Cinéaste culte, méconnu, parfois mal aimé, Alex de la iglesia est un cinéaste espagnol qui aura eu ses moments de gloire dans son pays mais qui a malheureusement du mal à se faire connaitre plus largement qu'à l'intérieur des cercles cinéphiliques (la distribution presque inexistante de ses premiers films à l'extérieur de son pays (particulièrement en Amérique du nord) n'aura pas aidé). Ce cinéaste d'origine basque ayant reçu une éducation catholique, découvert une passion pour la bande dessinée et étudié la philosophie aura su placer dans ses films toutes ces influences personnelles et académiques.
Cinéaste du genre, il passe de la comédie au film
d'horreur, au suspense et à la science-fiction aisément d'un film à
l'autre, ou même à l'intérieur d'un même film. Dans les films d'Alex de la Iglesia, les personnages doivent inévitablemnent traverser une longue souffrance pour arriver à s'élever. Les rapport de pouvoir y sont aussi souvent démontrés et la sorcellerie y prend occasionnellement place. Toujours sous l'emprise d'un humour noir, ses films sont aussi très proches de la bande dessinée par leurs esthétiques et leurs personnages. Mais peu importe le genre, Alex de la Iglesia sait toujours, de manière très satiriques, parler se son pays, de son histoire et de la société dans laquelle il vit à travers ses films. Pour l'émission, on s'est concentré sur Accion Mutante, 1992 (action mutante) et El Dia de la Bestia, 1995 (le jour de la bête)
Accion Mutante
L'ami Antonio Dominguez Leiva, qui non seulement est ubercool mais connait personnellement le cinéaste, nous accompagne pour une partie de l'émission avec plusieurs anectdotes personnelles et réflexions intéressantes sur les films d'alex de la Iglesia et leurs liens avec l'Espagne.
Le cinéaste yougoslave Dusan Makavejev aura été un des premiers serbo croate à lire les théories de Wilhelm Reich. Ces écrits l'auront assurément influensé dans son travail cinématographique (et fort probablement dans sa vie personnelle). Déjà, son film W.R. Mysteries of the Organism (1971) est à la fois un documentaire sous forme de pellerinage sur les traces du docteur Reich ainsi q'un film de fiction synthétisant ses théories. Le tout réutilisé dans le contexte social et politique de la Yougoslavie afin de confirmer les idées de Reich sur les parallèles entre la répression sexuelle et la répréssion politique. Voulant révolutionner le socialisme en lui redonnant son humanité, Makavejev révolutionne aussi le langage cinématographique en utilisant les techniques de collages (d'images, de genres, de styles, d'idées) chères au cinéma soviétique ainsi qu'aux surréalistes. Le film sera un succès en festival mais banni en Yougoslavie et Makavejev se fera expulsé du partie communiste. C'est après un exil à Paris qu'il pourra faire son film suivant.
W.R. Mysteries of the Organism
Sweet Movie (1974), co-production québécoise (avec Carole Laure), n'échappe pas à l'influence de Wilhelm Reich dans ses idées et critiques face à la libération sexuelle et la libération politique. Suivant deux femmes totalement opposées dans leurs valeurs et leur contexte politique, une certaine libération sexuelle se vivra pour chacune de façon totalement différente.
Pour écouter l’émission sur Brian de Palma (dans laquelle
notre invité Guillaume Dupuis kick des culs) cliquer ici.
Pour écouter l'émission sur Phantom of the Paradise cliquer ici.
Beaucoup de choses ayant déjà été dites
durant l’émission, ce texte servira à explorer plus en détail le travail
de réappropriation du cinéaste Brian De Palma.
