mercredi 24 août 2011

Notre émission du 24 août: RAN d'Akira Kurosawa-Shakespeare, karma et couleurs primaires

cliquez ici même pour nous écouter cette semaine

Oh no they DID'INT!


Parler de Ran, le dernier grand film de Kurosawa, c'est comme regarder directement le soleil avec le dessein de le décrire. Mais Kurosawa a justement été un des premiers réalisateurs à filmer le soleil (dans Rashomon). Il a aussi coloré la pluie, créé un effet et regardé la mort dans les yeux à quelques reprises. En 85, l'année de sortie de Ran, Kurosawa avait cessé depuis quelque temps d'être un réalisateur. Il était devenu un créateur et un mystique. 

Si Kurosawa a regardé le soleil et la mort dans les yeux, le 7ème tentera cette semaine de parler de son dernier grand film à coeur ouvert, tout simplement.

mardi 16 août 2011

Notre émission du 17 août: Canoniser Conan-tout ce qu'il faut savoir sur le plus grand des barbares

POUR ÉCOUTER CETTE ÉMISSION, CLIQUER ICI PAR CROM!

Dans quelques jours, Conan le Cimmérien, Conan au cheveux noirs de jais, aux jambes larges comme des poutres, à la démarche  de panthère bondissante et au regard de fauve affamé, Conan le flibustier, le voleur, le roi, Conan reviendra pourfendre des crânes et le coeur des femmes au grand écran. Il sera incarné par Jason Momoa, un surfer dude de 7 pieds qui a l'air d'un Klingon, vu auparavant dans quelques unes des 6904 émissions de Stargate (je me dois de dire que je lui trouve plutôt une fière allure). Un surfer hawaïen: ce qui semble une tradition dans les films de Conan. Plusieurs athlètes réputés y ont joué des rôles: des basketteurs, des culturistes, des surfers (oui oui y'en a eu un autre) , des escrimeurs, des cascadeurs, des lutteurs...

C'est sous l'égide du tâcheron Marcus Nispel (Pathfinder, les remakes de Texas Chainsaw massacre et Friday the 13th) que le barbare reviendra brandir du glaive. Les attentes ne sont pas élevées et la bande-annonce en a découragé plus d'un. Pourtant, Nispel semble s'être fait un devoir de devenir LE réalisateur de films où de très grosses brutes tranchent du monde avec leur gros engin contondant. Même l'insipide PATHFINDER est parfois traversé de quelques visuels où Nispel s'est très clairement inspiré des peintures de Frank Frazetta, l'artiste à qui on doit le look contemporain de Conan (l'image classique vu plus haut, en est le plus célèbre exemple). Nispel sera t-il à la hauteur? On verra bien. Ce n'est pas encore le temps de célébrer le retour du Cimmérien. 
Ah non? CROM!
Je vais vous surprendre: il n'y a jamais eu d'adaptation de Conan au cinéma. Aucune. Il y a eu plus ou moins 5 films qui ont grappillé à leur convenance des éléments de la mythologie créée par Robert E Howard. Aucune adaptation directe d'un de ses textes. Ce n'est pas qu'ils sont inadaptables; ce sont des florilèges de superlatifs qui n'ont rien à envier à Tolkien, lui même longtemps considéré inadaptable. Howard était un esthète de la description démesurée, qu'il élevait souvent à un niveau frôlant la poésie. Un délicieux  exemple, pour les néophytes:
"He seemed more a part of the sun and high places of the outlands. His slightest movement spoke of steel-springmuscles knit to a keen brain with the co-ordination of a born fighting man. There was nothing deliberate or measured about his actions. Either he was perfectly at rest - still as a bronze statue - or else he was in motion, not with the jerky quickness of over-tense nerves, but with a catlike speed that blurred the sight which tried to follow him."

Bref, les portraits de Conan abondent mais peu lui ressemblent vraiment.  Différents médiums ont raconté les aventures et l'attitude du personnage en lui attribuant certain  traits complètement différents.  



