vendredi 23 décembre 2011

En célébration

Voici que la semaine achève, notre première semaine de vacances sans émission et sans comptes à rendre à personne. Je l’ai passé en sous-vêtement à jouer au Sega Genesis (console de plus de 20 ans) et que j’en vois pas un me juger là-dessus. C’est aussi durant cette semaine que l’univers se met d’accord sur une chose et cette chose doit être vécue dans l’impératif le plus absolu : c’est la fête de Francis, nous devons donc lui faire des offrandes digne d’un héros mythologique au casque d’or, ou à la cuisse légerte ça dépends à qui tu le demande. 

Chaque année nous revisitons les classiques : une peau d’humain tué (et tamisé) pour que Frank puisse se coucher dessus comme un pin-up sexy, un mouton à l’haleine chaude qui puisse souffler sur son front pour préserver sa chaleur ou un long bâton de bois avec les trois premières phrases du Quran inscrites dessus. Seules les offrandes les plus redondantes seront escortées à la porte car ceci est plus qu’un amoncellement de lettres forgeant un texte de qualité (argumentable), les mots qui s'approchent sont une offrande, comme du beurre clarifié que l’on coule sur le dos de Ganesh, que je fais à mon pote Francis. Cette offrande est publique, car à la manière d’une cérémonie faite en groupe, je crois fondamentalement que les hommages qui sont fait en publics propagent un plus grand sentiment de sacré. La prière isolée, comme celles que nous faisons toutes les semaines à Choq.fm, rempli la nécessité de son usage mais ici nous offrons quelque chose pour un des plus illustres des bipèdes. Trève de demi-mesure, the dude deserves the whole shebang!

Alors moi, qui n’a plus rien à offrir d’autre que ce qui est fabriqué de mes mains Tchekhoviennes et mon esprit galvaudé aux jujubes, je me suis mis les mains au jeu. Que l’inspiration des muses viennent gratter de la neige en face de chez nous à cinq heures du matin, je me réveille et offre ici une tergiversation typiquement 7eim antiquairiesque dans laquelle nous ferons l’analyse d’une pochette, mais pas n’importe quelle pochette, aujourd’hui nous parlerons de Mammuth de Benoît Delépine et Gustave Kervern.

Pour la petite histoire sachez que c’est durant l’année 2011 que le Francis Ouellette à commencé un emploi qui, pour moi, faisait amplement de sens considérant son talent pour la jonglerie symbolique, responsable de DVD pour FunFilm, Francis s’est vu daigner la responsabilité de la conceptualisation des pochette de films de la boite de  distribution, Mammuth n’est pas un sujet d’analyse anodin chois par hasard ou parce qu’il venait soutenir mes propos correctement, non. Mammuth est le tout premier film dont lequel Francis était entièrement responsable. Le DVD que je tiens dans mes mains est (un travail de longue haleine porté par plusieurs braves gens qui travaillent avec acharnement pour rendre ces titres disponible pour un public québécois) un produit 100% Frank the Bear (parce que oui : y’a un petit ours sur la pochette).

L’analyse qui suivra tentera de démontrer hors de tout doute que pour son premier DVD, Francis s’est donné dans toute sa splendeur symbolique pour livrer une présentation qui synthétise tout les grandes thématiques du film mais qui sert aussi comme rappel à son créateur. Dans les années à venir, lorsque des robots arriverons sur la terre glaciale et tenterons d’analyser les œuvres de ce cher fils de la Gaspésie ils découvriront que la clé de voute de toute sa création se retrouve dans cette pochette.   



Premier point d’analyse : Francis est Depardieu, mais pas vraiment Depardieu mais plutôt le rôle le plus important que Depardieu à eu de sa carrière. Francis est Cyrano de Bergerac. Maître de l’usage de la langue et des hanches, Francis Ouellette porte le masque divin de Cyrano. La filiation entre les deux hommes se manifeste par une présence plus grande que nature. Malgré que Depardieu est maintenant parfois vu d’un œil peu flatteur, il inspire toujours autant l’immensité de l’âme du bon vivant, les deux hommes vivent avec une force d’existence alimentée par l’art, je crois que d’avoir Depardieu comme tête d’affiche n’est pas un hasard, comme cette première arcane que l’on utilise pour entreprendre un voyage, Depardieu sert comme père spirituel, un homme qui n’a pas d’égal et qui sert comme incarnation d’un autre homme qui habite Môsieur Francis : Honoré de Balzac. (Ouf je suis allé loin avec celui-là, allez voir des photos des sculptures de Rodin, c’est un peu weird comment les deux se ressemblent dans leur posture.)


Deuxièmement : Mammuth lui-même, qui désigne la monture et le personnage en même temps, dans le cas de notre cher « roasté » nous pouvons appeler Francis « Bixi » Ouellette. Fuckin’ A.

La pochette est aussi un usage fort d’un des premiers préceptes filmiques que Francis m’a légué. L’usage de la direction du parcours pour représenter la quête du personnage. Je sais de source sûre que Frank regarde beaucoup les transitions horizontales qui se font dans un film car, comme il me l’a dit une fois : Un personnage qui roule en direction droite symbolise l’avancement, si le personnage roule vers la gauche, sa quête en est une de régression.

Regardons les grands exemples :

En plus d’avoir un Depardieu qui se dirige vers le passé (vers la gauche), voilà que notre cher Francis a habilement ajouté l’image de feuilles qui s’envolent au vent du déplacement  du personnage. Nous voilà avec un très beau double message rempli de sens. En mettant les deux figures ensemble on suggère que non seulement Mammuth recule vers son passé mais en faisant cela il se débarrasse aussi des mémentos de son vécu. Comme un Ishtar bedonnant, Mammuth revisite sa propre narrative tout en se débarrassant du poids de son passé, il se réinvente en conservant ce qui lui sera le plus utile sur sa route : le souvenir. Le voyage étant tout ce qui compte pour notre personnage, les traces de son histoire ne semble guère le préoccuper. C’est l’histoire qui compte, l’intériorisation des évènements et la possibilité de les avoir au bout de doigts et non pas empilés dans une commode. Le souvenir est la plus belle trace, sans trace, qui existe.

