samedi 8 octobre 2011

FNC '11: Critique de LAURENTIE- un fils déçu de race ordinaire

Vous pouvez écouter notre discussion sur le film avec le producteur Sylvain Corbeil  et le co-réalisateur Mathieu Denis en cliquant sur l'affiche en bas

Je suis le fils d'une souverainiste lesbienne, l'enfant unique d'une mère monoparentale. Je parle anglais et je suis consommateur de culture américaine. Je connais bien mes grands poètes québécois, je les cite assez souvent. Je suis un Montréalais de souche, enraciné dans l'asphalte, qui fait souvent l'erreur d'observer sa culture avec les œillères du citadin. Du Québec extérieur, je n'ai vu que très peu de choses. Celui de l'intérieur, de la musique, des contes et des mots, je le porte comme une gibecière, à vider et à remplir à ma convenance. J'ai aussi le cynisme assumé et sans fierté de plusieurs gens de ma génération.
J'aime voir les fantasmes, les rêves et les échecs de mon pays sur un écran de cinéma. Je suis ému par ces films qui parlent de nous mais qui sont aussi traversés d'une certaine soif d'universalité. C'est précisément cette consolidation qui m'a fait tant aimé Mémoires Affectives de Francis Leclerc; c'était un film qui n'avait pas peur de parler de notre atomisation et de notre mythologie récalcitrante, qui savait se servir de nos archétypes. Une dernière confidence: je suis cinéphile avant d'être québécois. 

Voilà quelques années, de la main généreuse d'un ami, je reçois une copie du scénario de Laurentie, jadis intitulé C'est donc ça nos vies.  Ma lecture finie, j'ai une légère fièvre. Je suis envieux de ce que j'ai lu, j'aurais aimé l'avoir écrit. J'ai l'impression que quelque chose de vital s'y trouve mais surtout, j'ai vécu, d'une façon épidermique, le malaise du personnage. Je l'ai vécu en tant que Québécois, en tant qu'homme de ma génération, en tant que francophone et en tant qu'idéaliste qui se bat mollement. 
Je me suis ensuite dit: ce film ne se fera jamais, no fucking way
Pas seulement parce qu'il allait assurément être traversé de scènes qui choqueraient, autant au niveau de la forme que du fond, mais parce qu'il ne ferait pas de compromis lénifiants sur aucun de ses thèmes. 

Ce film ne se fera jamais. 

Ça allait prendre beaucoup de couilles et encore plus de cœur pour faire Laurentie. Puis, mon ami en est devenu un des producteurs. Justement, un gars avec beaucoup de cœur et de couille.

Quelques années plus tard, je vois, j'écoute Laurentie (on le lit également, vous allez le constater). Je regarde ce film dont l'existence me semble improbable, avec son Étranger errant dans un Montréal en mutation qui cherche à s'étendre sur tout le Québec. Ce gars à l'identité absente, avec ce physique de quidam (il faudra saluer le courage du comédien principal, Emmanuel Swartz. Lui aussi a beaucoup de coeur et de couille). 
Plusieurs fois, mon regard grince devant la mélancolie lancinante des images, devant le pathos de son propos et son incommunicabilité loquace. Mais surtout, je me prend son drame ordinaire en pleine face. Ce n'est que plusieurs mois plus tard que je tombe sur le synopsis officiel: 

Je m’appelle Louis Després, j’ai 28 ans. J’habite à Montréal, dans cette ostie de province de merde. Je ne sais pas ce que j’aime. Je ne sais pas qui j’aime. Je ne sais pas ce que je veux faire de ma vie. Je ne sais pas qui je suis.
Mais je sais pourtant que je ne suis pas cet Autre.
Cet Autre est beau, sa langue est belle et séduisante – mais je ne la parle pas. Il est entouré d’amis – je n’en ai pas. Il est heureux – je ne le suis pas. Depuis peu, cet Autre est mon voisin de palier. Sa présence à mes côtés, sa simple existence me rappellent sans cesse ma propre déchéance et m’apparaissent de plus en plus intolérables.

