mercredi 24 juin 2009

Geek Chronique de la Saint-Jean: Un Fnord sur les deux Solitudes

Le 7ème a la même fascination pour les Fnords de pochettes de film que pour ceux se tapissant dans les oeuvres. Selon nous, plus la pochette d'un film vous semblera banale et laide, plus elle est significative de quelque chose d'important, d'insidieux. Elle contient des vérités énormes sur nos sociétés tout en feignant l'innocence la plus totale, vous laissant croire à votre propre libre arbitre. Mais ne vous leurrez pas: une pochette n'est pas qu'un efficace moyen de promotion, c'est un outil idéologique violent cherchant à maintenir un certain statu quo dans vos cervelets, camarade, à votre insu bien sur. Il n'est pas question ici de conspiration à la mords moi le noeud, mais de simple utilisation de symboles puissants encourageant à la fois la vente d'un produit et d'idées. La plus grande réussite de toute compagnie, c'est de vous faire croire que ce constat est ridicule et parano. Un exemple hautement approprié et bien local:
Deux films de guerre sortis à quelques mois de distance l'un de l'autre. L'un est canadien, l'autre est québécois. Ce que ces pochettes disent des deux Solitudes est terriblement pertinent. Au delà du fait que le canadien est une grosse production grand public (c'est le film canadien le plus coûteux de tous les temps) et que le québécois est un film d'auteur (premier long métrage d'un jeune à peine sortie de l'UQAM), les pochettes sont pratiquement identiques. La police est sensiblement la même, les couleurs sont dorées cuivrées et évoquent une photographie ancienne. Les deux scènes dépeintes sur les pochettes sont crépusculaires et la faible luminosité semble provenir des amants (pays?) déchirés. La pâmoison des amants est presque identique, on devine que c'est la caresse avant un douloureux départ, mais ces départs ne sont pas les mêmes. C'est dans les détails que ça devient intéressant...


Dans Passchendaele, c'est l'appel au patriotisme canadien qui est exalté. Les soldats s'en vont bravement et lentement au combat, leurs silhouettes sont funestes, bergmaniennes et cette impression est accentuée pas leur déplacement vers la gauche, sorte de mouvement résigné mais nécessaire vers l'arrière, en pente descendante qui plus est. Il pleut à torrent sur les amants qui sont au dessus du ciel couvert et les soldats sont miroités par l'eau. Dans cette pochette, tout pleure le sacrifice de ces braves soldats canadiens. Le soldat est joué par un canadien, la femme par une québécoise; l'unité nationale est maintenue. Un petit tagline bien blockbuster pour scander le tout et voilà... Le message: la fierté d'être canadien, nation ayant participée au grand combat, ayant fait sacrifice.
La pochette de Le Déserteur nous montre un homme fuyant, mais c'est une fuite vers l'avant, à droite, bien volontaire. Là où le Canadien se sacrifie, marche et participe, le Québécois se sépare, court et fuit. Ses aspirations sont les mêmes (on veut rester avec sa blonde), mais ses convictions sont différentes. Il ne va pas à la guerre, son combat est ailleurs. Les autorités canadiennes expulsant les soldats vers la gauche dans Passchendaele poursuivent un déserteur vers la droite. Il fuit dans les bois riches et touffus, lieu de fertilité, en opposition au funeste décor de l'autre pochette. Subtilement, une exaltation "familiale" (pour ne pas dire carrément consanguine) typiquement québécoise est créée par la présence d'un acteur étant le fils ET ayant le nom composé des deux autres comédiens à droite. Un Québec tissé serré ça monsieur! Et le nom de Raymond Cloutier au beau milieu, position hautement appropriée. Pas de tagline américanisant sur la pochette, mais une simple critique . Le message: Le Québec ne se considère pas canadien, ses combats seront chez lui, en famille, ou ne le seront pas du tout.

Une pochette n'est jamais qu'une pochette les amis. Ce sont des idées. Et pour le meilleur et le pire, c'est avec des idées que l'on dirige un peuple dans la direction voulue.

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