vendredi 23 décembre 2011

En célébration

Voici que la semaine achève, notre première semaine de vacances sans émission et sans comptes à rendre à personne. Je l’ai passé en sous-vêtement à jouer au Sega Genesis (console de plus de 20 ans) et que j’en vois pas un me juger là-dessus. C’est aussi durant cette semaine que l’univers se met d’accord sur une chose et cette chose doit être vécue dans l’impératif le plus absolu : c’est la fête de Francis, nous devons donc lui faire des offrandes digne d’un héros mythologique au casque d’or, ou à la cuisse légerte ça dépends à qui tu le demande. 

Chaque année nous revisitons les classiques : une peau d’humain tué (et tamisé) pour que Frank puisse se coucher dessus comme un pin-up sexy, un mouton à l’haleine chaude qui puisse souffler sur son front pour préserver sa chaleur ou un long bâton de bois avec les trois premières phrases du Quran inscrites dessus. Seules les offrandes les plus redondantes seront escortées à la porte car ceci est plus qu’un amoncellement de lettres forgeant un texte de qualité (argumentable), les mots qui s'approchent sont une offrande, comme du beurre clarifié que l’on coule sur le dos de Ganesh, que je fais à mon pote Francis. Cette offrande est publique, car à la manière d’une cérémonie faite en groupe, je crois fondamentalement que les hommages qui sont fait en publics propagent un plus grand sentiment de sacré. La prière isolée, comme celles que nous faisons toutes les semaines à Choq.fm, rempli la nécessité de son usage mais ici nous offrons quelque chose pour un des plus illustres des bipèdes. Trève de demi-mesure, the dude deserves the whole shebang!

Alors moi, qui n’a plus rien à offrir d’autre que ce qui est fabriqué de mes mains Tchekhoviennes et mon esprit galvaudé aux jujubes, je me suis mis les mains au jeu. Que l’inspiration des muses viennent gratter de la neige en face de chez nous à cinq heures du matin, je me réveille et offre ici une tergiversation typiquement 7eim antiquairiesque dans laquelle nous ferons l’analyse d’une pochette, mais pas n’importe quelle pochette, aujourd’hui nous parlerons de Mammuth de Benoît Delépine et Gustave Kervern.

Pour la petite histoire sachez que c’est durant l’année 2011 que le Francis Ouellette à commencé un emploi qui, pour moi, faisait amplement de sens considérant son talent pour la jonglerie symbolique, responsable de DVD pour FunFilm, Francis s’est vu daigner la responsabilité de la conceptualisation des pochette de films de la boite de  distribution, Mammuth n’est pas un sujet d’analyse anodin chois par hasard ou parce qu’il venait soutenir mes propos correctement, non. Mammuth est le tout premier film dont lequel Francis était entièrement responsable. Le DVD que je tiens dans mes mains est (un travail de longue haleine porté par plusieurs braves gens qui travaillent avec acharnement pour rendre ces titres disponible pour un public québécois) un produit 100% Frank the Bear (parce que oui : y’a un petit ours sur la pochette).

L’analyse qui suivra tentera de démontrer hors de tout doute que pour son premier DVD, Francis s’est donné dans toute sa splendeur symbolique pour livrer une présentation qui synthétise tout les grandes thématiques du film mais qui sert aussi comme rappel à son créateur. Dans les années à venir, lorsque des robots arriverons sur la terre glaciale et tenterons d’analyser les œuvres de ce cher fils de la Gaspésie ils découvriront que la clé de voute de toute sa création se retrouve dans cette pochette.   