Brian De Palma
Se situant
souvent entre le film d’auteur et le film de commande, ayant cotoyé presque
tous les genres cinématographiques (parfois dans un même film), et ayant obtenu
autant de succès que d’échecs, Brian De Palma est un cinéaste qui n’est pas
toujours évident à cerner. Sautant d’un genre à l’autre, d’un film à gros
budget à un film indépendant, la critique et le public ont souvent de la
difficulté à le suivre et sa démarche cinématographique peut facilement
échapper à plusieurs. À moins d’être fan du cinéaste, le public va rarement
voir un « De Palma » mais plutôt le dernier film avec Tom Cruise (Mission
Impossible), le nouveau film de
science-fiction (Mission to Mars), le
film « sexy » à la télé (Body Double), le film de ganster culte (Scarface) ou le dernier film de guerre (Redacted) mais ne fera pas forcément un lien entre ces films. De la même
manière que le fan du cinéaste ne fait pas forcément de liens immédiats entre Greetings,
Dressed to Kill, Blow Out, The Bonfire of the Vanities, Phantom of the Paradise
ou Passion (se rappelant soudainement « Ha oui, c’est lui qui a fait
ça aussi »). Pourtant, aussi
varié dans leurs genres que ses films soient et aussi distanciés qu’ils
puissent sembler l’un de l’autre, ils ont tous plusieurs éléments en commun. On
retrouve dans tous ces films les obsessions thématiques et techniques de Brian
De Palma. Ses éléments qui se répètent dans tous ses films, semblant être une
véritable obsession pour le cinéaste, deviennent aussi une méthode, un outil
pour son travail analytique de réappropriation cinématographique. Tous ses
projets de films, qu’ils soient personnels ou de commande, lui servent à
revisiter des œuvres fortes, des moments clés du cinéma, pas simplement pour la
citation mais pour les réactualiser, les poursuivre. Il puisera dans le cinéma,
la littérature et la musique mais l’essentiel de ses références provient du cinéma
de son maître à penser, Alfred Hitchcock. Il y reprend ses scènes pour en
poursuivre la thématique originale en la poussant jusqu’au bout et la
réactualisant dans une époque où l’image n’est plus vierge. Il reprend un
personnage original pour développer plus loin son caractère, ses faiblesses,
ses forces, ses perversions (Scottie (James Stewart) dans Rear Window / Jake Scully (Craig Wasson) dans Body Double). De Palma aide les personnages originaux d’Hitchcock à assumer
ce qu’ils sont véritablement. De Palma fait donc un cinéma post-moderne en
puisant dans le cinéma du maître Hitchcock pour se réapproprier ses codes. On
pourrait même dire que De Palma centre l’essentiel de sa démarche sur les
thématiques et techniques d’un
seul film, Vertigo (film d’influence
majeur qui aura aussi inspiré beaucoup d’autres cinéastes tel David Lynch,
Chris Marker ou Dario Argento). Il fait en quelque sorte à travers ses films
l’autopsie d’un classique où les scènes reprises deviennent des essais sur les
scènes originales. Pas uniquement pour la simple citation mais pour les
étudier, les analyser, les moderniser, les transformer.
Sisters (1973) : split screen - écran divisé pour soeurs siamoises divisées, deux visions
L’écran
divisé (split screen), le traveling
circulaire, le ralenti, les jeux de perspectives et de profondeur de champs
sont des procédés techniques utilisés constamment chez De Palma. Ses
thématiques récurentes (souvent retrouvées à divers degrés chez Hitchcock) vont du double au voyeurisme, à l’idée
de répétition, au pouvoir de l’image, à l’importance du regard, à la paranoïa
conspirationiste et la manipulation psychologique ou sexuelle. Ces outils
techniques et thématiques sont autant utilisées par De Palma comme des procédés
de distanciation pour le spectateur que comme des procédés narratifs efficaces,
l’aidant toujours dans sa démarche de réappropriation.
image fausse / fausse introduction
BODY DOUBLE (1984)
Dans Body Double, Brian De Palma reprend à sa
manière le film Rear Window (1954) d’Alfred Hitchcock. Synopsis
de Rear Window tiré du site Allociné.fr :
« À cause d'une jambe cassée, le reporter-photographe L. B. Jeffries
(James Stewart) est contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant.