Pour un film qui met à l’affiche Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani et une chick qui s’appelle Miss Ming. Ajoute Francis là-dedans et t’a un casting Francophile de The Expendables. Si Frank avait un strike-team à monter pour une dernière mission, on peut être sur qu’elle compterait ces gens et peut-être Isaach de Bankolé.

Nous savons aussi fort bien que tout homme féru d’occultisme comprend l’importance de l’élément caché in plain sight. En véritable coup de théâtre derrière la première image, celle de la première impression, Francis nous ajoute une seconde image, plus large cette fois-ci qui sert de deuxième et troisième de couverture. Cette image, qui n’en est pas moins symbolique mais qui, cette fois-ci, évoque plus de sensations que de réflexions. L’image de l’intérieur, un Gérard qui semble géant avec son petit verre de blanc semble inconfortable à l’idée d’être vu, d’être pris en photo, nous avons à l’intérieur de la pochette un Mammuth plus intime qui a la pêche devant un honneur qu’il ne croit pas mériter. Son bras est aussi levé, en guise de protection. Si l’extérieur de la pochette nous présente avec un buffet réflexif, un assemblage intelligent de symboles à déchiffrer, l’intérieur, comme l’homme, est rempli d’une émotivité touchante et gênée. En ouvrant la pochette, il y a des sourires, des regards fuyants, des véritables camaraderies, des strates que l’on porte pour se protéger, des chips pis de la piquette. C’est aussi un lieu de regard vers l’extérieur car le groupe, regardant le photographe, nous regarde aussi, on sourit à moitié mais on est d’abord et avant tout inconfortable avec l’autre qui vient s’immiscer dans notre quotidien sans invitation. (je clos ici, le festival de la virgule)

Quand à sa thématique, la quête immense et Quichotesque d’un homme qui réclame un peu de cohérence dans son environnement, reçu par plus de chaos et de non-sens à chaque pas qu’il entreprend dans son voyage englobe plusieurs « dadas » de notre cher ours. La défaite de la bureaucratie Kafkaesque, l’inconfort des rapports sociaux (« vous avez quelque chose juste-là ») de  Muthafuckin’ LD et le culbutage dans les toilettes publiques sont des archétypes typiquement FrankOuellettiens (à ne par confondre avec la poésie FrankEtiennenienne)  et la scène (à la césure)  va sans dire si vous avez rencontré l’ours.
C’est avec moult analyse que j’arrive à la conclusion que la maxime « Un bon artiste copie, un grand artiste s’approprie » s’agence parfaitement bien avec le point que je tente de faire ici. Mammuth, malgré qu’elle soit l’œuvre de Benoît Delépine et Gustave Kervern, s’est véritablement fait intériorisé par le dude qui à pensé la pochette. Ce grand artiste de la verve iconographique s’est approprié cet œuvre et à pressé..wait for it…wait for it…la substantifique moelle du récit pour synthétiser les images les plus puissantes du film qui sont aussi un réflexion de l’homme qui en à fait l’agencement. On dit aussi que quand Paul parle de Pierre on fini par en savoir plus sur Paul que sur Pierre, allons voir ici que quand Francis Ouellette conçoit une pochette pour Gérard Depardieu on en comprend plus sur Francis que sur Gérard.  L’artiste ici se camoufle habilement, il laisse les symboles crier le nom de leur maître d’orchestre.

PS. Ah oui, y’à aussi la ligne « D’ailleurs…j’ai eu l’idée de faire un CV, avec du papier de toilette et le sang de mes règles ». Je crois foncièrement que Francis aurait voulu l’écrire cette ligne-là. 

samedi 10 décembre 2011

Notre émission du 7 décembre: ????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????

Notre saison 2011 tire bientôt à sa fin. Avant de terminer avec notre traditionnelle émission de cinéma de Noël, nous avons décidé de faire un échange de cadeau cinéphilique en onde. 
Je ne sais pas de quoi Jim va parler, il ne sait pas non plus ce que je vais évoquer.  Ce sera une surprise. Chose certaine, nous allons faire découvrir à l'autre un film magnifique dont l'autre n'a jamais même entendu parler et qu'il se doit de connaître. Par le fait même, on vous en fait cadeau à vous aussi, chers auditeurs.  Il est quasi impossible que vous ne fassiez pas au moins une découverte. 

Notre émission du 30 novembre: THE DEAD, dernier film de John Huston.

Pour nous écouter cette semaine, cliquer ICI
Regardez les sillons de ce visage. Ça n'a plus rien à voir avec des rides. C'est un paysage, ce sont des routes creusées par les souvenirs et les larmes. J'aime les visages comme ceux là, aux anfractuosités tellement riches qu'elles exigent une certaine topographie, un visage d'homme d'une autre époque, comme il s'en creuse de moins en moins de nos jours. 

John Huston a littéralement tout fait. Du cinéma, il est le pendant de Theodore Roosevelt et de Hemmingway. L'homme a vécu une vie riche et ample, comme plusieurs d'entre nous peuvent seulement en rêver, mais il avait la charpente, l'âme et les épaules pour pouvoir mener sa propre épopée jusqu'au bout.

C'est ce qui rend le dernier film de Huston un trésor inestimable. Filmé alors qu'il était mourant, THE DEAD est le dernier message d'un géant, les braises d'un homme qui a brûlé au maximum ses années. Avant de s'éteindre, Huston plonge dans sa conscience, il parle une dernière fois de ce qu'il a appris et de ses passions: James Joyce, l'Irlande, sa famille, les racines, la terre. 

Notre émission cette semaine parle de sa vie et de son dernier film, de l'Irlande et de Joyce, de la pluie et des souvenirs. 


mardi 29 novembre 2011

Notre émission du 16 novembre: Docteur Jekyll et Mister Hyde-la créature la plus importante de l'histoire du cinéma?

