Entre une beuverie de karaoké et une transmutation, des documentaristes suivent son quotidien banal, ses relations ruinées. Tout ça ponctué de combats avec des kaijus plus nuisibles que dangereux et particulièrement étranges (l'un d'entre eux est un gros pied surmonté de la tête du comédien Riki Takeuchi, un habitué de Takashi Miike).
Ce qui fait le charme de Big man Japan, c'est la mélancolie qui accompagne le propos déconstructiviste du récit. En 1977, Robert Mayer, un romancier inconnu, écrivait un chef d'oeuvre de pathos suivant un super héros bedonnant, banlieusard à la retraite intitulé Superfolks. Loin de se douter que tous les grands du comic suivraient cette approche, d'Alan Moore à Grant Morisson, Mayer fut un des premiers à effleurer le thème avec le brio nécessaire pour convier autour des ces archétypes des petites tragédies de l'ennui. The Incredibles, The Sentry, Dark knight Returns...avant, il y a eu Superfolks. C'est précisément l'approche de Mayer qui est préconisée par Hitoshi Matsumoto, le réalisateur du film.
Il est tentant de comparer le film à Watchmen. L'approche est similaire. À l'idéalisme patriotique des années 60, on oppose l'indifférence cynique de notre époque. Au Japon comme partout ailleurs, le super héros n'inspire plus confiance. On ne le craint même pas. Les combats de Big man Japan bloquent les rues quelques minutes, coûtent des millions en dommages...et il doit faire des pieds et des mains pour que tout le monde puisse voir les publicités qui ornent son torse, question de payer pour tout ça. Son rituel de transformation sacré, jadis crucial, est désormais considéré long et fastidieux, vidé de son essence (l'allusion au Sumo est évidente).
C'est le crépuscule des idoles façon nipponne, la déconstruction d'un genre, la perte des idéologies, des repères et des traditions. Les héros du passé, déphasés moralement, n'ont plus leur place dans un monde qui est, tout compte fait, assez indifférent à sa propre survie. C'est aussi probablement une réflexion sur le cinéma japonais, qui doit se faire plus violent, plus bruyant chaque jour (symbolisé par les étranges kaijus) pour garder l'intérêt de son jeune public. Mais par dessus tout, c'est un film sur la perte de la mémoire, personnelle et collective.
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