Prenons le film de John Milius, Conan the barbarian. Il est exemplaire à plus d'un titre. La trame sonore démesurée de Basil Poledouris, un classique du genre, le niveau de langage des personnages, à la fois épique et suranné. C'est aussi le plus grand rôle du Schwarz. Il y est en tout point magnifique. En outre, c'était presque une fantaisie biographique (je ne déconne pas. On ne déconne pas avec Conan). Le film de Milius est admirable, mais il n'a rien à voir avec le personnage original. Conan est un enfant de pute particulièrement dangereux et cruel à ses heures, mais il a aussi une grande vivacité d'esprit et c'est un insoumis. Il possède aussi un sens de l'humour traversé d'une généreuse dose de cynisme. Il est en tout point l'alter ego fantasmé de son créateur Howard.


Bref, si vous n'avez jamais lu une histoire de Conan, le barbare tel que vous l'avez vu au cinéma, dans les comics, les dessins animés et les série télés n'a que très peu de liens filiaux avec la création d'Howard (ils ont même très peu de liens les uns avec les autres). 


Le Conan des films est plus doux, trop maussade et moins vif d'esprit. Si le physique du chêne autrichien tient du fantasme, il est loin des descriptions de l'auteur.
Le Conan des comics est superbe. On y trouve des hauts faits héroïques à la mesure du personnage, tout en furie guerrière. Ils ont consolidé l'apparence physique du personnage, directement inspirée des couvertures de roman peintes par Frazetta, et ce, pour les générations à venir. Par contre il est  trop sombre, taciturne et un peu laconique. Il est aussi trop doux avec les femmes. Nous sommes 10 000 ans avant JC que diable! Le gars est presque un homme de Cro magnon!
Cartoon Conan est le petit frère consanguin de He-man. Il ne baise pas et ne tranche pas de têtes, on le devinera. Il aime trop les enfants et, avouons le, il ressemble un peu à Michel Risque. Par contre, tel que me l'a fait remarqué le surhomme Bonhomme  des Sketcheurs Cosmiques dans une discussion récente (ce dernier aura sa table au Montreal Comiccon les aminches!), le thème musical du cartoon était la chose la plus virile que des jeunes oreilles chastes et sans poils pouvaient entendre à l'époque. Presque aussi prenant que la trame sonore de Poledouris, avec ses grosses voix tonitruantes et ses cuivres mur à mur: 



Comparez ça à la version française: 
plus rien de viril ne subsiste du thème, mais il devient néanmoins une enlevante version disco pour bar gay. On peut y entendre cette ligne sublime: 




"tu as tant de force et de courage. 
Rien de te décourages" 
Wow. Vous imaginez s'il avait dit: 



"quand tu pourfends les hommes et les femmes, tu n'as pas ton pareil
tu sais toujours où leur enfoncer ton énorme appareil"



Celui de la série télé est un croisement jovial et débile entre le  Schwarz et le Hercules de Kevin Sorbo ...avec un nain (on vous reviendra en détail la dessus à l'émission). 


Cette semaine, le 7ème antiquaire ne se contentera pas de faire pour vous l'analyse complète des films, nous allons vous faire une peinture exhaustive du personnage, de sa genèse et de son créateur. Tout ce que vous devez savoir sur le Cimmérien, ici même sur les ondes de Choq.Fm.


Et rappelez vous les aminches! Qu'est-ce qu'il y a de meilleur dans la vie? 


1-___________ses ennemis...
2-...les voir __________ à vos pieds
3-Entendre les ___________ de leur femme! 

On vous laisse sur un dessin de l'artiste Frank Cho: tout dans cette illustration est une synthèse parfaite de ce que Conan doit être. Crom!


lundi 15 août 2011

Nos dernières soirées Grindhouse double-feature: la puppetsploitation!


Ce sera les 2 dernières projections avant la mort définitive des
Projections gratuites GRINDHOUSE DOUBLE FEATURE!