Cliquer ICI pour écouter notre émission sur le sujet
Vous excuserez la formule pompeuse et péremptoire de notre émission cette semaine. N'en demeure pas moins que la question mérite d'être posée. 
Il est tout a fait normal que le cinéma ait fait de Dracula et du monstre de Frankenstein un duo complémentaire. Cela dit, même dans ses incarnations modernes, Dracula reste une glorieuse relique qui n'a que très peu de chose à dire sur son époque. Le monstre de Frankenstein est une figure résolument moderne. La création de Shelley était faite sur mesure pour le cinéma. Le 7ème art n'est-il pas lui même une créature composite et morcelée, longtemps à la recherche de son créateur? Pas surprenant que la première adaptation au cinéma nous provienne d'un autre savant fou et mégalomane, Edison, le "père" du cinéma. (cliquez sur l'image du bas pour écouter notre émission sur le monstre de Frankenstein au cinéma)
Toutes les problématiques de la science moderne sont engoncées dans  le monstre de Frankenstein: génétique, éthique des expérimentations, quête d'immortalité, acharnement thérapeutique.

Le 7ème a toujours trouvé que Dr. Jekyll et Myster Hyde faisait pour la psychologie, la psychiatrie et la psychanalyse ce que le monstre de Frankenstein faisait pour la science et la médecine. En fait, Mister Hyde est d'emblée une créature de pure modernité, complémentaire à Frankenstein. Les thèmes parlent d'eux même: toxicomanie, répression des pulsions, meurtres en série, dédoublement de personnalité. Lutte des classes également

Cette semaine, nous faisons un survol personnel de nos adaptations préférées, de la première à la dernière, des grands inconnus. Son évolution a travers les décennies, ses incarnations modernes. 
Des origines, avec John Barrymore en 1920... 
Jusqu'aux adaptations improbables... Une surprise de taille: un blaxploitation de William Crain, réalisateur de Blacula, intitulé Dr.Black, Mr.Hyde (1976). Savoureuse ironie, le film de Crain, volontairement ou non, remonte aux sources de la nouvelle de Stevenson avec beaucoup plus de pertinences qu'on pourrait ne  le croire. Il remonte aux fondements même du cinéma, en empruntant par ailleurs beaucoup à King Kong (Tarantino aura pris ça là, c'est clair!) 

Ken Russell: Bye bye black bird!


Merci, Ken Russell, 
Pour les nombreuses leçons de cinéma et de désobéissance que vous nous avez donné. Merci Mr.Russell, pour l'indicible humanité de THE DEVILS, la chaleur d'une scène de lutte dans WOMEN IN LOVE, celle d'une nuit d'orgie dans GOTHIC, pour votre amitié avec Oliver, que j'imagine être le Klaus Kinski de votre Werner Herzog, pour avoir refait la tragédie grecque avec un Pinball machine...
 
Et surtout, surtout, merci pour les pérégrinations intérieures du Dr.Jessup dans ALTERED STATES. 
Oliver vous attend quelque part avec une grosse pinte (que dis-je, une dizaine de stout dont la broue sont des nuages gorgées de tempêtes...

Jim et Francis

dimanche 13 novembre 2011

Notre émission du 9 novembre: Death bed:the bed that eats-le chef d'oeuvre inconnu

Cliquer ici pour écouter notre émission cette semaine

Cette semaine, le 7ème antiquaire vous fait visiter la section du lit.

Le lit.

Théâtre à la fois vaste et étouffant de nos plus grandes tragédies, de la naissance à la mort, du plaisir à la souffrance.

Le lit.

Une porte vers l'autre monde, peuplé à la fois d'anges et de démons. L'embarcation, le véhicule. Le mince voile, la large voile  dans lequel on se couche et se cache.

Le lit.

Avec ses monstres en dessous, Morphée au milieu et une foule au dessus.

Le lit au cinéma.

Endroit horrible oû les cauchemards prennent vie. La petite Regan Mcneil attachée. Jason Vorhees en dessous. Freddy Krueger dans le matelas. Les portes de l'enfer maculées  de  Hellraiser.
Espace d'exploration des fantasmes. Le monolithe de 2001, lit de camp de tous le genre humain.

Au cinéma, le lit n'est jamais simplement un lit. C'est encore et toujours le rideau du théâtre des rêves.
Il y a eu beaucoup de lit au cinéma, mais aucun de plus profond que le DEATH BED de George Barry.
Chef-d'oeuvre inconnu d'une surréalisme sans compromis, DEATH BED: THE BED THAT EATS fait avec le lit ce que L'ANNÉE DERNIÈRE À MARIENBAD faisait pour la villa. Le film de Barry est sans aucun doute  la plus puissante méditation existante sur l'onirisme au cinéma: le montage elliptique et traversé de non-sequitur, la grinçante musique protoindustrielle, le jeu décalé des personnages, les couleurs rappelant le Bergman de CRIES AND WHISPERS.
Mais surtout, ce lit possédé d'un démon qui fut jadis un arbre et une brise, puni d'avoir trop aimé, qui mène une guerre à un esprit enfermé dans une peinture.
DEATH BED et son lit sans fond menant vers un enfer gastrique oû tout est digéré, les rêves, les gens et les aliments.
DEATH BED le chef d'oeuvre oublié d'un artiste consummé par ses propres cauchemars, une Gérard de Nerval de la pellicule.

Notre émission du 2 novembre: Le Suicide au cinéma

Clique sur la photo avant que le petit mec ne crève pour écouter notre émission.
Cette semaine, comment se tuer  au grand écran! Chic alors!

Petit abécédaire des méthodes les plus prisées, des variantes culturelles et autres évocations trucculentes sur le sujet.

Aussi! Une liste des plus beaux suicides du grand écran, méthode par méthode!

Parce que se tuer, au cinéma comme dans la vie, est un art!

Notre émission du 26 octobre-Spécial Halloween:THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW-la totale!

CLIQUER ICI pour écouter notre émission! Allez! Qu'est-ce que tu attends? Tu sais que tu en as envie! Fais le!
Don't dream it...be it!
Let's do the time warp again, shall we?

Pour Halloween, le 7ème antiquaire se fait enfin son émission sur
THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW!

LE FILM-CULTE: Tout ce que vous devez savoir sur sa genèse, ses inspirations et son importance! L'introduction parfaite pour le néophyte!

LE FILM DE CULTE: Comment le film est devenu un phénomène culturel sans précédent! Le cinéma comme  outil de célébration et d'euphorie! Les méthodes et les techniques!