Premier point d’analyse : Francis est Depardieu, mais pas vraiment Depardieu mais plutôt le rôle le plus important que Depardieu à eu de sa carrière. Francis est Cyrano de Bergerac. Maître de l’usage de la langue et des hanches, Francis Ouellette porte le masque divin de Cyrano. La filiation entre les deux hommes se manifeste par une présence plus grande que nature. Malgré que Depardieu est maintenant parfois vu d’un œil peu flatteur, il inspire toujours autant l’immensité de l’âme du bon vivant, les deux hommes vivent avec une force d’existence alimentée par l’art, je crois que d’avoir Depardieu comme tête d’affiche n’est pas un hasard, comme cette première arcane que l’on utilise pour entreprendre un voyage, Depardieu sert comme père spirituel, un homme qui n’a pas d’égal et qui sert comme incarnation d’un autre homme qui habite Môsieur Francis : Honoré de Balzac. (Ouf je suis allé loin avec celui-là, allez voir des photos des sculptures de Rodin, c’est un peu weird comment les deux se ressemblent dans leur posture.)


Deuxièmement : Mammuth lui-même, qui désigne la monture et le personnage en même temps, dans le cas de notre cher « roasté » nous pouvons appeler Francis « Bixi » Ouellette. Fuckin’ A.

La pochette est aussi un usage fort d’un des premiers préceptes filmiques que Francis m’a légué. L’usage de la direction du parcours pour représenter la quête du personnage. Je sais de source sûre que Frank regarde beaucoup les transitions horizontales qui se font dans un film car, comme il me l’a dit une fois : Un personnage qui roule en direction droite symbolise l’avancement, si le personnage roule vers la gauche, sa quête en est une de régression.

Regardons les grands exemples :

En plus d’avoir un Depardieu qui se dirige vers le passé (vers la gauche), voilà que notre cher Francis a habilement ajouté l’image de feuilles qui s’envolent au vent du déplacement  du personnage. Nous voilà avec un très beau double message rempli de sens. En mettant les deux figures ensemble on suggère que non seulement Mammuth recule vers son passé mais en faisant cela il se débarrasse aussi des mémentos de son vécu. Comme un Ishtar bedonnant, Mammuth revisite sa propre narrative tout en se débarrassant du poids de son passé, il se réinvente en conservant ce qui lui sera le plus utile sur sa route : le souvenir. Le voyage étant tout ce qui compte pour notre personnage, les traces de son histoire ne semble guère le préoccuper. C’est l’histoire qui compte, l’intériorisation des évènements et la possibilité de les avoir au bout de doigts et non pas empilés dans une commode. Le souvenir est la plus belle trace, sans trace, qui existe.

Pour un film qui met à l’affiche Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani et une chick qui s’appelle Miss Ming. Ajoute Francis là-dedans et t’a un casting Francophile de The Expendables. Si Frank avait un strike-team à monter pour une dernière mission, on peut être sur qu’elle compterait ces gens et peut-être Isaach de Bankolé.

Nous savons aussi fort bien que tout homme féru d’occultisme comprend l’importance de l’élément caché in plain sight. En véritable coup de théâtre derrière la première image, celle de la première impression, Francis nous ajoute une seconde image, plus large cette fois-ci qui sert de deuxième et troisième de couverture. Cette image, qui n’en est pas moins symbolique mais qui, cette fois-ci, évoque plus de sensations que de réflexions. L’image de l’intérieur, un Gérard qui semble géant avec son petit verre de blanc semble inconfortable à l’idée d’être vu, d’être pris en photo, nous avons à l’intérieur de la pochette un Mammuth plus intime qui a la pêche devant un honneur qu’il ne croit pas mériter. Son bras est aussi levé, en guise de protection. Si l’extérieur de la pochette nous présente avec un buffet réflexif, un assemblage intelligent de symboles à déchiffrer, l’intérieur, comme l’homme, est rempli d’une émotivité touchante et gênée. En ouvrant la pochette, il y a des sourires, des regards fuyants, des véritables camaraderies, des strates que l’on porte pour se protéger, des chips pis de la piquette. C’est aussi un lieu de regard vers l’extérieur car le groupe, regardant le photographe, nous regarde aussi, on sourit à moitié mais on est d’abord et avant tout inconfortable avec l’autre qui vient s’immiscer dans notre quotidien sans invitation. (je clos ici, le festival de la virgule)

