samedi 22 octobre 2011

FNC '11: Critique de LOS ULTIMOS CRISTEROS-Marcher entre l'ivraie et le faux

(Cette critique est initialement parue ici dans le Baron Magazine)
 
Je me confesse. Je suis un fier apostasié et j’ai une perspective de l’Église qui oscille entre l’indifférence et le dégoût. Par contre, les Écritures m’émeuvent profondément. La figure du Christ également. Il me suffit de voir l’effigie du Crisse pour me sentir entre bonnes mains, comme si un vieux pote de route me saluait, genre vieux routard. Conditionnement judéo-chrétien résiduel qui traverse les générations, sans doute. Reste que Jésus est pour moi un crisse de bon diable, one of the best.

Surprise de taille: Jésus est au FNC cette année, du moins, sa version gnostique. L’Apocalypse est encore et toujours dans l’air du temps aussi. Les deux viennent souvent ensemble, à ce qu’on dit.  Il y a L’Eschaton Tarkovskien tout en intimité du dernier Béla Tarr, celui de TAKE SHELTER et son prophète parano. MELANCHOLIA, bien sur, et surtout le dernier Bruno Dumont, qui assume pleinement son mysticisme chrétien. Mais c’est dans LOS ULTIMOS CRISTEROS de Matias Meyer que le Christ est le plus présent.  Il s’incarne dans une poignée d’hommes aux visages burinés qui portent le sombrero.  
 En 1925, le gouvernement mexicain décide d’imposer de sévères restrictions aux pratiques religieuses du peuple, pouvant aller jusqu’à la peine de mort. Un petit groupe de rebelles, les Cristeros, s’y oppose et continuent de vivre selon les principes de leur foi. LOS ULTIMOS CRISTEROS nous montre le chemin de croix de ces hommes en fuite. Sporadiquement, les balles fusent du vide, comme si le paysage lui même les crachait, et les hommes tombent petit à petit. Ce chemin de Croix, Meyer nous le fait vivre pas à pas, entre langueur et lenteur. L’approche rappelle, c’est inévitable, les méditations filmiques de Reygadas mais aussi celle de Dumont (voir HORS SATAN et ce film le jour même doit laisser le spectateur dans un certain état de Grâce). La faim s’installe, la cadence des hommes ralentie. Les munitions servant aux coups de semonce se raréfient. Les nuits sont froides et les jours sont secs. Assoupis sur le flanc d’une sierra, dormant sous leur sombrero, agonisant dans une grotte, immobiles sous la lune… les moindres détails du chemin de croix des derniers Christeros nous seront montrés.
 Au début, le quotidien de ces hommes est d’une intolérable monotonie; même le cinéphile le plus aguerri et habitué au parcours aride peinera parfois à les suivre.  Autour de moi dans la salle de cinéma, beaucoup d’œil se fermait doucement. C’est précisément à ce moment que le miracle se produit. C’est dans cet état de fatigue que le spectateur devient lui-même, ne serait-ce que quelques minutes,  un Cristeros. Si les prières psalmodiées et inaudibles retentissent dans le paysage, les quelques rares morceaux de trompettes sorties tout droit d’un western-spag deviennent des lamentations. Meyer filme les sillons du visage des hommes- dont aucun ne sont comédiens professionnels- comme il filme le paysage. Un autre miracle se produit alors;  les hommes et la terre finissent par se confondre. Poussiéreux et craquelés, ils s’incarnent dans la terre et y trouvent leur salvation. Dieu est ici dans les fissures du monde.  Quand, sur le bord du feu, après des longues minutes de silence, les derniers Cristeros sortent leur guitares pour chanter une complainte sur leur pendaison imminente, l’effet est instantané...les yeux fatigués de nombreux spectateurs se mouillent. Pendant quelques minutes, l’athée que je suis s’est mis à envier cet incommensurable amour et cette soif de vérité.

Qui l’eut cru; Jésus est au FNC cette année.

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