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The Shout s’inscrit dans un sous-genre du cinéma d’horreur (essentiellement britannique) nommé « Folk-Horror », genre qui intègre des éléments folkloriques de tradition païenne (majoritairement européenne mais dans ce cas-ci australienne), des éléments occultes et des rituels. On retrouve dans ce sous-genre des films tel The Wicker Man (1973), Blood on Satan's Claw (1971) ou The Last Wave (1977) pour n’en nommer que quelques-uns. The Shout est donc un film d’une grande charge occulte dans lequel on retrouve beaucoup de mysticisme. C’est le récit d’un étranger, Charles Crossley (Alan Bates), qui vient s’immiscer dans la vie d’un couple (John Hurt et Susannah York) en contrôlant ses hôtes à l’aide d’objets et de rituels mais surtout par sa force de persuasion, pour éventuellement prendre possession de la femme. L’histoire est racontée par l’étranger qui se trouve alors dans un hôpital psychiatrique juste après que la première question du film soit évoquée: qu’est-ce que la normalité. En débutant le récit fait par l’étranger, le film démontre un lent fondu-enchaîné de l’image du personnage racontant le récit avec celle du même personnage marchant dans les dunes (donc en surimpression dans sa propre tête) vers le couple à dominer qui se réveillera alors d’un étrange rêve (ils rêvent tous deux à cet homme marchant dans les dunes en arborant un os à pointer magique). Par le récit de son histoire, Crossley s’immisce déjà dans leur tête et le cinéaste Jerzy Skolimowski annonce déjà les couleurs et motifs cycliques du film.
The Shout s’inscrit dans un sous-genre du cinéma d’horreur (essentiellement britannique) nommé « Folk-Horror », genre qui intègre des éléments folkloriques de tradition païenne (majoritairement européenne mais dans ce cas-ci australienne), des éléments occultes et des rituels. On retrouve dans ce sous-genre des films tel The Wicker Man (1973), Blood on Satan's Claw (1971) ou The Last Wave (1977) pour n’en nommer que quelques-uns. The Shout est donc un film d’une grande charge occulte dans lequel on retrouve beaucoup de mysticisme. C’est le récit d’un étranger, Charles Crossley (Alan Bates), qui vient s’immiscer dans la vie d’un couple (John Hurt et Susannah York) en contrôlant ses hôtes à l’aide d’objets et de rituels mais surtout par sa force de persuasion, pour éventuellement prendre possession de la femme. L’histoire est racontée par l’étranger qui se trouve alors dans un hôpital psychiatrique juste après que la première question du film soit évoquée: qu’est-ce que la normalité. En débutant le récit fait par l’étranger, le film démontre un lent fondu-enchaîné de l’image du personnage racontant le récit avec celle du même personnage marchant dans les dunes (donc en surimpression dans sa propre tête) vers le couple à dominer qui se réveillera alors d’un étrange rêve (ils rêvent tous deux à cet homme marchant dans les dunes en arborant un os à pointer magique). Par le récit de son histoire, Crossley s’immisce déjà dans leur tête et le cinéaste Jerzy Skolimowski annonce déjà les couleurs et motifs cycliques du film.
Artiste multi-disciplinaire (il est aussi
poète, peintre, dramaturge, acteur), Jerzy Skolimowski a été avant son exil un
cinéaste important de la nouvelle vague polonaise des années 1960. Sa façon
d’écrire sa poésie ainsi que son affection pour la musique jazz viennent beaucoup
se refléter dans sa façon de construire un film, particulièrement The Shout. La
réalisation syncopée de Skolimowski, tout en
rupture de ton et de rythme, provoque une déstabilisation chez le spectateur et
reflète constamment l’état des personnages, leur prise avec le réel, puis
éventuellement leur perte de contrôle. La réalisation du film étant souvent
admirée et jugée très méticuleuse, il dira dans une entrevue que le tournage a
été fait de façon très instinctive dans un certain chaos (changements de
dernière minute dans les dialogues ou les scènes, improvisation d’ajouts dans
le décor selon ce qui lui tombe sous la main, inspiration du moment). Tourné en
34 jours dans une région de l’Angleterre par un réalisateur qui s’exprimait
alors mal en anglais, Skolimowski aura su s’entourer d’une équipe très
compétente pouvant rendre sa vision possible (des acteurs sachant improviser, deux
membre du groupe Genesis pour faire la musique, un directeur photo qui sait
tirer le naturaliste voulu, un des meilleurs mixeur sonore pour expérimenter avec le son Dolby Stéréo (dont le film est un des premiers à utiliser), etc.). Le travail sonore du film est d’ailleurs
exemplaire et ne sera apprécié à sa juste valeur qu’avec une projection en
salle (le film se faisant très rare, n’hésitons pas à suggérer à la
Cinémathèque québécoise de récidiver ce qu’elle a fait en 2010 avec la
projection de sa copie 35mm).