LE FILM OCCULTE: Les aspects philosphiques du film, ceux qui vont aux fondements même du renouveau occulte britanique! Le film en tant que pamphlet magicke exhaustif! Même le plus ardents des exégètes y trouvera son compte! 

Let's get caught in a celluloid jam!

dimanche 30 octobre 2011

Pinhead, my own personal demon: mon entrevue avec Doug Bradley

(Cette entrevue est initialement parue sur les sites de l'émission LES MYSTÉRIEUX ÉTONNANTS dans le cadre d'une couverture pour le Montréal ComicCon 2011)



Dans quelques minutes, je vais rencontrer un démon qui hante mes cauchemars depuis plus de 18 ans. Doug Bradley. Pinhead, figure impériale de la franchise des HELLRAISER. Je suis terrorisé. Je sais que je vais rencontrer l’acteur, mais je sais aussi que cette créature qui me fascine vit en lui.

Je fais une blague au public pour me détendre: D’une voix grave, j'échappe un “YOU opened the BOX…HE CAME…” Le gens ricanent. Je suis toujours aussi nerveux.

 Des années durant, Pinhead m’a suivi de très près dans mes songes. Au début tel un monstre sous le lit, ensuite, comme un totem, un archétype, jusqu’à devenir un démon intime. Je suis, il va sans dire, obsédé par HELLRAISER, Clive Barker et les Cénobites. Les minutes s’étirent. L’attente est déchirante. La porte s’ouvre, il entre.

Sa démarche est reconnaissable entre milles. Elle est souveraine, rien de moins. Un frisson me traverse l’échine. J’entends les notes de carillon de la trame sonore de Christopher Young. Bradley s’assoit. Je regarde son visage qui est traversé de rides profondes qui forment véritablement une grille sur sa tête chauve. En vieillissant, il ressemble de plus en plus au démon qu’il incarne depuis plus de 20 ans.
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En fait, tout le long de l’entrevue, je serai incapable de dissocier dans mes questions l’acteur et sa création. Malgré moi, je m’adresserai souvent à lui en tant que Pinhead. Ma bouche est pâteuse. Je l’ouvre péniblement. L’entrevue commence. Time to play!

Francis Ouellette : On l’appelle le Prince des larmes et le Pape de l’enfer. Il a incarné un des créations les plus reconnaissables de l’histoire de l’horreur; il la jouera pas moins de 8 fois au cinéma -9 si on inclus le vidéoclip de Motorhead où il fait une apparition...
Mais Pinhead n’est pas un banal slasher ou un autre monstre démoniaque. Il est raffiné, élégant…il a tout le temps du monde. En fait, avec le Dracula de Christopher Lee, il est selon moi une des plus importantes créatures l’histoire du cinéma. À l’instar de ce dernier, il a créé un démon traversé de mélancolie et d’une gravitas proprement shakespearienne.
Il est aussi pour moi un cauchemar privé. Pendant pas moins de 18 ans, j’étais visité dans mes rêves par votre personnage, qui prenait un malin plaisir à me suspendre à ses crochets et à me déchirer la chair de manière inventive à tous les soirs. Pendant des années, j’ai même entretenu des conversations avec lui. Je voulais vous remercier d’avoir été mon démon personnel et de m’avoir donné ces magnifiques cauchemars. (Je le regarde me regarder... 
Il a ce demi sourire qu’il prête toujours à son personnage. Je pense que je me suis un peu pissé dessus en le regardant).


Mesdames et messieurs, a demon to some, an angel to others, Doug Bradley, Pinhead en chair et en fer…


Doug Bradley : Continues! J’adore ça. (Sa voix…sa putain de voix magnifique me fait peur)


F.O : Mr. Bradley. Quand je pense à votre personnage, je pense à son omniprésence dans la culture de masse. Pinhead est partout; des films, des comic-books et des figurines. Vous allez même devenir le Boss final dans un jeu vidéo de combat avec tous les grands slashers du cinéma, TERRORDROME!
D.B :Je n’ai jamais été payé pour ça!


F.O : Parce que c’est un jeu fait par des fans!


D .B : Ah les fans! Si ce sont les fans alors…


F.O : Votre personnage est maintenant plus qu’un monstre de film d’horreur…il est devenu un symbole…Quel effet ca vous fait, par exemple dans une convention comme celle ci, de vous voir partout?


D.B : Ce qu’il y a de fascinant avec Pinhead, c’est une perspective qu’a toujours partagé Clive Barker en ce qui concerne notre création, c’est que lorsqu’un personnage devient assez captivant, il prend vie en quelque sorte et échappe à ses créateurs. Il est vital de se dissocier mentalement de l’idée du personnage à ce moment là, qui devient un concept pur. Pinhead fait désormais partie du cauchemar collectif. Il nous a complètement échappé. Il existe par lui même et nous ne faisons désormais que donner chair à un personnage qui a une personnalité propre.
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F.O : Est-ce que Clive Barker et vous tentiez de donner chair une idée plus profonde et ancienne? Il semble parfois que votre interprétation de Pinhead va aux sources même d’une expérience occulte, comme si vous vous laissiez posséder par quelque chose, un concept, une idée, celle de la Douleur incarnée? (Je suis fébrile en ce moment)
)
D .B : C’est un chose particulière. Pinhead est VOTRE vision de ces concepts. C’est vous qui lui avez attribué ces traits. Je peux le voir ici même au ComicCon de Montreal; il représente quelque chose pour toute une communauté. Les amateurs d’horreur forment collectivement une extraordinaire créature que je côtoie depuis 22 ans. En gardant ce personnage et ce principe bien vivant, il faut être conscient qu’il y a un prix à payer. On ne peut faire ça sans vous parce qu’on le fait pour vous. Donc, voilà…je vous en remercie et je vous aime tous. (Tonnerre d’applaudissements)

F .O: Vous parliez du besoin de se dissocier de son personnage, ce qui est une part cruciale du travail d’acteur. D’un autre coté, Pinhead est un autre type de personnage; il est l’incarnation d’un concept assez puissant, le plaisir et la douleur entremêlée. Vous êtes devenue une icône de la culture populaire, mais aussi une icône de la contre-culture : des gens vous vénèrent au Japon comme si vous étiez un véritable démon. Pour ma part, quand j’étais plus jeune, je ne pouvais pas croire que vous n’existiez pas. C’était comme si vous étiez possédé je vous dis! 