Homme d'action et amateur d'aventure, il s'aperçoit qu'il peut tirer parti de
son immobilité forcée en étudiant le comportement des habitants de l'immeuble
qu'il occupe dans Greenwich Village. Et ses observations l'amènent à la
conviction que Lars Thorwald, son voisin d'en face, a assassiné sa femme. Sa
fiancée, Lisa Fremont (Grace Kelly), ne le prend tout d'abord pas au sérieux,
ironisant sur l'excitation que lui procure sa surveillance, mais finit par se
prendre au jeu... ». De Palma transfèrera l’essentiel de ce synopsis dans Body
Double mais pour mieux y développer les
perversions du personnage principal, ici interprété par Craig Wasson. Plus
particulièrement cette « excitation » que lui procure la surveillance
de sa voisine.
Rear Window (1954) - Alfred Hitchcock
Body Double (1984) - Brian De Palma
Le personnage
principal dans Rear Window se découvre un goût pour le voyeurisme et bien que taquiné sur
la chose par sa fiancée, Hitchcock n’ira pas trop loin avec cette facette du
personnage. Nous sommes alors en 1954 et Hitchcock a déjà fait (et fera encore)
son lot de provocations pour son époque. Ce que De Palma fait est justement de
pousser cette facette du personnage jusqu’au bout. De Palma dit qu’il fait du
cinéma dans une époque où l’image n’est plus vierge. Il prend alors un malin
plaisir à explorer cette image idéale, vierge, propre et morale. L’image d’une
certaine Amérique, dans laquelle ses films peuvent souvent s’ouvrir. De Palma
utilise donc cette idée en établissant son récit dans la fausse propreté des
images de son époque (la publicité, le sitcom, le vidéoclip) afin de mieux la
révéler, éventuellement la salir, puis ultimement la rendre impure. Cette
démarche du cinéaste explique en partie l’aspect kitch que ses films peuvent
avoir par moment. Dès le départ le personnage principal de Body
Double, Jake, est donc clairement un voyeur qui
tend vers l’obsession mais qui ne s’assume pas. De Palma décide donc d’aider le
personnage de Jake (donc par réappropriation celui de Jeff Jefferies dans Rear
Window) à s’assumer pleinement en lui
faisant faire cette enquête qui le mènera bien sûr à découvrir le meurtrier
mais surtout à se découvrir lui-même. Jake est un acteur qui cherche avec
difficulté à percer dans le milieu. Il fait surtout des doublures pour les
acteurs de films de série B. De Palma lui fait suivre un chemin intérieur
émotivement difficile à travers cette découverte du voyeurisme, cette quête de
la femme pour laquelle il développe une obsession et cette enquête, pour qu’au
final le personnage se trouve et s’accepte (ce à quoi Scottie n’aura pas eu
droit). La doublure devient alors un acteur principal… dans l’industrie du
cinéma pornographique soft. Si on pousse la chose un peu plus loin, le
personnage de Jake dans Body Double peut
être vu comme la doublure du personnage de Jeff dans Rear Window (déjà deux noms très semblables). Au final, Jake est accompli à
tous les niveaux et De Palma s’est réapproprié le personnage du film Rear
Window.
Body Double (1984)
Il
incorporera au film beaucoup d’autres éléments thématiques et techniques des
films d’Hitchcock. À l’image du personnage de Scottie (aussi interprété par
James Stewart) dans Vertigo qui souffre
de vertige, Jake souffre de claustrophobie. Des conditions apportant des
malaises similaires qui sont régulièrement un handicap dans le parcours
d’enquête de ces deux héros. On retrouve aussi dans Body Double la scène du baiser de Vertigo
dans laquelle la caméra tourne autour des personnages de Scottie
et Judy (le double de Madeleine) s'embrassant avec intensité, reprise deux fois dans le film de De Palma avec un humour certain.
