangers. Évidemment, le maquillage conjure plusieurs impressions mais la plus importante, je trouve, c’est la mélancolie. Je savais pour en avoir parler avec Clive que Pinhead avait été humain mais nous ne savions pas quand à ce moment là…ce pouvait être depuis hier, depuis une semaine, depuis des années, des milliers d’années. La mélancolie provient de ce sentiment. Ce qui explique aussi pourquoi Pinhead est invariablement attiré par l’interaction avec les humains. Il se nourrit ainsi de cette humanité perdue. De là vient sa fascination.
F .O : Cet aspect a d’ailleurs été conservé au delà des films. Il y a une série de comic-book actuellement écrite par Clive Barker. C’est la première fois depuis longtemps qu’il fait l’expansion de sa propre mythologie de quelconque manière. Dans cette série, vous (je me rend compte de mon erreur. Je me reprends et Bradley me remercie d’un léger hochement de tête)… Pinhead tente littéralement de redevenir humain et de trouver un remplaçant à ses fonctions infernales. Pour cette raison, il y a littéralement une tension entre lui et le personnage de Kirsty Cotton, similaire à celle qu’il y a entre Hannibal Lecter et Clarice Starling…
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D.B : Mais cette tension était là au tout début! J’ai toujours perçu la relation entre les deux comme ça.
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D.B : Mais cette tension était là au tout début! J’ai toujours perçu la relation entre les deux comme ça.
F .O : C’était à même le scénario?
D.B : Il suffit de voir le relation malsaine qu’elle a avec son père Larry dans le premier film. Sa relation avec Pinhead en est l’inversion, en tout point. La ligne en leitmotiv Come To daddy est une évocation directe de cette relation. C’est une ligne inconfortable…
F .O : Time to play, également, qui est directement reliée
D.B :So eager to play…
ENSEMBLE : …So reluctant to admit it! (Je frissonne en écrivant ceci)
F .O : (Je ris de joie nerveusement) Nous sommes tellement chanceux en ce moment! Votre personnage…parce qu’il l’est en quelque part, vous avez forcément mis beaucoup de vous en lui…
D .B : J’espère que non…
F .O : Disons le côté sombre de vous-même…il y a un aspect du passé hypothétique du personnage de Pinhead qui ne concerne que vous? Quelque chose qui ne vient pas du tout de Clive Barker et de sa mythologie?
D.B : Pas consciemment. On dit que l’on met un peu de soi dans tous les personnages que l’on interprète et qu’une part d’eux nous habite à jamais, ce qui m’inquiète un peu. Pas consciemment. Mais s’il y a quoi que ce soit qui m’a habité, ce sera probablement le fantôme de mon grand-père. C’était un pasteur baptiste et écossais, d’allégeance fondamentalement calviniste…un vrai mystificateur! J'ai cette vision de lui, quand il marchait vers l’autel dans sa robe noire et je me disais, tout à fait consciemment « Hell! Ça a l’air amusant! J’aimerais faire ça!». Je ne voulais évidemment pas être un pasteur, mais c’est la théâtralité de la chose qui me donnait envie. S’il y a quoi que ce soit que je suis allé chercher dans mes souvenirs, c’est cet élément de pouvoir assumé que se donnent les ecclésiastes et le théâtre de la religion, qui me fascine encore à ce jour. Je suis allé aujourd’hui à votre basilique. Je me décris toujours comme un athée religieux, un athée spirituel. Je rejette en bloc absolument tout de la religion organisée mais je ne peux pas NE PAS entrer dans une bonne église catholique, surtout s’il y a des os de saint à l’intérieur! Votre basilique est à se pâmer! C’est un édifice magnifique où toute la théâtralité de la religion prend son sens.
F .O. Belle ligne, le théâtre de la religion! Ces aspects sont d’ailleurs présents dans l’univers de HELLRAISER, qui est en quelque sorte une inversion des principes chrétiens, une mascarade de syncrétisme… mais ce ne sont pas des démons à proprement parler…
D .B : Non. L’enfer de HELLRAISER est une autre dimension et n’a rien à voir avec l’enfer judéo-chrétien. Il n’y est jamais question de Satan, de Dieu, de damnation ou de Salut. Pinhead a une ligne dans HEllBOUND où il parle à Kirsty qui cherche son père en Enfer et lui explique qu’il est dans son Enfer personnel
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(à ce moment, on attend le bruit irritant, inapproprié et improbable d’un véritable R2D2 qui passe par là!)
