Cinquième et dernière capsule audio couvrant le festival et gagnant des prix (cliquer ici ou voir au bas de la page)
Summer
of Blood (Onur Tukel)
Comédie
indépendante new yorkaise flirtant avec l’horreur, Summer of Blood rappelle beaucoup la série Curb Your Enthusiasm par son type d’humour, son aspect visuel et son personnage
principal. Le 7ème Antiquaire étant particulièrement fan de cette
zone humoristique franche et sans censure, le film d’Onur Tukel fut donc une bonne
surprise. Cependant, le film est réalisé avec très peu de moyen (autour de 30
000$ semblait nous dire le cinéaste après la projection) et ce manque de moyen
paraît parfois à l’écran. L’image n’est pas particulièrement soignée et il s’y
dégage un aspect un peu brouillon rappelant justement le visuel de la série de
Larry David évoquée plus haut. Le cinéaste le dit lui-même, l’esthétique de son
film ne l’intéresse pas particulièrement et il ne cherche pas à créer une
oeuvre cinématographique marquante. C’est ailleurs que dans l’image que le
cinéaste démontre son talent. Tukel partage le sens du dialogue et même
certaines obsessions de ses idoles Larry David et Woody Allen. C’est dans les
dialogues que le film amuse le plus avec ses réparties cyniques livrées avec un
humour incisif par un personnage égoïste. Le cinéaste y interprète Erik qui,
suite à une rupture, accumule les rencontres furtives qui se répètent et se
ressemblent. Le problème c’est qu’il a peur de l’engagement et des
responsabilités. Ne prenant rien au sérieux, Erik provoque la déception autant
chez ses conquêtes qu’avec ses collègues de travail… jusqu’à ce qu’un vampire
le morde. Il se découvrira alors une facilité de séduction avec les femmes et
une force de persuasion avec les gens qui l’entourent. Mais cette nouvelle
condition lui apportera finalement plus de complications que de solutions. Le
film restant centré sur les inquiétudes d’un personnage antipathique et
l’humour y étant souvent vulgaire, Summer of Blood ne fera sûrement pas l’unanimité, mais il a le potentiel de
développer un certain culte au même titre que les autres films indépendants new
yorkais partageant les mêmes anxiétés. La projection du film à Fantasia a
permis au public de rencontrer Onur Tukel qui était présent pour discuter de
son film. C’est d’ailleurs un être fort sympathique et particulièrement bavard
que nous avons découvert. Tukel était généreux en anecdotes et ouvrait la porte
à un échange critique avec le public. Il évoquait aussi ses questionnements
relationnels qui se miroitent complètement dans ses films et son besoin
constant de créer. Les influences diverses qu’il mentionnait, allant du film
d’horreur à la comédie, me faisait réfléchir à comment résumer le ton du film
et le mélange particulier des genres que le cinéaste adopte. J’en suis venu à
le résumer ainsi : Si Larry David avait écrit les dialogues du film Bad
Habits (1995) de Larry Fessenden, ça aurait
ressemblé à Summer of Blood.
Metalhead (Ragnar Bragason)
Un
film qui s’appelle Metalhead montrant sur son affiche le visage d’une
femme maquillé à la manière des musiciens de black métal peut donner
l’impression de cibler un public déjà adepte du genre musical et freiner les
moins intéressés à ce style. Ce serait passer à côté d’un film qui démontre
justement qu’il ne faut pas se fier aux apparences et aller à la rencontre de
l’autre. Metalhead (Málmhaus de son titre original
islandais) est tout autant un film sur la musique qu’il est un
drame humain. Au-delà des apparences, on découvre une histoire universelle
touchante et sincère. Hera, une jeune fille, est témoin de la mort accidentelle
de son frère aîné. Suite à l’accident, elle décide d’adopter les vêtements et
le style de vie de son frère et trouve refuge dans la passion qu’il avait pour
la musique métal. Évoluant dans une tension calme et une très belle esthétique
baignée dans une lumière crépusculaire propre au pays, le film
nous dévoile une femme dont
les paysages islandais arides et épurés qui l’entourent font écho de
sa souffrance intérieure. Thorbjörg Helga Dyrfjörd livre une performance
ressentie exceptionnelle en femme endurcie et isolée qui trouve dans la musique
un moyen de se rapprocher de son frère disparu, de vivre son deuil et surtout
d’exprimer sa douleur. Le film questionne entre autre l’image souvent négative
associée aux adeptes du black métal et tente de créer un pont entre deux mondes
souvent séparés par les préjugés. Dans ce petit village au mode de vie
communautaire, c’est avec l’aide de tous, par empathie et par compréhension,
que chacun se trouvera rapproché de l’autre. Mieux outillé pour s’entraider. Un
film à l’apparence sombre derrière lequel se cache une oeuvre humaniste rythmée
par une trame sonore métal qui revisite les classiques d’hier et découvre ceux
de demain. Metalhead est un film sur le deuil, le rituel et la musique
comme moyen d’extériorisation des souffrances. C’est aussi (et surtout) un très
beau film sur la communauté, son importance et même sa nécessité.