Alors que ce procédé technique souligne une force de passion
(et le vertige possible qu’elle apporte) dans Vertigo, il est ici réactualisée dans deux contextes différents en y
exagérant tout l’aspect passionnel. La première fois sera lorsque le personnage
de Jake, après avoir suivi Goria, la femme pour qui il développe une obsession,
l’embrasse avec intensité. Le plan circulaire ne vient qu’emphaser l’absurdité de
la scène où ces deux personnes ne se connaissant que depuis quelques secondes
s’embrassent soudainement avec une passion caricaturale, proche du jeu d’un
feuilleton télé. La scène en devient presque surréaliste dans son exagération.
La référence à la scène de Vertigo est ici grossi avec un humour assurément voltontaire
mais sert tout autant à souligner le désir que Jake retenait
jusqu’alors pour cette femme. Plus tard dans le film, De Palma reprend une
deuxième fois la scène circulaire du baiser de Vertigo afin de souligner un deuxième baiser passionnel. Cette fois entre Jake et
Holly Body (le double de Gloria). utilisant un montage parallèle pour passer de Gloria à Holly Body, le plan
circulaire créé un rappel à la première scène de baiser entre
Jake et Gloria et souligne l'aspect du double. C’est aussi un moment important pour Jake puisqu’il y fait un
premier pas vers l’affirmation de sa
perverstion et de ses obsessions. La scène est recontextualisée dans l'industrie du cinéma pornographique et plonge
totalement dans l’érotisme kitsch. Le tout se déroule lorsque Jake se fait
engager pour jouer dans un film porno-soft afin de se rapprocher d'Holly Body. C’est donc durant le tournage d’une scène de sexe que la caméra
effectue ses travelings circulaires autour d’eux. Un détournement de scène
plutôt drôle vu l’emphase créée par cette technique sur une séquence de
tournage pornographique dans laquelle tout sonne faux (et pourtant pour Jake
tout sonne vrai).
L’idée de base reste la même sauf que De palma met ici à nu
l’érotisme sous jacent de Vertigo et la
perversion non-développée de son personnage principal. La musique symphonique
de Bernard Hermann dans Vertigo est ici
remplacée par la musique pop de Frankie Goes to Hollywood (un nom qui fait sens
pour le film), démontrant tout l’aspect actuel et sexuel de la réappropriation
en choisissant la pièce Relax, typique de
son époque. Paroles de Relax :
« Relax don't do it -When you
want to go to it - Relax don't do it - When you want to come - But shoot it in
the right direction - Make making it your intention - Live those dreams -
Scheme those schemes - Hit me - I'm coming ». D’ailleurs, la scène complète avec la pièce musicale pop devient
un véritable vidéoclip (une exploration déjà amorcée dans Phantom of the
Paradise). Encore une fois il s’en dégage un
humour inévitable et un sens du kitsch assumé.
En replacant les personnages et
obsessions des films d’Hitchcock dans l’univers impur de l’industrie du cinéma
pornographique, De Palma replace les images et thématiques d’origine dans son
époque actuelle où aucune image n’est vierge. Par la même occasion, il peut se
permettre de montrer sa vision personnelle d’Hollywood en ancran son film dans
cette ville (un univers de doubles, de faux-semblants et de trahisons).
Body Double (1984) : le film dans le film / la scène de douche
De plus, la
thématique du double, déjà centrale dans Vertigo, y est ici à son paroxisme. Tout le monde possède un double dans
Body Double (déjà annoncé par le titre).
Le personnage de Jake étant déjà une doublure pour les acteurs dans sa vie
professionnelle, il est aussi double dasn sa vie personnelle du fait qu’il se
découvre une partie de lui qu’il ne connaissait pas. Le personnage du meurtrier
est lui-même double de par son déguisement (il est deux personnages dans le
film) et Holly Body est le double de Gloria. Finalement,
le film est lui-même double puisqu’il est une réappropriation d’un autre film.