 
D.B : (il me regarde comme si j’étais complètement taré) Oookk…(Silence. Des rires dans la salle) Je…je ne sais absolument pas comment répondre à cette question…parce que tu me demandes COMMENT j’ai fais ce que j’ai fait…peu importe comment j’ai fait ça, il semble que j’ai fais quelque chose correctement (il étouffe un ricanement dans sa gorge)! Durant ta première journée sur un plateau, tu ne sais pas ce qui va se passer; tu prends position et tu espères que ce que tu as visualisé dans ta tête fonctionne….mais en même temps, il y a quelque chose…un peu comme un chanteur qui approche de son micro ou un peintre qui s’approche de sa toile… tu es dans le mystère total. Tu espères que tes idées seront communiquées au public. En bref, si tu me demandes ce qui je faisais quand je jouais Pinhead…je ne sais vraiment pas…(avec intensité)
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J’ai fait des recherches…qui sont forcément limitées quand on parle des Cénobites, pour être franc! Il n’y pas vraiment d’endroit ou tu peux aller pour les observer au boulot! Du moins, je l’espère. J’ai eu l’avantage de pouvoir être en étroite collaboration avec Clive Barker et d’avoir le type d’indications qu’il est vraiment le seul à pouvoir donner. Je regardais des numéros de la revue Piercing fans international quaterly.
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Ne perdez pas de vue que les modifications corporelles étaient beaucoup plus rares à l’époque qu’elles ne le sont maintenant. Si c’est courant maintenant, ça l’étais moins à l’époque. Cette revue était dédiée à des gens qui appréciaient mutiler et percer , je précise, chaque centimètres disponibles de leur…chair.  (Il prend une grande respiration). Tout ce qu’il me restait à faire était de laisser ces images macérées dans ma tête…et lire le scénario encore et encore et encore…parce qu’au final, pour un acteur, il n’y a qu’un immense saut de l’ange à faire (on remarquera que les choix lexicaux de Bradley sont presque inquiétants). Il te reste à espérer que…(il hésite) Vous savez, j’ai travaillé avec Clive pendant 10 ans, et j’ai joué bien avant avec lui au théâtre des personnages qui n’étaient pas si loin de Pinhead ...
J’ai rencontré Clive au Lycée. Nous nous connaissons depuis 40 ans. Je le connais à fond…je sais ce qui…au moment de créer HELLRAISER, je le connaissais depuis 20 ans. Je connaissais à fond le panorama de son imagination.
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En lisant le scénario, je savais tout de suite quelles était les sensations qu’il voulait générées avec Pinhead. Je n’ai eu qu’une seule indication de lui durant la première journée de tournage : C’est bien…mais fais en le moins possible. Je m’adaptais et il me disait « c’est très bien. Ça fonctionne bien. Mais fais en moins! ». Il était satisfait, mais me demandait toujours d’en faire le moins possible. Ce qu’il essayait de faire, c’est de m’aider à m’habituer au maquillage…si je ne fais pas la moindre expression faciale, avec ce maquillage et les yeux noirs…sur un écran gigantesque, pas besoin de plus. Il m’a toujours dit que Pinhead, comme tu en a fais mention tout à l’heure, n’est pas qu’une simple monstre qui chasse et tue ses victimes.  Il faut vouloir le rencontrer : il faut trouver la Configuration des lamentations (le Cube qui ouvre les portes de l’enfer dans la mythologie de Hellraiser), réussir le puzzle avec les motivations appropriées et même dans ce cas, Pinhead aime avoir un brin de conversation avec toi avant de déchirer ton âme, de sortir ses chaînes.
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J’ai toujours dit que Pinhead est une image de souffrance reçue les bras ouverts. Étrangement, ca m’a pris beaucoup de temps avant de me rendre compte qu’il y avait un autre endroit où je pouvais aller pour avoir une idée associative d’un homme avec des clous dans la peau…et c’était évidemment Jésus. Mais c’est une idée que je n’avais pas saisie d’entrée de jeu…c’est comme la crucifixion sur le speed!
   
 C’est cette idée de souffrance reçue qui dit tout, comme si Pinhead disait aux gens qui le regardent : Regardez ce que je me suis fais à moi-même ou plutôt regardez ce qu’ils m’ont fait. Ce sont les marques que je porte sur moi pour toujours…Maintenant, imaginez ce que je peux VOUS faire… (à ce moment, je regarde Bradley en retenant mon souffle et en ne clignant pas des yeux…ce qui a pour effet d’embuer mes yeux. Des gens dans la salle devaient penser que je pleurais) C’est cette aura de menace qui le suit partout. Cette aura, je vais la chercher dans ma relation avec le maquillage (impossible de ne pas comprendre avec ses propos la puissance que ce rituel de transformation doit conférer à son interprétation). J’ai un visage très expressif mais Clive me disait toujours que je devais avoir le visage d’un mort. C’est difficile en tant qu’acteur parce que ca nous donne l’impression de simplement réciter nos lignes en restant immobile mais c’est comme ca qu’il fallait le jouer.
F. O : J’ai lu une ligne magnifique à ce propos. Vous évoquez l’idée d’une figure christique C’est ce que vous avez toujours incarné selon moi, un ange pour certain un démon pour d’autre. Vous avez donné une certaine Grâce et une beauté à votre personnage. Ce qui me fait penser à cette ligne que vous avez évoqué voilà quelques années, pensé par Clive Barker…vous tentiez d’attribuer un passé au personnage : avait-il déjà été humain jadis? À l’époque nous ne savions pas que c’était le Capitaine Elliot Spencer qui avait été transformé en Pinhead. La ligne disait  « Interprètes le personnage comme s’il lamentait  la perte de son humanité"
 »
D.B : Oui tout à fait. Quand je me suis retrouvé seul avec le costume pour la première fois, deux décisions furent prises. En fait,  regardez sur l’édition spéciale du DVD 20ème anniversaire d’Anchor Bay, l'image de Pinhead du verso… ils ont extirper cette photo, accidentellement, je crois, dans leur infini sagesse, d’une séance de photo préliminaire.
    On peut y voir un vilain pli dans le latex de mon cou. Je ne faisais justement pas ce mouvement à la caméra pour que l’on ne voit pas ces plis, ce qui accentuait la démarche et les mouvements particuliers du personnage. Je tournais tout mon corps, mais jamais ma tête. Vous pouvez voir sur cette photo préliminaire que le masque avait des véritables épingles (des pins), ce qui était bien sur photo, mais trop peu visible à la caméra. Ils ont donc décidé de changer ces épingles pour des petits et longs clous, comme on peut les voir dans le film. De plus, Clive considérait que mes jolis yeux bleus atténuais la menace…j’ai donc porté des lentilles de contacts noires à partir de ce moment.