- Frank (Lenny Abrahamson)
Avec Frank, on plonge dans l’univers de la musique
indépendante en étant témoin de la création du premier album du groupe musical
« Soronprfbs » mené par Frank, un personnage énigmatique qui ne se
départit jamais d’une tête géante en carton-pâte couvrant la sienne en
permanence. Frank chante, mange et dort avec sa « fausse tête ». Le personnage est interpreté par un Michael Fassbender qui livre une étonnante performance
invisible dans laquelle l’essentiel de son jeu passe par sa voix. Critiquant à
sa manière l’industrie de la musique indépendante et les clichés entourant les
groupes cultes, le film est lui-même proche du prototype du film indépendant
avec les tics souvent retrouvés dans ces œuvres cinématographiques cherchant dans leur mise en marcher à créer un culte. Mais le
film évite les pièges pour trouver sa propre voix. Débutant sur un ton
humoristique, la psychologie prend lentement sa place, apportant ainsi aux personnages plus de consistance. Un apport nécessaire pour élever le film au dessus du simple concept et y développer tout le côté humain du personnage de Frank. Cette entrée dans
l’univers de la création musicale se fera par l’intermédiaire de Jon, un
employé de bureau rêveur qui compose de la musique dans ses temps libre,
espérant un jour devenir célèbre. Une opportunité se présentera lorsque le
gérant des « Soronprfbs » lui proposera de se joindre au groupe
pour remplacer leur claviériste. Sans véritable talent, Jon imposera petit à
petit son ambition au groupe et réussira à créer un culte autour d’eux dans le
milieu de la musique indépendante. Cependant, cette nouvelle direction
apportera son lot de conflits au sein des membres. Suivant la projection, un
voisin de siège m’expliquait sa « théorie de la musique indépendante »
qui était essentiellement la théorie de la relativité appliqué à cette
industrie musicale. Donc pour lui la musique indépendante se résumait à
ceci : moins un groupe musical est connu, plus il est proche de la
perfection. Donc plus il est connu, plus il s’en éloigne. Ce n’est peut-être pas
la meilleure théorie mais il y a quelque chose dans cette simplification
qui fait écho à la situation du groupe dans le film. Totalement inconnu et
dépourvu de toute influence extérieure, le groupe de Frank propose une musique intéressante,
hors norme et longuement murie. Avec l’arrivée de Jon dans le groupe, celui-ci y
apporte une autre vision et les fait connaître à un plus grand nombre,
apportant au sein des membres des conflits de valeurs. « Soronprfbs »
se transforme alors musicalement en édulcorant son son particulier. Avec le recul, on perçoit cette création musicale comme un besoin thérapeutique plutôt qu'une étape vers la gloire. Frank dresse un portrait tantôt moqueur, tantôt sincère, de l’industrie
de la musique indépendante, de son fonctionnement, de la difficulté et la nécessité de création. C’est aussi une étude de personnages marginaux s’amorçant
sur la caricature pour mieux nous surprendre en laissant leur sensibilité se
révéler.
Avec 25 films sous le chapeau, plus de bonnes surprises que de mauvaises, 5 blocs de textes, 5 capsules audio, 2 émissions thématiques, notre couverture du festival Fantasia se termine pour cette année. Ce fut un plaisir qu'on espère renouveler. Maintenant est venu le temps de rattraper du sommeil.