Phantom of the Paradise (1974)
PHANTOM OF THE PARADISE (1974)
Surfant sur
la vague musicale alors émergente du glam rock et du shock-horror rock, le
cultissime Phantom of the Paradise de
Brian De Palma puise la base de sa trame narrative dans le classique Phantom
of the Opera. Cela ne l’empêche pas d’aller
chercher, tant dans la littérature que le cinéma, des idées et clins d’œil
puisées dans Le portrait de Dorian Gray d’Oscar
Wilde, le Faust de Goethe, le Frankenstein de Mary Shelley, Le Cabinet du docteurCaligari de Murnau, le Touch
of Evil d’Orson Welles ou le Dr Mabuse de Fritz Lang. De Palma ayant ses obsessions habituelles, il ne
s’empêchera pas non plus d’y glisser des références à Hitchcock (la scène de la
douche de Psycho y est savoureusement
parodiée). Véritable comédie musicale sous forme d’opéra-rock, il est difficile
de cerner un genre pour décrire Phantom of the Paradise tellement il jongle avec ceux-ci (comédie, horreur, musical,
tragédie, burlesque, expérimental). C’est en entendant une chanson des Beatles
en version pop pour ascenseur que De Palma a eu l’idée de départ du film. Cette
idée d’une corruption de la musique originale, remodelée pour toute possibilité
d’exploitation lucrative. D’où l’idée du film traitant d’un opéra-rock volé à
son auteur et réapproprié pour en faire tout autre chose. On le devine, De
Palma parle ainsi de sa propre démarche tout en créant une à la fois une satire
de l’industrie musicale (qui peut tout aussi bien être un miroir de l’industrie
cinématographique) et une critique de la manipulation du divertissement.
Phantom of the Paradise (1974) : la scène de la douche dans Psycho (1960) parodiée
Encore
ici, Brian De Palma utilise ses habituelles obsessions techniques. Par exemple,
le procédé de l’écran divisé est utilisé dans une scène admirable où le
personnage du « fantôme » vient placer une bombe dans le coffre d’une
voiture située dans les coulisses de l’opéra. L’écran est alors divisé
verticalement et on peut y suivre d’un coté la vision du spectacle lui même, et
ce qu’on y chante et de l’autre la vision des coulisses (de l’envers du décors)
et ce qui s’y dit réellement. Le son stéréo est aussi divisé durant cette scène
de sorte que le son du spectacle se retrouve d’un côté et le son en coulisse de
l’autre, apportant ainsi une expérimentation intéressante avec l’effet
stéréophonique qui appuie la démarche du cinéaste. Cette
technique permet à De Palma de démontrer le mensonge du spectacle et,
indirectement, le mensonge de l’image. Initialement
un flop commercial et critique, le film est devenu culte avec le temps et a
retrouvé depuis, plusieurs admirateurs dans les sphères cinéphiliques. Il est
aussi un des rares (si ce n’est unique) cas de succès complètement isolé.
Autant il passa inaperçu presque partout qu’il fut un immense succès culte dans
deux villes : Winnipeg et Paris. Il aura été projeté presqu’un an à
Winnipeg et dix ans (de façon intermittente) à Paris. En 2005, un festival est
créé à Winnipeg par les fans du film : le Phantompalooza.
Pour son film
Obsession, Brian De Palma va jusqu’au
bout de ses propres obsessions en décidant d’adapter réellement Vertigo. Il va même jusqu’à engager Bernard Hermann pour composer la
musique. Avec Obsession, on a droit à un
véritable film d’Hitchcock (On en oublie presque que c’est un film de Brian De
Palma). Le film reprend l’idée de base de Vertigo en y ajoutant une histoire de kidnapping et en transposant
légèrement le récit. Synonpsis d’Obsession
dans Allociné.fr : « Ayant vu sa femme mourir faute d'avoir payé la rançon
exigée par leurs kidnappeurs, Michael Courtland, homme d'affaire américain,
rencontre un jour en Italie une femme lui ressemblant comme deux gouttes d'eau.
Malgré les avertissements de son entourage, il y voit une seconde chance qu'il
ne veut pas laisser passer. Au risque de réveiller un passé douloureux ».