Quand à sa thématique, la quête immense et Quichotesque d’un homme qui réclame un peu de cohérence dans son environnement, reçu par plus de chaos et de non-sens à chaque pas qu’il entreprend dans son voyage englobe plusieurs « dadas » de notre cher ours. La défaite de la bureaucratie Kafkaesque, l’inconfort des rapports sociaux (« vous avez quelque chose juste-là ») de  Muthafuckin’ LD et le culbutage dans les toilettes publiques sont des archétypes typiquement FrankOuellettiens (à ne par confondre avec la poésie FrankEtiennenienne)  et la scène (à la césure)  va sans dire si vous avez rencontré l’ours.
C’est avec moult analyse que j’arrive à la conclusion que la maxime « Un bon artiste copie, un grand artiste s’approprie » s’agence parfaitement bien avec le point que je tente de faire ici. Mammuth, malgré qu’elle soit l’œuvre de Benoît Delépine et Gustave Kervern, s’est véritablement fait intériorisé par le dude qui à pensé la pochette. Ce grand artiste de la verve iconographique s’est approprié cet œuvre et à pressé..wait for it…wait for it…la substantifique moelle du récit pour synthétiser les images les plus puissantes du film qui sont aussi un réflexion de l’homme qui en à fait l’agencement. On dit aussi que quand Paul parle de Pierre on fini par en savoir plus sur Paul que sur Pierre, allons voir ici que quand Francis Ouellette conçoit une pochette pour Gérard Depardieu on en comprend plus sur Francis que sur Gérard.  L’artiste ici se camoufle habilement, il laisse les symboles crier le nom de leur maître d’orchestre.

PS. Ah oui, y’à aussi la ligne « D’ailleurs…j’ai eu l’idée de faire un CV, avec du papier de toilette et le sang de mes règles ». Je crois foncièrement que Francis aurait voulu l’écrire cette ligne-là. 

samedi 10 décembre 2011

Notre émission du 7 décembre: ????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????

Notre saison 2011 tire bientôt à sa fin. Avant de terminer avec notre traditionnelle émission de cinéma de Noël, nous avons décidé de faire un échange de cadeau cinéphilique en onde. 
Je ne sais pas de quoi Jim va parler, il ne sait pas non plus ce que je vais évoquer.  Ce sera une surprise. Chose certaine, nous allons faire découvrir à l'autre un film magnifique dont l'autre n'a jamais même entendu parler et qu'il se doit de connaître. Par le fait même, on vous en fait cadeau à vous aussi, chers auditeurs.  Il est quasi impossible que vous ne fassiez pas au moins une découverte. 

Notre émission du 30 novembre: THE DEAD, dernier film de John Huston.

Pour nous écouter cette semaine, cliquer ICI
Regardez les sillons de ce visage. Ça n'a plus rien à voir avec des rides. C'est un paysage, ce sont des routes creusées par les souvenirs et les larmes. J'aime les visages comme ceux là, aux anfractuosités tellement riches qu'elles exigent une certaine topographie, un visage d'homme d'une autre époque, comme il s'en creuse de moins en moins de nos jours. 

John Huston a littéralement tout fait. Du cinéma, il est le pendant de Theodore Roosevelt et de Hemmingway. L'homme a vécu une vie riche et ample, comme plusieurs d'entre nous peuvent seulement en rêver, mais il avait la charpente, l'âme et les épaules pour pouvoir mener sa propre épopée jusqu'au bout.

C'est ce qui rend le dernier film de Huston un trésor inestimable. Filmé alors qu'il était mourant, THE DEAD est le dernier message d'un géant, les braises d'un homme qui a brûlé au maximum ses années. Avant de s'éteindre, Huston plonge dans sa conscience, il parle une dernière fois de ce qu'il a appris et de ses passions: James Joyce, l'Irlande, sa famille, les racines, la terre. 

Notre émission cette semaine parle de sa vie et de son dernier film, de l'Irlande et de Joyce, de la pluie et des souvenirs.