Dans HELLRAISER, nous créons nous même notre propre Enfer et notre Paradis.
F.O : N’aviez vous pas détruit un putain de robot dans…
D .B : (singeant l’impatience ) Est-ce que je me fais interrompre en ce moment pas R2-D2? (rires) (Wow…Pinhead VS R2-D2!!!!!!!)
F.O : Ouais exactement! Et je me souviens de vous avoir vu détruire un robot dans le quatrième film de la série donc…laissez vous aller (il rit)! Je vais vous poser une question de cinéphile un peu pointue…la plupart des gens de ma génération ont découvert récemment le grand film de Ken Russel THE DEVILS.
D.B : C’est son chef d’œuvre. (des applaudissements dans la salle). C’est probablement son seul bon film…Il a fait des merdes, mais THE DEVILS est du travail de génie.
F.O : Je me disais que le film avait du faire un impact considérable en Angleterre?
D.B : Oh oui…en fait, je l’ai vu au cinéma avant qu’il ne soit interdit…
F .O : J’imagine que ce fut probablement le cas aussi pour Clive Barker?
D.B : Oui effectivement…
F .O : Je me suis toujours dis que vous aviez du voir le film ensemble. Était-ce le cas?
D .B : C’est fort probable! Nous allions beaucoup au cinéma ensemble, pour voir des films d’horreur. C’est plus que probable que nous l’ayons vu ensemble.
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F .O : J’ai toujours trouvé qu’il y avait énormément de ce film dans HELLRAISER et qu’il avait du vous inspirer tous les deux directement. Il y a même un personnage qui s’appelle le Père Mignon qui vous ressemble un peu, qui est comme une sorte de Pinhead avant l’heure; il bouge comme vous et qui aussi les mêmes lignes que vous!
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D.B : C’est vrai. Avec ce visage long et magnifique. Je ne pense pas que Clive désavouerais l’influence. C’est très certainement le cas, même si je ne veux pas me prononcer pour lui.
Yoann : Est-ce difficile de porter le maquillage durant de longues heures?
D.B : J’ai mes bonnes et mauvaises journées! J’ai une relation amour-haine avec lui. Le rituel de transformation est excitant mais…c’est aussi un labeur. C’est quatre heures de boulot. Performer devant la caméra n’est pas un problème, mais exister toute une journée dans ce costume est aliénant. Étouffant même. Les longues heures d’attentes entre les scènes…c’est mauvais pour les idées et ca joue sur le moral gravement. Tu voudrais simplement l’arracher quelques heures et être toi même. J’ai appris en parlant à Robert Englund (l’interprète de Freddy Krueger) que nous avions le même problème : nous sommes incapables de rester seul dans ce costume mais nous ne pouvons pas non plus être entouré de trop de gens. On devient des nomades pendant les tournages…on erre. On se perd dans nos pensées. Ce qui n’est pas inapproprié pour jouer ce personnage. Gary Tunniclife, celui qui a fait le maquillage des 5 derniers HELLRAISER, sait que j’aime être sur le plateau mais que je disparais soudainement quand le moment du maquillage arrive. Il me connaît bien. L’odeur de latex et de la colle est horrible…le premier jour est toujours difficile et il n’est jamais productif.
F.O : Le maquilleur Gary Tunicliffe a d’ailleurs réalisé un court-métrage où il interprète Pinhead! Ça raconte les derniers jours du personnage dans un futur apocalyptique où il n’y a plus de vie sur terre. Ça devait être étrange de voir votre maquilleur jouer votre
personnage non?
D.B : C’était étrange. Il l’a fait sans jamais m’en parler.
F .O : (Ce n’est pas l’opinion de Tunnicliffe : Bradley aurait refusé de le faire gratuitement). Vous êtes sur que vous n’en avez jamais parlé?
D .B : Un peu disons…mais j’étais une peu fâché contre lui à ce moment là.
F .O : Que pensez vous de son nouveau design pour le personnage?
D.B : (impatient) Encore, je ne sais pas pourquoi il a fait ça! C’est devenu un feu de broussaille ce truc; tout le monde était persuadé que c’était le design du Pinhead qu’on verrait dans le remake…c’est absolument faux. C’était juste Gary qui voulait déconner. Faudrait lui demander pourquoi il a fait ça…
F .O : Pascal Laugier, le fameux réalisateur du film MARTYRS a été quelque temps associé au remake…
D.B : oui mais avant, c’était les deux réalisateurs du film À L’INTÉRIEUR…
F .O : Oui…Alexandre Bustillo et Julien Maury…Vous n’avez jamais été approché par aucun d’entre eux?