-David Fortin
Notre cinquième capsule audio:
Liste des gagnants :
Ken Ochiai’s “Uzumasa Limelight,” pictured, took the Cheval Noir prize at the 18th annual Fantasia Intl. Film Festival in Montreal.
Hugh Sullivan’s “The Infinite Man” was named best first film in the New
Flesh Award competition while the Satoshi Kon prize for animation went
to Mizuho Nishikubo’s “Giovanni’s Island.”
The festival, which ran July 17-Aug. 5, screend more than 160 films
in 216 theatrical presentations. The event received a record 129,000
attendees, up 30% from the 2013 festival.
Leo Gabriadze’s “Cybernatural,”
Sarah Adina Smith’s “The Midnight Swim” and Bennett Jones’ “I Am a
Knife with Legs” had world premiere screenings, while Mamoru Oshii
(“Ghost in the Shell”) and Tobe Hooper (“The Texas Chain Saw Massacre”)
were presented with lifetime achievement awards. Other significant
screenings include “Boyhood,” “Guardians of the Galaxy,” “Welcome to New York,” “Han Gong-ju,” “Rurouni Kenshin – Kyoto Inferno” and “Frank.”
The next edition is scheduled to for July 16-Aug. 4.
The full list of winners is below:
Cheval Noir Competition
Best Film: “Uzumasa Limelight” (Ken Ochiai)
Director: David Zellner (“Kumiko the Treasure Hunter”)
Screenplay: Billy Senese (“Closer to God”)
Actor: Seizo Fukumoto (“Uzumasa Limelight”)
Actress: Miyuki Oshima (“Fuku-chan of Fuku-fuku Flats”)
Special Mention of the Jury: “Cybernatural” (Leo Gabriadze) for technical and conceptual achievement.
New Flesh Award Competition
First Feature Film: “The Infinite Man” (Hugh Sullivan)
Special Mention of the Jury: “I Am a Knife with Legs” (Bennett Jones)
for the audacity of its vision and a talent well worth discovering.
International Short Film Awards
Best Short Film: “Jiminy” (Arthur Molard)
Special Mention of the Jury: “How to Make a Nightmare”(Noah Aust) for its cinematic and psychological vision.
Satoshi Kon Prize for Excellence in Animation
Animated Feature: “Giovanni’s Island” (Mizuho Nishikubo)
Animated Short: “The Portrait Studio” and “Supervenus” (tie)
Special Mention of the Jury: “The Satellite Girl and Milk Cow” (Chang
Hyung-yun) for its inventiveness and original story, and “The Looking
Planet.”
Audience Award Winners
Asian Film
Gold: “Miss Granny” (Hwang Dong-hyuk)
Silver: “Han Gong-ju” (Lee Su-jin)
Bronze: “Rurouni Kenshin – Kyoto Inferno” (Keishi Otomo)
International Film
Gold: “In Order of Disappearance (Hans Petter Moland)
Silver: “Dead Snow: Red Vs. Dead” (Tommy Wirkola)
Bronze: “The Hundred-Year-Old Man Who Climbed Out the Window and
Disappeared” (Felix Herngren) and “Boyhood” (Richard Linklater) (tie)
Canadian Film: “Dys-“ (Maude Michaud)
Animated Film: “Giovanni’s Island” (Mizuho Nishikubo) and “Cheatin’” (Bill Plympton) (tie)
Documentary: “To be Takei” (Jennifer M. Kroot and Bill Weber)
Guru Prize: “Once Upon a Time in Shanghai” (Wong Ching-po)
Most Innovative Film : “Cybernatural” (Leo Gabriadze)
Short Film
Gold: “The Chaperone” (Fraser Munden and Neil Rathbone)
Silver: “Memorable Moi” (Jean-Francois Asselin)
Bronze: “Raging Balls of Steel Justice” (Mike Mort) and “Sea Devil” (Brett Potter and D.C. Marcial) (tie)
Frontieres Intl. Co-Production Market
2014 Frontieres Project Award: “Extraordinary” (Ailish Bracken and Kattie Holly, producers; Mike Ahern and Enda Loughman, co-writers/directors)
http://www.choq.ca/emissions/7eantiquaire