expérimentations sonores d'Anthony |
Skolimowski utilise de nombreux procédés
sonores et visuels dans son montage pour exprimer l’idée de répétition, créer
un rappel pour le spectateur, puis au final déstabiliser. Tout dans le film
est un cycle, une boucle, une répétition, à l’intérieur du film tout autant que
le film lui-même (qui se termine par la scène d’ouverture). Les objets, les
motifs et les actions se répètent, se répondent ou s’opposent. Lorsque le
personnage de Charles Crossley s’introduit pour la première fois
dans la maison, le cadrage du plan nous laisse découvrir une abeille décorative
suspendue juste au dessus de sa tête. Il dit alors : « I must admit I
invited myself ». Crossley s’impose au couple. Le plan suivant Crossley
s’approchera de la fenêtre pour écraser une abeille qui parcourait la vitre
tout en disant « Has the human a soul? And if he does, where does he keep
it? ». Crossley établit son but dès le départ. Anthony va plus
tard emprisoner une abeille pour en enregistrer le son (une tentative
inconsciente de domination sur l’autre?). Crossley et Anthony auront donc un rapport
de force tout au long du film. Ce n’est qu’un exemple des motifs de répétitions
et d’oppositions que le film comprend. On pourrait élaborer sur l’importance de
l’image du soulier (la boucle de la sandale de Rachel volée par Crossley comme objet de pouvoir, le cordonnier, le soulier qui
servira à détruire la roche contenant l’âme de Crossley, etc.) ou le miroir
(qui apparaît trois fois dans le film : au départ pour montrer le couple,
une deuxième fois pour montrer Crossley, puis une troisième fois démontrant les
trois). Une quantité énorme d’objets et de motifs viennent se répéter et
signifier le film.
Anthony trouve la pierre de l'âme de Crossley |
Crossley, personnage déterminé, sera en
position de domination sur Anthony, personnage plutôt torturé et effacé. Ces
deux forces contraires s’opposent mais aussi se complètent et c’est peut-être
ainsi qu’on peut voir ces deux personnages dans le film. Une complémentarité
d’un seul et même être, d’une seule et même force. Tous deux ont une certaine maîtrise du son (de façon technique pour Anthony et de façon naturelle pour Crossley). Anthony est à la recherche
d’une certaine vérité à travers ces expérimentations sonores. Tous ses
enregistrements de sons naturels reflètent sa quête vers quelque chose de plus
grand que lui. Il s’inspire en posant dans son studio des images qui lui
parlent. Plus précisément des reproductions de peintures de Francis Bacon.
C’est comme si Anthony invoquait quelque chose avec ses rituels sonores
accompagnés d’iconographies. Son studio devient alors un véritable autel qu’il
utilise pour faire ses incantations sonores. Crossley incarne donc cette autre
qu’il invoque. Cet autre version de lui-même. Ce versant imposant plein de
déterminisme qui est capable de prendre sa femme comme Anthony ne sait plus le
faire (on comprendra l’état de la relation du couple avec la relation adultère
qu’Anthony entretient avec une autre femme du village).
Les différentes images des peintures de
Francis Bacon sont montrées à des moments précis dans le film pour annoncer les
deux moments déterminants à venir pour Anthony. La première image est celle
d’une personne à quarte pattes qui annonce la domination de Crossley sur Rachel, la femme d’Anthony (que l’on verra dans cette même position le
temps d’un plan durant une scène amenant celle-ci à se laisser posséder par
Crossley). La deuxième image sera celle d’un visage torturé criant qui annonce
la scène du cri que Crossley démontrera à Anthony suite à la demande de ce
dernier. La troisième fois qu’on verra Anthony dans son studio d’enregistrement
sera aussi une autre invocation pour Crossley. Suite au départ de Crossley
qui vient de posséder sexuellement la femme d’Anthony, ce dernier cours à son
studio et essaie de reproduire le fameux cri de ce dernier. Le plan suivant nous
montre Rachel assise dans la cuisine, suivi d’un oiseau qui entre par la
fenêtre pour disparaître du plan, puis Crossley apparaît en s’approchant
d’elle par dernière. Anthony aura une fois de plus appelé son double, parce
qu’il ne peut finalement fonctionner qu’avec lui. Anthony trouvera ultimement
le lien entre les roches et les âmes (Crossley raconte à Anthony au début de
leur rencontre : « the soul sometimes must take refuge in a tree or a
stone ») puis cassera en quatre morceaux la roche contenant l’âme de Crossley (Au début
du film un docteur de l’hopital psychiatrique raconte au personnage de Graves
que Crossley croit avoir l’âme déchirée en quatre).
Les peintures de Francis Bacon annoncent les évènements |
Le film se termine dans un chaos total à l'intérieur de la cour de l’hôpital psychiatrique où la nature se déchaîne et Crossley
utilise alors une ultime fois son cri (ou est-ce le cri extra-diégétique à la fin du
récit de Crossley qui créer le chaos autour de celui qui le récite). L’histoire
elle-même venant d’un fou (mais l’est-il vraiment), nous pouvons douter de tout
ce qui y est dit et choisir ce que l’on veut vraiment y voir. On pourrait
d’ailleurs continuer longtemps à tisser des liens entre les scènes et en sortir des signifiants tellement le film de Skolimowski est une mine d’or
pour tout amateur de sémiotique et un abyme de possibilités d’analyses filmiques.
Avant de raconter son histoire au début du film, le personnage de Crossley dit
qu’il aime en changer l’ordre des évènements, le climat et même les personnages
chaque fois qu’il la raconte afin de garder l’histoire vivante. Les 60 minutes
de l’émission nous donnent l’occasion d’en faire un parcours, mais à l’image de
cette introduction que Crossley fait au récit, de nombreux autres visionnements
et émisions sur The Shout pourraient se faire avant de percevoir toutes les
possibilités qu’offre un film aussi riche.
-David Fortin
The Death Shout |