D .B : Jamais. 4 ans ont passés depuis l’annonce de ce potentiel remake et personne ne m’a contacté. DIMENSION ne me parle jamais, de même que la longue liste de réalisateurs attribués au projet…(avec gravité) Je suis irrémédiablement opposé à l’idée de tous ces remakes… à quelques exceptions près. Je pense que celui de THE CRAZIES était très bon (vraiment?) et meilleur que l’original. Je viens juste de voir la production de Del Toro, le remake DON’T BE AFRAID OF THE DARK, qui était à l’origine un inquiétant petit téléfilm, mais qui n’étais pas particulièrement bon. C’était plutôt bien. Si vous allez sur mon site web, Doug Bradley.com, vous pouvez trouver un t-shirt donc le design est de ma copine, Steph qui est à ma table. La ligne qu’on peut y lire m’est venue à l’esprit durant une conférence comme celle-ci, autour de la question des remakes. J’ai pris la ligne du film original « No tears please…it’s a waste of good suffering » et j’en ai fait « No remakes please…it’s a waste of good celluloïd! » (applaudissements)
F.O : J’en veux un? Vous en avez ici?
D.B : Non…je n’ai pas pu emmener mon livre non plus parce les douaniers canadiens sont des putes…On ne peut rien apporter dans ce putain de pays! Allez sur mon site…
F .O : J’imagines que vous n’auriez pas été intéressé à jouer dans le fameux crossover entre Michael Myers et Hellraiser qui fut une rumeur pendant des années, le mythique HELLOWEEN?
D.B :Qu’est-ce que te fais dire ça?
F .O : Je conviens que ce n’est pas un remake…
D.B : J’y aurais participé pour deux très bonnes raisons. Des années avant FREDDY VS JASON, il y a eu deux très solides propositions pour un HALLOWEEN-HELLRAISER. DIMENSION a rejeté les deux, considérant de toute manière qu’un film de FREDDY VS JASON se planterait. Il se sont trompés bien sur. Le films est resté en première position au box-office pendant deux semaines. Évidemment, les Weinsteins ont changé d’idée à ce moment là. Les raisons pour lesquelles ce projet m’enthousiasmait, c’est que Carpenter l’aurait réalisé et Clive l’aurait écrit! Tu peux parier ta putain de vie que j’aurais été dans ce film!
F .O : Ces deux mythologies auraient fonctionnées parfaitement ensemble.
D.B :J’ai eu une conversation avec Clive à ce sujet. Il est clair que l’idée d’un combat véritable serait ridicule, mais par contre, le mélange des deux environnements auraient été fascinant. Considérons le fait que Michael est un meurtrier de masse, psychotique, fou et déviant sexuel… il est clair qu’il aurait intéressé Pinhead! Selon moi, un aspect est malheureusement absent dans le remake de Rob Zombie. Il n’y a malheureusement plus rien de surnaturel autour du personnage. HALLOWEEN n’est pas qu’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps, c’est une leçon de cinéma. J’ai toujours trouvé que HALLOWEEN fonctionne bien parce qu’il est comme un bon film de DRACULA, où le personnage du Dr. Loomis joué par Donald Pleasance occupe la fonction de Van Helsing. Son énergie à essayer de faire comprendre aux gens le danger qu’il représente est contagieuse. C’est effrayant quand Michael se fait tirer dessus et continus de marcher! C’est une créature surnaturelle. Dans le film de Zombie, il n’est qu’un petit morveux gigantesque avec une attitude et un masque rapiécé. Il ne faisait plus peur du tout. Je voulais le voir crever une fois pour toute tellement il m’ennuyait. Crèves sur le sol, sale mioche! Désolé Rob, je t’adore mais pas ta version de HALLOWEEN.
F.O : Saviez-vous qu’on avait écris un fin alternative de FREDDY VS JASON où vous apparaissiez?
D .B : (il perd patience) Tout le monde me parle toujours de ce truc!
F.O : Mais c’est normal! C’est fascinant!
D.B : C’EST fascinant mais c’était impossible que ca se passe! NEW LINE sont les propriétaires de Freddy et Jason et MIRAMAX, DIMENSION, Les Weinsteins ont les droits de HELLRAISER. Ils ne pouvaient pas faire ça et ils ne l’auraient pas fait.
