Cette émission du 7e antiquaire est en ShawScope. Pour l’écouter cliquer ici.
Suite au récent décès de Run Run Shaw le 7 janvier 2014 à
l’âge vénérable de 106 ans, le 7e antiquaire s’est empressé de faire
une émission sur l’homme, la compagnie qu’il a créée avec ses frères, les films des studios ayant marqué les esprits,
ainsi que les cinéastes et acteurs importants. Pour l’occasion nous avons
invité un ami, Grigori Turgeon Beneitez, à se joindre à nous puisque ce
cinéphile adepte de la culture chinoise connaît à fond son Shaw. Les films et
cinéastes étant bien couverts durant l’émission, ce texte servira plutôt
d’introduction à celle-ci, couvrant l’histoire des studios de la Shaw, l’homme
qui en dirigeait l’essentiel des productions, l’influence internationale qu’a eu
certains de ses films et l’énorme travail de restauration qui a mené à
l’édition de la plupart des films de la Shaw en DVD.
Run Run Shaw avec son équipe dans ses sutios - 1950 |
Fils d’un homme d’affaire important, c’est en 1924 que les
quatre frères Shaw créent leur première société de production de film à
Shanghai, la Tian Li Film Co (Unique films). En 1925, puis 1927, deux des
frères, Runme et Run Run, s’établissent à tour de rôle à Singapour pour étendre
la possibilité d’exploiter le marché sud-est asiatique et y fondent la Hai Seng
company afin de distribuer et exploiter les films produits par leurs deux frères restés
à Shanghai pour gérer Unique films. Rencontrant rapidement beaucoup de succès, ils
deviendront une part importante de l’exploitation cinématographique à Singapour
et en Malaisie (ils tourneront un bon nombre de films en malais et en
cantonais). La société changera de nom en 1938 pour devenir Shaw Brothers Pte
Ltd. L’occupation japonaise durant la deuxième guerre mondiale poussera les
deux frères restés à Shanghai à déplacer la compagnie vers Hong Kong, qui ne
fonctionnera plus autant, et à Run Run et Runme, toujours à Singapour, à faire
un temps d’arrêt à l’expansion de leur empire. Au milieu des années 1950 Run
Run Shaw ira rejoindre ses deux frères à Hong Kong (Runme restant à Singapour
pour continuer à faire rouler la division cantonaise de la Shaw) pour remettre
la compagnie en expansion en suivant le modèle industriel qu’il avait instauré
à Singapour. Il achètera pour trois fois rien un lopin de terre sur lequel il
fera bâtir plusieurs studios pour la production de films et plusieurs
appartements pour le logement des employés. La production des films
s’enchaînera à un rythme effréné (entre 40 et 120 films par année, selon les
périodes, à raison de 3 à 6 films tournés en même temps) demandant
régulièrement aux acteurs de courir d’un plateau à l’autre. Devenus milliardaire
et philanthrope, Sir Run Run Shaw est sacré chevalier par la reine d’Angleterre
en 1977 pour son soutien à la Croix-Rouge. Possédant des centaines de cinémas
dans toute l’Asie, leur empire s’étendra en devenant un conglomérat de 35
compagnies diverses et la Shaw Brothers deviendra vite la plus grande compagnie
cinématographique chinoise, produisant entre 1958 et 1985 plus de 1200 films.
Affiche pour Come drink with me - King Hu, 1966 |
Ayant ravivé l’intérêt du film d’arts martiaux, la Shaw
Brothers est maintenant surtout connue pour ses Wu Xia Pian (film de héros
martial) mais les studios ont produits plusieurs genres de films (mélodrame,
polar, musical, érotique, horreur, comédie). Il y aura aussi eu plusieurs
co-productions internationales (Run Run Shaw sera même co-producteur exécutif
non crédité sur le film Blade Runner de Ridley Scott). L’étendue de l’influence
et l’enthousiasme que les films de la Shaw ont eu sur les cinéaste
internationaux se fait sentir depuis quelques années. Du plus évident avec
Quentin Tarantino qui en reprend le logo, les acteurs et certaines scènes de
films cultes dans son Kill Bill (2003/2004) à des références plus
détournées comme le très beau film de Tsai Ming Liang Good bye Dragon Inn (2003) qui fera hommage à un film de King Hu
non-produit mais distribué par la Shaw, Dragon Inn (1967). Tsui Hark fait quant à lui sa version
de One-armed swordman (Chang Cheh, 1967) avec l’excellent The Blade (1995) et Ang Lee reprend des scènes de Come drink with me (1966) de King Hu dans son film Crouching Tiger Hidden Dragon (2000).
My Young Auntie - Liu Chia-Liang, 1981
|
Ces films étant donc maintenant, en partie, disponible sur
format DVD, nous ne pouvons que vous encourager à découvrir les perles
cinématographiques que la Shaw Brothers a produites. Des cinéastes tels Liu Chia
Liang, Chang Cheh et Li Han Hsing et des acteurs tels Gordon Liu et David
Chiang sont des noms du cinéma d’arts martiaux chinois désormais célébrés mais
bon nombre de cinéastes, d’acteurs et de films du catalogue Shaw Brothers
restent encore à découvrir. Cependant, avant de se lancer dans le visionnement du
catalogue complet, vous pouvez nous entendre parler plus longuement des films
et réalisateurs de la Shaw Brothers ici même durant notre émission quelque peu
survoltée.
Écouter l’émission ici
Écouter l’émission ici
-David Fortin
Affiche de The 36th chamber of Shaolin |
Pour ceux qui voudraient compléter par des lectures plus
approfondies sur la Shaw et ses films, je vous ai préparé une petite
bibliographie d’articles particulièrement intéressants (tous ces documents ont
été utiles pour la préparation de l’émission et du texte) :
-Un entretien avec Thomas Thurman, travaillant à la
restauration numérique des films 35mm de la Shaw Brothers.
Codelli, Lorenzo ; Niogret, hubert. « entretien Thomas
Thurman : un catalogue considérable ». Revue Positif (Paris), no 504,
février 2003, pp.93-96.
-Un entretien avec l’acteur David Chiang sur sa carrière
avec la Shaw Brothers et les fonctionnement des studios.
Bettison,
Gary. « Act of vengeance : an interview with David Chiang ». Post
Script, vol. 31, no 1, automne 2011, pp.3-11.
-Un article sur l’importance du réalisateur Chor Yuen et de
ses films pour la Shaw Brothers.
Chute, David. « Face Value ». Film Comment, Vol.
41, no 3, mai-juin 2005, pp.54-56.
-Une visite commentée des studios avec Run Run Shaw se
trouve dans le Télérama no 1684 du 21 avril 1982. On y apprend des anecdotes
intéressantes.
-Le numéro hors série des Cahiers du cinéma de 1984 sur
« Le cinéma d’Hong Kong » renferme aussi plusieurs articles et
entretiens touchant de près ou de loin à la Shaw Brothers.
-Gombeaud, Adrien - Dictionnaire du cinéma asiatique. 2008, 636p.
-Pour terminer, un excellent article sur le réalisateur de
la Shaw, Chang Cheh, se trouve dans le numéro 296 de la revue Jeune Cinéma
(2005).
Pour les intéressés à approfondir leur culture des films de
la Shaw Brothers (et qui sont à Montréal), tous ces documents se trouvent à la
médiathèque Guy L. Coté de la Cinémathèque québécoise en consultation gratuite
sur place.
Photo des studios de la Shaw en 1982. -Télérama 1684. |
-David Fortin