Nous serons de retour sous forme d'émissions sur les ondes de Douteux.tv sous peu. 
En attendant, 2 projections back-a-back. 

 La grande finale le 24 août!
Merci de votre encouragement!

Mercredi le 17 aout à 20H: Édition Puppetsploitation!
Au Broue Pub Brouhaha
(5860 De Lorimier)

Visitez le site web pour plus d'infos:
www.grindhouse.qc.cx

Films:
-Legend of the sacred stone (2000)

titre original: Sheng shi chuan shuo
Réalisé par Chris Huang
Synopsis: Des marionnettes maîtres d'arts martiaux combattent des démons voulant contrôler la pierre sacrée. Leur membres de bois laqués couverts de satin de chine.
Elles se battent, elles pleurent et saignent pour vrai!!!!



 -Meet the Feebles (1989)
 Le classique balzacien de Peter Jackson
Sexe, drogue, extortion, vol, maladie, meurtres... Voilà ce que l'on trouve dans les coulisses du "Feebles Variety Hour", un spectacle de marionnettes sans marionnettiste.

mercredi 10 août 2011

Notre émission du 10 août: Représentations de l'homme gay au cinéma- une discussion avec Lezz, le réalisateur du film LES BOULES ROSES

Avec le festival Fantasia qui se termine dans la gloire, le 7ème antiquaire vous revient cette semaine avec le bloc thématique que nous avions débuté voilà un mois.
Après nos émissions sur la représentation du québécois, de l'amérindien et de l'homme noir au cinéma, nous abordons maintenant le thème de l'homme gay.  Nous ne parlerons pas du tout de la représentation de la lesbienne au cinéma pour la simple et unique raison que le sujet mérite une émission complète et que nous nous réservons le plaisir de la faire dans un futur rapproché.

 Les débats sur ce qui constitue un film gay sont nombreux et passionnés; nous laisserons aux queer studies  le défi d'en définir les paramètres. Cependant, les mythes et les symboles entourant l'homme gay en tant que créature de cinéma transcendent le sujet du cinéma homosexuel. C'est l'objet de fantasme, la figure idéalisée  qui nous intéresse ici, bien au delà d'une volonté de revendication sociale. Hollywood s'est toujours nourri des fantasmes et du talent des gays, d’emblée lorsqu’il se le niait. Si le celluloïd closet est toujours bel et bien là,  les images, les rêves et les désirs de l'homme gay sont néanmoins pratiquement omniprésents à l'écran.  
Pour évoquer la question et parler des grandes représentations de l'homme gay au cinéma, nous aurons en studio Olivier LEZZ Lessard, le réalisateur du brillant court métrage LES BOULES ROSES...

LES BOULES ROSES un film d'Olivier Lezz Lessard en collaboration avec le collectif créatif Ubique Média

Plus qu'un simple vidéo promotionnel du Village, LES BOULES ROSES devient en l'espace de quelques minutes, le temps d'une nuit,  un milieu narratif mythique où tous les grands symboles et les archétypes d'une culture sont en interaction. Une pure merveille.  

samedi 6 août 2011

Fantasia 2011: critique de SMALL GAUGE TRAUMA: Une dégustation qui sustente

J'ai complètement oublié plusieurs des films que j'ai vu à Fantasia depuis 97. Je n'ai cependant jamais oublié le moindre court métrage. Fantasia a toujours mis une énergie louable à débusquer de brillants courts, souvent juste avant le moment où la carrière des réalisateurs prend son essor: les courts de Nacho Cerda, I zombie, la Chambre Jaune, Abuelitos, The separation. Bref, j'ai de très bons souvenirs de toutes les sélections de Small gauge Traumas.   
Cette année, les programmeurs se sont permis quelques digressions qui étaient les bienvenues. Ce ne sont pas les courts métrages d'horreur qui sont les plus surprenants mais bel et bien ceux à caractère dramatique. Une thème ressort subtilement de cette sélection: la consommation, celle des aliments comme celle de la chair.