La raison pour laquelle HELLOWEEN n’a pas vu le jour, ce que Mustapha Akkad, le producteur du premier HALLOWEEN est mort dans une explosion terroriste en Syrie. La famille d’Akkad avaient gardé suffisamment de contrôle sur la production de la franchise pour faire perdurer ses dernières volontés…et il ne voulait absolument pas que ce film existe. Ce qui a totalement tué le projet.
F .O Nous avons du temps pour une dernière question. Nous voulons vous voir encore jouer Pinhead, nous avons BESOIN de vous voir le jouer à nouveau et nous sommes prêts à nous battre s’il le faut. Est-ce que vous voudriez jouer dans des films de fans ou d’autre types de production en marge?
D.B : Nous n’avons pas parlé de HELLRAISER :REVELATIONS hein?. J’imagine que vous connaissez?
(Doug Bradley aperçoit à ce moment là, assis seul sur une chaise, un ourson en peluche blanc déguisé en Pinhead)
D.B : (en le pointant) À qui est cet ourson?
Une Fan : C’est pour vous…je l’ai fais moi même!
D .B : (Il se fait doux). Il est mignon! Merci beaucoup! (long silence inconfortable). J’ai reçu un coup de fil concernant ce film. Quelqu’un c’était rendu compte qu’il était sur la point de perdre les droits de la franchise à DIMENSION. Ils ont donc chié un film au plus vite, écrit et préparé par le maquilleur Gary Tunicliffe. On m’a cité les paroles des Weinsteins à ce propos : « On n’a rien à foutre de ce que vous allez faire, mais faites nous un film en deux semaines avec un budget de 150 000$ ». J’ai lu le scénario et j’ai évidemment refusé. Ces gens là n’avaient rien à faire avec HELLRAISER. Ils ne voulaient que garder les droits. Ca fait maintenant 9 ans que je n’ai pas joué le personnage. J’en ai fait un peu mon deuil. Il faudrait vraiment quelque chose d’intéressant pour me faire remettre le costume. J’ai accepté que le personnage me suive pour le restant de ma vie mais je ne veux plus d’une version édulcorée comme celle de ce film là, où Pinhead apparaît, fait quelque chose de cruel, revient à la fin avec quelques mots d’esprit à saveur Shakespearienne et repart.
Nous avons d’ailleurs avec nous dans la salle un autre Pinhead! Stéphane, le gentleman là-bas dans la salle, est la voix française de Pinhead dans ce film. Je ne l’ai pas vu mais lui si… et il m’assure que c’est de la…
Stéphane : (du tac au tac) Je ne peux parler publiquement du film
D.B : (Bradley est hilare) Ce n’est pas ce que tu m’as dis à ma table!
Stéphane : Je peux vous dire qu’il y a deux Pinhead dans le film, un pseudo-pinhead….
D.B : C’est tellement bizarre. Vous pouvez aller sur YOUTUBE regarder la bande-annonce. On y entend Pinhead dire un truc comme « j’ai hâte de te déchirer en morceaux ». Vous conviendrez que ça manque de je ne sais quoi, comme on dit chez vous! Il a eu droit à 800 000 vues et 94% de gens qui n’aiment pas. Je ne veux rien savoir de ce film et je ne pense pas qu’il me contacterait de toute manièere pour faire le remake. S’ils peuvent faire un remake de NIGHTMARE ON ELM STREET sans Robert Englund, il n’y a plus d’espoir pour moi. Il n’y a pas de Freddy sans Englund et l’idée même de la chose est offensante. Si je regarde ce film un jour, ce sera une version téléchargée gratuitement. Je vais me faire taper sur les doigts en disant ca mais quand je suis sortie du cinéma après avoir vu le remake de HALLOWEEN, j’ai eu cette réflexion « je ne fais pas partie de la solution…je fais partie du problème parce que j’ai acheté un ticket! ». Je leur ai donné mon argent. Il n’y a pas d’autre raison pour l’existence de ces remakes que l’argent. En tant que fan, il est évident que nous voulons voir ces films, un peu comme nous voulons voir la totalité d’un accident de voiture, question de savoir s’il y a du sang sur l’autoroute et des morceaux de cervelles partout. Mais n’allez pas les voir au cinéma…regardez les illégalement de grâce. Ainsi, ils seront forcés de ne plus en faire…
Bon, cela n'apporte pas grand chose à l'entretien mais merci (encore) ; interview très vivante et surtout très intéressante. le contraire aurait été étonnant.[-_ô]
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