Le film débute en 1959, l’année suivant la sortie de Vertigo (et donc l’année à
laquelle se déroule l’histoire de Vertigo),
pour se poursuivre 16 ans plus tard, en 1975 (année actuelle du tournage de De
Palma). La transition d’époque se fait d’ailleurs à l’aide d’un plan circulaire
cher à De Palma, qui est ici très bien utilisé, nous révélant un paysage qui
s’est transformé durant les 16 années, le temps d’un tour d’horizon sur l’axe
de la caméra. De cette façon, De Palma souligne le fait qu’il se réapproprie
une histoire débutée 16 ans plus tôt et la retranspose dans son époque
actuelle. La thématique principale du double de Vertigo, l’idée de répétition, tout y est. Les révélations finales
seront cependant tout autre et par ces révélations (SPOILER : la deuxième
femme (son double) se révèle être sa fille) De Palma rend la relation initiale
dans Vertigo (le romantisme mysogyne de
Scottie) beaucoup plus tordu et proche de l’inceste (tout y est plutôt suggéré
en scènes de rêve même si au départ le scénario de Paul Schrader/De Palma
démontrait explicitement la chose). Encore une fois, De Palma poursuit le
développement du récit et des personnages d’Hitchcock.
Dressed to Kill (1980) : l'importance du regard chez Brian De Palma
On pourrait
passer en révision tous ses films mais l’exercice tomberait rapidement, tel
l’oeuvre de De Palma, dans la répétition (sans voir la chose comme un défaut).
Ces exemples me semblent bien cerner la démarche de réappropriation du
cinéaste. Je redirigerais les intéressés à poursuivre l’exercice dans le détail
vers un texte de Johanne Larue paru dans la revue Séquence no.168 de 1994
intitulé « De Palma/Hitchcock » qui explore amplement les multiples
réappropriations des films d’Hitchcock que De Palma fait dans toute son oeuvre.
Passion (2012) : l'art de la manipulation (quand Brian De Palma retourne à ses sources)
En guise de
conclusion, voici une clé donnée par le cinéaste à ses spectateurs : il y
a une scène dans le film Obsession qui
explique une partie importante du travail de Brian De Palma. La scène dans
laquelle le personnage principal voit pour la première fois le
« double » de sa femme (Sandra, interprétée par Geneviève Bujold)
dans une église à Florence et engage une conversation avec elle. Sandra est en
plein travail de préparation pour la restauration d’une fresque du peintre
Bernardo Daddi s’étant détériorée avec le temps. Elle lui explique que
l’humidité a fait peler une portion de la peinture qui s’effrite, révélant
ainsi une autre peinture cachée en dessous. Possiblement le brouillon,
l’original ou une autre peinture. Elle continue en disant que les spécialistes
et historiens se penchent sur la question à savoir si on doit continuer de
peler la peinture de Daddi au risque de la perdre pour connaître l’original
cachée derrière, ou restaurer celle de Daddi et ignorer la peinture cachée.
Obsession (1976) : Geneviève Bujold devant la peinture de Bernardo Daddi
En rendant les mécanismes du cinéma
visibles, créant ainsi un effet de distanciation avec le spectateur, tout en
ajoutant des références cinématographiques, Brian De Palma aura été à son
époque un cinéaste de la transition, puisant dans le cinéma moderne pour passer
le flambeau vers un cinéma postmoderne encore à ses débuts.
-David Fortin
Pour écouter l’émission sur Brian de Palma cliquer ici.
Pour écouter l'émission sur Phantom of the Paradise cliquer ici.
Pour poursuivre avec d’autres lectures sur Brian De
Palma:
-Legrand, Dominique.
Brian de Palma : le rebelle manipulateur. Paris : Cerf,
1995 (7e Art), 247p.
-Ancelin, Pierre.
À l'écoute de l'Amérique : Blow Out. L'Art du cinéma, no. 35-36-37, hiver 2001-2002,
pp.77-126