J’ai toujours dis que j’ai trouvé la nature de mon personnage en m’observant dans le miroir avec mon maquillage pendant 20 minutes (bonjour le rituel). Je suis couvert de la tête au pied d’objets étrangers. Évidemment, le maquillage conjure plusieurs impressions mais la plus importante, je trouve, c’est la mélancolie. Je savais pour en avoir parler avec Clive que Pinhead avait été humain mais nous ne savions pas quand à ce moment là…ce pouvait être depuis hier, depuis une semaine, depuis des années, des milliers d’années. La mélancolie provient de ce sentiment. Ce qui explique aussi pourquoi Pinhead est invariablement attiré par l’interaction avec les humains. Il se nourrit ainsi de cette humanité perdue. De là vient sa fascination.

F .O : Cet aspect a d’ailleurs été conservé au delà des films. Il y a une série de comic-book actuellement écrite par Clive Barker. C’est la première fois depuis longtemps qu’il fait l’expansion de sa propre mythologie de quelconque manière. Dans cette série, vous (je me rend compte de mon erreur. Je me reprends et Bradley me remercie d’un léger hochement de tête)… Pinhead tente littéralement de redevenir humain et de trouver un remplaçant à ses fonctions infernales. Pour cette raison, il y a littéralement une tension entre lui et le personnage de Kirsty Cotton, similaire à celle qu’il y a entre Hannibal Lecter et Clarice Starling…
.    
D.B : Mais cette tension était là au tout début! J’ai toujours perçu la relation entre les deux comme ça.

F .O : C’était à même le scénario?


D.B : Il suffit de voir le relation malsaine qu’elle a avec son père Larry dans le premier film. Sa relation avec Pinhead en est l’inversion, en tout point. La ligne en leitmotiv Come To daddy est une évocation directe de cette relation. C’est une ligne inconfortable…


F .O : Time to play, également, qui est  directement reliée


D.B :So eager to play…


ENSEMBLE : …So reluctant to admit it! (Je frissonne en écrivant ceci)


F .O : (Je ris de joie nerveusement) Nous sommes tellement chanceux en ce moment! Votre personnage…parce qu’il l’est en quelque part, vous avez forcément mis beaucoup de vous en lui…


D .B : J’espère que non…


F .O : Disons le côté sombre de vous-même…il y a un aspect du passé hypothétique du personnage de Pinhead qui ne concerne que vous? Quelque chose qui ne vient pas du tout de Clive Barker et de sa mythologie?


D.B : Pas consciemment. On dit que l’on met un peu de soi dans tous les personnages que l’on interprète et qu’une part d’eux nous habite à jamais, ce qui m’inquiète un peu. Pas consciemment. Mais s’il y a quoi que ce soit qui m’a habité, ce sera probablement le fantôme de mon grand-père. C’était un pasteur baptiste et écossais, d’allégeance fondamentalement calviniste…un vrai mystificateur! J'ai cette vision de lui, quand il marchait  vers l’autel dans sa robe noire et je me disais, tout à fait consciemment « Hell! Ça a l’air amusant!  J’aimerais faire ça!». Je ne voulais évidemment pas être un pasteur, mais c’est la théâtralité de la chose qui me donnait envie. S’il y a quoi que ce soit que je suis allé chercher dans mes souvenirs, c’est cet élément de pouvoir assumé que se donnent les ecclésiastes et le théâtre de la religion, qui me fascine encore à ce jour. Je suis allé aujourd’hui à votre basilique. Je me décris toujours comme un athée religieux, un athée spirituel. Je rejette en bloc absolument tout de la religion organisée mais je ne peux pas NE PAS entrer dans une bonne église catholique, surtout s’il y a des os de saint à l’intérieur! Votre basilique est à se pâmer! C’est un édifice magnifique où toute la théâtralité de la religion prend son sens. 
   
F .O. Belle ligne, le théâtre de la religion! Ces aspects sont d’ailleurs présents dans l’univers de HELLRAISER, qui est en quelque sorte une inversion des principes chrétiens, une mascarade de syncrétisme… mais ce ne sont pas des démons à proprement parler…


D .B : Non. L’enfer de HELLRAISER est une autre dimension et n’a rien à voir avec l’enfer judéo-chrétien. Il n’y est jamais question de Satan, de Dieu, de damnation ou de Salut. Pinhead a une ligne dans HEllBOUND où il parle à Kirsty qui cherche son père en Enfer et lui explique qu’il est dans son Enfer personnel
.
(à ce moment, on attend le bruit irritant, inapproprié et improbable d’un véritable R2D2 qui passe par là!)

Dans HELLRAISER, nous créons nous même notre propre Enfer et notre Paradis.


F.O : N’aviez vous pas détruit un putain de robot dans…


D .B : (singeant l’impatience ) Est-ce que je me fais interrompre en ce moment pas R2-D2? (rires) (Wow…Pinhead VS R2-D2!!!!!!!)


F.O : Ouais exactement! Et je me souviens de vous avoir vu détruire un robot dans le quatrième film de la série donc…laissez vous aller (il rit)! Je vais vous poser une question de cinéphile un peu pointue…la plupart des gens de ma génération ont découvert récemment le grand film de Ken Russel THE DEVILS.


D.B : C’est son chef d’œuvre. (des applaudissements dans la salle). C’est probablement son seul bon film…Il a fait des merdes, mais THE DEVILS est du travail de génie.


F.O : Je me disais que le film avait du faire un impact considérable en Angleterre?


D.B : Oh oui…en fait, je l’ai vu au cinéma avant qu’il ne soit interdit…


F .O : J’imagine que ce fut probablement le cas aussi pour Clive Barker?


