Demain je pars pour la guerre
avec mon grand chien qui aboie
des cailloux plein ma gibecière
et à mon côté gauche, le droit
Je suis seul de mon équipage
les gens d'ici sont peu violents
parce qu'ils ont viande sous la dent
et ventre plein n'a pas de rage
Le nom même de Falardeau est plein de poésie, comme si on avait opéré une conjonction inconfortable entre le mot fardeau et le verbe fallait. Pour plusieurs, c'est ce que le cinéaste était devenu; un fardeau, un gars qui se répète. C'était ce constant appel au devoir séparatiste, au falloir de l'indépendance. L'entêtement d'une pierre...
Pour moi, il nous fallait ce fardeau. Le fardeau n'était pas Pierre, mais bel et bien cette vigueur avec laquelle ils ne nous a pas permis d'oublier le rêve d'une nation. Il incarnait totalement la maxime du Québec, Je me souviens, alors qu'à bien des égards, notre génération se réconforte dans l'oubli. Il nous rappelait à l'ordre constamment dans sa croisade nécessaire contre les tinamis. Un homme solide et constant, même dans ses paradoxes. Une petite montagne. Un Pierre.
Je n'entend pas me lancer ici dans une tirade politique. Je suis après tous comme plein de gens de ma génération, cynique, cultivant volontiers en vieillissant mon apolitisme. Ceci dit, mon cynisme est souvent désarmé, et ça la raison même de ce blogue, par le cinéma. Peu m'importe les passions qui animent les créateurs, du moment qu'elles soient viscérales. Du cinéma viscéral, Pierre Falardeau nous en laisse deux grandes mains bien pleines. Merci Pierre.
Merci pour le suicide inoubliable de Julien Poulin dans Le Party. Les tours de magie en corset d'Angèle Coutu, une vraie fille de party. Les outardes de Bécique et sa ligne "m'a t'arracher la tête pis m'a te chier dans le corps", le pâté chinois en guise de torture, le travesti qui chante, Desjardins qui hurle "heille le screw, sort moi du trou", Luc Proulx qui pleure et Alexis Martin qui se pousse.
La lecture de Miron dans Octobre. Le vieux spaggate frette aussi. L'ambiance étouffante d'une petite révolution manquée.
Merci pour les larmes de Sylvie Drapeau dans 15 février 1839, la joie des gars quand ils mangent des cretons et la rage de l'Irlandais, brûlante comme tes poumons.
Merci de nous avoir donné une figure de proue bien méritée, un roitelet à notre mesure. Un king des kings. Un canadien français d'expression française française, un amaricain du nord français.
Merci pour la bague pétée de Gaétan Hart dans Le Steak, la lecture de Speak White de Marie Eikel, ton pounding vigoureux du Beaver Club dans Le Temps des Bouffons.
Mais par dessus tout, merci pour Pea Soup. Bien que ce ne soit pas selon toi le moment le plus important de ton film, avec la scène qui suit, pleine de poésie involontaire, tu as fais pour la ruelle d'Hochelaga ce que Pierre Perreault a fait pour l'Îles aux Coudres. Je l'écoute une dernière fois à ta santé, pis avec des sous-titres en anglais à part ça, ironiquement, question d'envoyer chier le destin.
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