Déclaration péremptoire: les maniaques d'horreur sont particulièrement friands d'anthologie sous toutes ses formes. Une tradition ancienne et vénérable qui remonte assurément aux l'histoire de peur au coin du feu. Tales from the Crypt, Creepshow, la série Master of Horrors. C'est logique quand on y pense: le cruauté se distribue très bien à petites doses, variées mais intenses. Les longues souffrances peuvent blaser et rendre insensibles.
Demandez à n'importe qui le Twonky qui l'a scarifié à vie (cliquer ici pour une explication exhaustive et pertinente de ce terme), je mettrais ma main au feu qu'il sera question d'une histoire provenant d'une anthologie d'horreur.
Toute bonne anthologie d'horreur a besoin d'une histoire centrale avec un narrateur captivant (demandez à Serling et au Cryptkeeper). C'est chose faite ici:dans le segment "narratif" réalisé par Jeremy Kasten (The Wizard of gore, le remake), un inquiétant automate joué par Udo Kier est l'hôte d'un spectacle dans un théâtre. Il introduit une femme visiblement abimée aux différent segments à l'aide d'autre automates. Creepy et classique à souhait .
THE THEATRE BIZARRE prend les principes surannés de l'anthologie au pied de la lettre...pour ensuite prendre la dites lettre et donner un papercut mémorable à la conscience du spectateur. Forcément, les six réalisateurs offrent une variété inégale de mutilations, mais leur inventivité est tellement opposée l'une de l'autre que le résultat est d'emblée saisissant. Douglas Buck, Buddy Giovinazzo, David Gregory, Karim Hussain, Jeremy Kasten, Tom Savini, Richard Stanley. Une ménagerie qui détonne ferme.
Mais surtout, SURTOUT, il faut selon moi pour ce type d'anthologie un thème unificateur. Tous ces films ont un point en commun et il est important. Le vecteur de l'horreur, de la vengeance, de la cruauté et la rédemption sont ici systématiquement des femmes. On pourrait jurer que TOUS les réalisateurs (excepté Buck) ont eu de sérieux problème avec les dames qu'ils avaient particulièrement besoin d'exulter. Séduction,manipulation, castration. On a devant nous un beau bestiaire de femme monstrueuses, un hymne débridé à la féminité meurtrière.Très Freudien tout ça.
Inutile de spécifier que ce film, intimement relié au champ de gravité qu'a développé Fantasia au cours des années, était particulièrement attendu. Le résultat était à la hauteur des attentes. Allons y en ordre:
THE MOTHER OF TOADS de Richard Stanley (Dust Devil).
Je suis un inconditionnel de Stanley, du réalisateur comme du praticien des arts occultes. Dust Devil est pour moi le grand film d'horreur Tarkovskien de sa génération et Hardware est un art-house Terminator pour déviants. Dans la salle, au moment de la présentation du film, Stanley avait vraiment l'air d'un chamane éthéré. Il était beau à voir. Sa fantaisie Lovecraftienne, si elle saisie bien le matériel de base d'Ashton-Smith dont elle est issue, est traversée d'humour et d'une ambiance qui rappelle plus les meilleurs épisodes de Tales from the crypt que le morceau d'anthologie d'horreur attendu dans Theatre bizarre. Son segment aurait peut-être été plus sa place dans l'anthologie Masters of horror à côté de ceux d'Argento et Stuart Gordon. La rencontre entre Stanley et les Grands anciens n'est pas le rendez-vous au sommet qu'on aurait espéré, mais elle est pulpy en diable et la créature Lovecraftienne, The mother of toads, est une grande réussite.
Je ne sais pas encore si ce segment se veut un hommage inconscient au grand Possession d'andrej Zulawski ou un simple succédané. Il bouleverse en tous les cas pour les mêmes raisons en utilisant les mêmes mécanismes. Un huis clos qui emmène un couple à se déchirer en accéléré pour une histoire de jalousie crisse vers un crescendo mémorable. De magnifiques éclaboussures de sang sur fond blanc, de la jalousie à revendre. La cruauté du personnage féminin est savoureuse. L'interprétation d'Andre Hennicke en émule de Sam Neill est assez solide. Reste que cet ersatz de Zulawski bien Sartrien (même le plan final est parfaitement calqué sur Possession) se prend comme une pêche bien juteuse avec une bourdon au centre.
WET DREAMS de Tom Savini (Night of the Living Dead ’90, maquilleur légendaire)
Surprenante entrée pour Savini, que l'on connait moins en tant que réalisateur. Peu loquace dans le salle, son film lui, est bavard à souhait, à l'instar de son personnage de psychiatre qui aide un homme (qui bat et trompe son épouse) à faire la différence entre le rêves (dans lesquels il semble coincé) et la réalité. Comme toujours, l'inventivité pour la torture et le sang font de Savini le Gore Vidal de l'hémoglobine. Dans ce département, il excelle toujours. Le récit onirique n'est donc forcément qu'une excuse pour balancer des morceaux de viande dans la gueule du public. Aussi profond qu'un canif dans le bide...qui fait quand même quelques dommages.
Par sa facture contemplative et son propos chargé de philosophie, c'est le segment qui laissera la moitié du public indifférent et qui bouleversera le reste pour des jours. Je fais partie du reste. Dans cet accident de la route où les acteurs sont une jeune fille, sa mère, deux motards et un buck (ohh la belle idée que voilà), il y a toute l'horreur et la tendresse du monde. Le gore y est forcément encore plus inoubliable puisque c'est le notre. Le film se permet même de nous donner quelques leçons existentielles. J'en suis encore sur le cul.
VISION STAINS du montréalais Karim Hussain (Subconscious Cruelty, La belle bête)
Damn, that Hussein is a nasty mutherfucker! C'est aussi un vrai dramaturge. Son segment possède des échos de tragédie grecque oubliée: une tueuse en série absorbe par des injections (montrer dans de magnifiques gros plans qui aurait fait bander Dali!) les souvenir de ses victimes . Une réussite en tout point. On y sent s'agiter quelque chose d'ancien et d'interdit. C'est profond, éprouvant et ça trouve le moyen d'être néanmoins gore à souhait. J'ai cru y voir une référence aux meurtres en série des femmes amérindiennes de Vancouver. Mais c'est peut-être juste moi.
SWEETS de David Gregory (Plague Town)
Pendant ce segment, ma voisine du siège de droite a quitté, profondément dégoutée. C'est toujours le signe d'une grande victoire pour un réalisateur, je crois. Sweets invite à la fuite mais il est tellement drôle et pervers qu'on en redemande (du moins c'est mon cas). J'étais rivé de bonheur sur mon siège. Une magnifique incursion dans une relation entre deux sploshers, (ces gens qui baisent avec, pour, dans et sur de la bouffe), une dominatrice et son esclave .Déviant à souhait. Le tout dans une ambiance surréaliste et extrêmement chargée de sensations, entre les détritus, les bonbons, les régurgitations et les entrailles. Vous me pardonnerez l'expression mais c'est définitivement le segment le plus léché et à lever le cœur à la fois. MIAM!
Le parfait point de suspension sur cette feuille tachée de sang de papercut qu'est THEATRE BIZARRE.
Merci du fond des viscères à tous ceux qui ont œuvré sur cette anthologie.
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