D.B : Oui effectivement…


F .O : Je me suis toujours dis que vous aviez du voir le film ensemble. Était-ce le cas?


D .B : C’est fort probable! Nous allions beaucoup au cinéma ensemble,  pour voir des films d’horreur. C’est plus que probable que nous l’ayons vu ensemble.
.
F .O : J’ai toujours trouvé qu’il y avait énormément de ce film dans HELLRAISER et qu’il avait du vous inspirer tous les deux directement. Il y a même un personnage qui s’appelle le Père Mignon qui vous ressemble un peu, qui est comme une sorte de Pinhead avant l’heure; il bouge comme vous et qui aussi les mêmes lignes que vous!
!

D.B : C’est vrai. Avec ce visage long et magnifique. Je ne pense pas que Clive désavouerais l’influence. C’est très certainement le cas, même si je ne veux pas me prononcer pour lui.


Yoann : Est-ce difficile de porter le maquillage durant de longues heures?


D.B : J’ai mes bonnes et mauvaises journées! J’ai une relation amour-haine avec lui. Le rituel de transformation est excitant mais…c’est aussi un labeur. C’est quatre heures de boulot. Performer devant la caméra n’est pas un problème, mais exister toute une journée dans ce costume est aliénant. Étouffant même. Les longues heures d’attentes entre les scènes…c’est mauvais pour les idées et ca joue sur le moral gravement. Tu voudrais simplement l’arracher quelques heures et être toi même.  J’ai appris en parlant à Robert Englund (l’interprète de Freddy Krueger) que nous avions le même problème : nous sommes incapables de rester seul dans ce costume mais nous ne pouvons pas non plus être entouré de trop de gens. On devient des nomades pendant les tournages…on erre.  On se perd dans nos pensées. Ce qui n’est pas inapproprié pour jouer ce personnage. Gary Tunniclife, celui qui a fait le maquillage des 5 derniers HELLRAISER, sait que j’aime être sur le plateau mais que je disparais soudainement quand le moment du maquillage arrive. Il me connaît bien. L’odeur de latex et de la colle est horrible…le premier jour est toujours difficile et il n’est jamais productif.


F.O : Le maquilleur Gary Tunicliffe a d’ailleurs réalisé un court-métrage où il interprète Pinhead! Ça raconte les derniers jours du personnage dans un futur apocalyptique où il n’y a plus de vie sur terre. Ça devait être étrange de voir votre maquilleur jouer votre 
personnage non?
D.B : C’était étrange. Il l’a fait sans jamais m’en parler.


F .O : (Ce n’est pas l’opinion de Tunnicliffe : Bradley aurait refusé de le faire gratuitement). Vous êtes sur que vous n’en avez jamais parlé?


D .B : Un peu disons…mais j’étais une peu fâché contre lui à ce moment là.


F .O : Que pensez vous de son nouveau design pour le personnage?


D.B : (impatient) Encore, je ne sais pas pourquoi il a fait ça! C’est devenu un feu de broussaille ce truc; tout le monde était persuadé que c’était le design du Pinhead qu’on verrait dans le remake…c’est absolument faux. C’était juste Gary qui voulait déconner. Faudrait lui demander pourquoi il a fait ça…
F .O : Pascal Laugier, le fameux réalisateur du film MARTYRS  a été quelque temps associé au remake…

D.B : oui mais avant, c’était les deux réalisateurs du film À L’INTÉRIEUR…


F .O : Oui…Alexandre Bustillo et Julien Maury…Vous n’avez jamais été approché par aucun d’entre eux?


D .B : Jamais. 4 ans ont passés depuis l’annonce de ce potentiel remake et personne ne m’a contacté. DIMENSION ne me parle jamais, de même que la longue liste de réalisateurs attribués au projet…(avec gravité) Je suis irrémédiablement opposé à l’idée de tous ces remakes… à quelques exceptions près. Je pense que celui de  THE CRAZIES était très bon (vraiment?) et meilleur que l’original. Je viens juste de voir la production de Del Toro, le remake DON’T BE AFRAID OF THE DARK, qui était à l’origine un inquiétant petit téléfilm, mais qui n’étais pas particulièrement bon. C’était plutôt bien. Si vous allez sur mon site web, Doug Bradley.com, vous pouvez trouver un t-shirt donc le design est de ma copine, Steph qui est à ma table. La ligne qu’on peut y lire m’est venue à l’esprit durant une conférence comme celle-ci, autour de la question des remakes. J’ai pris la ligne du film original « No tears please…it’s a waste of good suffering » et j’en ai fait « No remakes please…it’s a waste of good celluloïd! » (applaudissements)


F.O : J’en veux un? Vous en avez ici?


D.B : Non…je n’ai pas pu emmener mon livre non plus parce les douaniers canadiens sont des putes…On ne peut rien apporter dans ce putain de pays! Allez sur mon site…


F .O : J’imagines que vous n’auriez pas été intéressé à jouer dans le fameux crossover entre Michael Myers et Hellraiser qui fut une rumeur pendant des années, le mythique HELLOWEEN?

D.B :Qu’est-ce que te fais dire ça?


F .O : Je conviens que ce n’est pas un remake…


D.B : J’y aurais participé pour deux très bonnes raisons. Des années avant FREDDY VS JASON, il y a eu deux très solides propositions pour un HALLOWEEN-HELLRAISER. DIMENSION a rejeté les deux, considérant de toute manière qu’un film de FREDDY VS JASON se planterait. Il se sont trompés bien sur. Le films est resté en première position au box-office pendant deux semaines.  Évidemment, les Weinsteins ont changé d’idée à ce moment là. Les raisons pour lesquelles ce projet m’enthousiasmait, c’est que Carpenter l’aurait réalisé et Clive l’aurait écrit! Tu peux parier ta putain de vie que j’aurais été dans ce film!


F .O : Ces deux mythologies auraient fonctionnées parfaitement ensemble.