J'attendais un film comme Laurentie depuis Mémoires affectives. Une histoire qui s'octroie le droit d'exalter et de déconstruire notre mythologie récalcitrante et d'en faire une tragédie de la banalité. Entre la rue Mont-Royal et Saint-Laurent, ces artères mythiques où jadis,  deux peuples se croisaient  et se mélangeaient prudemment, il y a toute une zone de guerre intestine encore bien présente. Le Montréal de Laurentie est une très vieille Cité, plus ancienne que son âge véritable.

Ma génération avait besoin qu'on lui donne son Chat dans le sac. J'ai maintenant le mien. Dans Laurentie, il n'est pas question d'appel à la révolte, de haine de l'autre ou de survie de notre culture. Il est question, à mon sens, d'observer ouvertement la part d'ombre du cœur québécois et de l'assumer sans complaisance. C'est ca, pour moi, qui est une question de survie. Beaucoup de propos maladroits seront probablement tenus sur le film de Simon;Lavoie et Mathieu L. Denis au moment de sa sortie; invariablement, il sera le vecteur de débats et d'inconforts. Pour ma part, je tiens simplement à leur dire merci. 

Laurentie sera présenté au FNC le 13 octobre à 13h00 et le 16 octobre à 19h00. Vous pouvez consulter le site officiel du film ici même. Il est à voir sur grand écran. 
FRANCIS OUELLETTE

1 commentaire:

  1. J'ai loué Laurentie sachant d'avance que le film semble détenir de belles qualités simplement de par son idée de scénario qui est très actuel et représenté de façon simple, franc et assumé...et c'est le cas.

    Malheureusement lorsque je lis : "Beaucoup de propos maladroits seront probablement tenus sur le film de Simon;Lavoie et Mathieu L. Denis au moment de sa sortie; invariablement, il sera le vecteur de débats et d'inconforts." je ne vois pas vraiment de grands ébats d'âmes et d'énergie à mettre de ma part pour expliquer ma position critique qui est finalement que je n'ai pas été conquis dans ou pour sa forme et inspiré par ce film pour son propos...Même si je dois avouer que certaines qualités existent pour simplement avoir fait ce film pour une distribution de masse (voir un scénario qui est très actuel, important et représenté de façon simple, franc et assumé...)le film en question me lasse et ne m'énerve pas de la bonne façon, le style lent visant à rendre le gris de la ville est torturant et peu imaginatif dans son sens véridique malgré le fait qu'il est formulé dans ce genre de rythme , il ne se déploie pas souvent de la bonne manière pour explorer la vraie psychologie d'un futur sociopathe mais nous garde prisonnier plus en visite chez un grand faible et minable être humain Québecois invariablement frustré envers les anglos qui est beaucoup trop muni d'une hyper-émotivité saine pour son type d'agressivité progressive ; ensuite ce concept se dévoile sans coloration et d'audace pour dépeindre ses maux de vie face à un voisin visiblement plus balancé que lui socialement (voir la scène du party qui tombe à plat et n'est pas caractérisée de par un geste ou un élément perturbateur,une situation de confrontation malsaine ou un vrai tournant face à son voisin). La plupart des gens schizophrènes légers ont parfois de véritables arguments à leur détresse et leur violence donc j'aurais aimé voir cet angle ici et non des scènes de masturbations, de colères enfantines et de petits malaises sociaux peu pesants qui ne collent pas vraiment à l'importance d'utiliser des aspects plus vastes et originales pour mieux décrire cette descente d'un âme perdu pour en faire un long métrage. L'effet de cet prise d'autonomie du film pour la banalité et le contemplatif tombe selon moi à plat dans son ensemble et l'impression comparatif dernière face au visionnement est d'avoir assisté à un exercice de style dans un genre "amateurisme du Larry Clarkien" du quel on aurait aimé plus de dialogues cogneurs ( de petits dialogues, même minimes ) pour mieux soutenir quelques scènes dites plus importantes qui sont ici beaucoup trop gentilles, faciles et finalement, un peu comme par défaut, dépourvues de leurs vraies valeurs artistiques.

    Bonne idée de départ, franc envers soi-même et probablement assumé dans ses défauts mais même si je comprends ce film et que j'accepte son sens portraitiste, le résultat est (pour moi, selon mon opinion) vide et trop confortable dans sa réalisation poétique pour que je puisse le recommander pour des valeurs artistiques et pour un propos important à caractère identitaire et social. J'aurais aimé en avoir plus même dans son minimalisme.


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