D.B :J’ai eu une conversation avec Clive à ce sujet. Il est clair que l’idée d’un combat véritable serait ridicule, mais par contre, le mélange des deux environnements auraient été fascinant. Considérons le fait que Michael est un meurtrier de masse, psychotique, fou et déviant sexuel… il est clair qu’il aurait intéressé Pinhead! Selon moi, un aspect est malheureusement absent dans le remake de Rob Zombie. Il n’y a malheureusement plus rien de surnaturel autour du personnage. HALLOWEEN n’est pas qu’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps, c’est une leçon de cinéma. J’ai toujours trouvé que HALLOWEEN fonctionne bien parce qu’il est comme un bon film de DRACULA, où le personnage du Dr. Loomis joué par Donald Pleasance occupe la fonction de Van Helsing. Son énergie à essayer de faire comprendre aux gens le danger qu’il représente est contagieuse. C’est effrayant quand Michael se fait tirer dessus et continus de marcher! C’est une créature surnaturelle. Dans le film de Zombie, il n’est qu’un petit morveux gigantesque avec une attitude et un masque rapiécé. Il ne faisait plus peur du tout. Je voulais le voir crever une fois pour toute tellement il m’ennuyait. Crèves sur le sol, sale mioche! Désolé Rob, je t’adore mais pas ta version de HALLOWEEN.


F.O : Saviez-vous qu’on avait écris un fin alternative de FREDDY VS JASON où vous apparaissiez?


D .B : (il perd patience) Tout le monde me parle toujours de ce truc!


F.O : Mais c’est normal! C’est fascinant!


D.B : C’EST fascinant mais c’était impossible que ca se passe! NEW LINE sont les propriétaires de Freddy et Jason et MIRAMAX, DIMENSION, Les Weinsteins ont les droits de HELLRAISER. Ils ne pouvaient pas faire ça et ils ne l’auraient pas fait.
La raison pour laquelle HELLOWEEN n’a pas vu le jour, ce que Mustapha Akkad, le producteur du premier HALLOWEEN est mort dans une explosion terroriste en Syrie. La famille d’Akkad avaient gardé suffisamment de contrôle sur la production de la franchise pour faire perdurer ses dernières volontés…et il ne voulait absolument pas que ce film existe. Ce qui a totalement tué le projet.


F .O Nous avons du temps pour une dernière question. Nous voulons vous voir encore jouer Pinhead, nous avons BESOIN de vous voir le jouer à nouveau et nous sommes prêts à nous battre s’il le faut. Est-ce que vous voudriez jouer dans des films de fans ou d’autre types de production en marge?


D.B : Nous n’avons pas parlé de HELLRAISER :REVELATIONS hein?.  J’imagine que vous connaissez?
(Doug Bradley aperçoit à ce moment là, assis seul sur une chaise, un ourson en peluche blanc déguisé en Pinhead)


D.B : (en le pointant) À qui est cet ourson?


Une Fan : C’est pour vous…je l’ai fais moi même!


D .B : (Il se fait doux). Il est mignon! Merci beaucoup! (long silence inconfortable). J’ai reçu un coup de fil concernant ce film. Quelqu’un c’était rendu compte qu’il était sur la point de perdre les droits de la franchise à DIMENSION. Ils ont donc chié un film au plus vite, écrit et préparé par le maquilleur Gary Tunicliffe. On m’a cité les paroles des Weinsteins à ce propos : « On n’a rien à foutre de ce que vous allez faire, mais faites nous un film en deux semaines avec un budget de 150 000$ ». J’ai lu le scénario et j’ai évidemment refusé. Ces gens là n’avaient rien à faire avec HELLRAISER. Ils ne voulaient que garder les droits. Ca fait maintenant 9 ans que je n’ai pas joué le personnage. J’en ai fait un peu mon deuil. Il faudrait vraiment quelque chose d’intéressant pour me faire remettre le costume. J’ai accepté que le personnage me suive pour le restant de ma vie mais je ne veux plus d’une version édulcorée comme celle de ce film là, où Pinhead apparaît, fait quelque chose de cruel, revient à la fin avec quelques mots d’esprit à saveur Shakespearienne et repart.
Nous avons d’ailleurs avec nous dans la salle un autre Pinhead! Stéphane, le gentleman là-bas dans la salle, est la voix française de Pinhead dans ce film. Je ne l’ai pas vu mais lui si… et il m’assure que c’est de la…


Stéphane : (du tac au tac) Je ne peux parler publiquement du film


D.B : (Bradley est hilare) Ce n’est pas ce que tu m’as dis à ma table!


Stéphane : Je peux vous dire qu’il y a deux Pinhead dans le film, un pseudo-pinhead….


D.B : C’est tellement bizarre. Vous pouvez aller sur YOUTUBE regarder la bande-annonce. On y entend Pinhead dire un truc comme « j’ai hâte de te déchirer en morceaux ». Vous conviendrez que ça manque de je ne sais quoi, comme on dit chez vous! Il a eu droit à 800 000 vues et 94% de gens qui n’aiment pas. Je ne veux rien savoir de ce film et je ne pense pas qu’il me contacterait de toute manièere pour faire le remake. S’ils peuvent faire un remake de NIGHTMARE ON ELM STREET sans Robert Englund, il n’y a plus d’espoir pour moi. Il n’y a pas de Freddy sans Englund et l’idée même de la chose est offensante. Si je regarde ce film un jour, ce sera une version téléchargée gratuitement. Je vais me faire taper sur les doigts en disant ca mais quand je suis sortie du cinéma après avoir vu le remake de HALLOWEEN, j’ai eu cette réflexion « je ne fais pas partie de la solution…je fais partie du problème parce que j’ai acheté un ticket! ». Je leur ai donné mon argent. Il n’y a pas d’autre raison pour l’existence de ces remakes que l’argent. En tant que fan, il est évident que nous voulons voir ces films, un peu comme nous voulons voir la totalité d’un accident de voiture, question de savoir s’il y a du sang sur l’autoroute et des morceaux de cervelles partout. Mais n’allez pas les voir au cinéma…regardez les illégalement de grâce. Ainsi, ils seront forcés de ne plus en faire…

 J'ai survécu à la rencontre de mon cauchemar. Peu de temps après l'entrevue, je passe près de la table de Bradley. Je constate que sa très jeune copine doit être dans la vingtaine, début trentaine au maximum. Une jeune fan gothique, un peu comme Kirsty Cotton...so eager to play...