Survol du menu offert (Cliquez sur les photos pour voir les bandes-annonces):
 SOPHIE GETS AHEAD 
USA 2011 | 10 min
en anglais et en gémissements
Damien Pari  
Une dame franchement bandante reçoit une bonne séance de coups de langue dans son  verger. Faudrait que sa mère (au téléphone) et un petit gars slasher qui gambade par là (avec un masque de gimp) lui crisse patience pour qu'elle jouisse. Dans ce monde suintant de fertilité, les appétits se conjuguent. C'est aussi lumineux que c'est drôle et jamais un titre n'aura été à ce point le but, la cause et le moyen en même temps. Il est question de se faire manger dans tous les sens du terme.
 PICNIC 
Espagne 2011 | 13 min
en serbe et en silences

Gerardo Herrero
 Une famille unie va manger dans un bois idyllique. Les cicatrices d'un guerre passée couvrent encore le sol sous la forme de mines tout à fait fonctionnelles.  Nous sommes en Bosnie. La tension et le drame que parvient à générer PICNIC en moins de 15 minutes tient du prodige. On carbure ici à grands coups de puissants archétypes. Il n'y a qu'une seule famille, une seul bois et une seule guerre. Les horreurs sont légions et peuvent se multiplier infiniment.



WAFFLE
USA 2011 | 5 min

En anglais et en chialages

Rafael De Leon Jr.
 Il faut bien choisir ses camarades de classes avant de faire ses travaux d'équipe. Quand une jeune fille se lie d'amitié avec une étudiante brillante mais défigurée pour profiter de son talent, il est mieux que cette dernière ne le sache pas. Surtout, il est préférable qu'elle ne l'apprenne pas à sa propre table pendant le repas. Sympathique petit slasher culinaire qui nous laisse un peu sur notre faim après les deux substantifiques entrées précédentes.

GOOD MORNING, BEAUTIFUL
USA 2011 | 20 min

en anglais et en larmes

Todd Cobery
  Un homme a de la difficulté à surmonter le deuil de son enfant. Sa douleur et sa tristesse transforment peu à peu sa perception de la réalité. Le cauchemar du quotidien prend alors des dimensions lynchéenes. C'est la grosse bouchée de la sélection, en durée comme en technique, en contenu comme en substance. Bien joué, réalisé avec flair, GOOD MORNING, BEAUTIFUL est à la fois absurde, angoissant et traversé de pathos. Comme le MESHES OF THE AFTERNOON de Maya Deren, le monde où tente de vivre le protagoniste et traversé d'onirisme et de mélancolie. Une touchante descente aux enfers, pertinente et audacieuse.


DEVOURMENT
Mexico 2011 | 6 min

en espagnol et hurlements irritants

Lex Ortega
 Après le dévoration, c'est souvent l'indigestion. Indigeste, DEVOURMENT l'est au plus haut point. L'idée de base du court, a priori excellente, n'a pas les moyens de ses ambitions; montrer la courte vie d'un zombie en caméra subjective. Malheureusement, on se croirait dans un mauvais clip de métal mexicain et le burritos regorge d'effets bruyants et cheaps. Dommage pour l'idée de base. Quelqu'un d'autre la reprend s'il vous plait?

INCUBATOR
USA 2011 | 7 min

en anglais et cris de douleur

Jimmy Weber
 Tu te réveilles paniqué dans une baignoire pleine de glace. Tu es dans une chambre d'hôtel barricadée. La bonne nouvelle: la cicatrice sur ton flanc suggère de prime abord qu'on t'a peut-être volé un rein. La mauvaise: On t'a rien volé du tout. Dans les petits pots les meilleurs onguents? C'est exactement ça: INCUBATOR est un peu comme du Tiger Balm...que tu utilise comme lubrifiant. Même si l'éjaculation est dramatique est rapide, elle te saisie jusqu'aux tréfonds du trou de graine. Ça brûle en crisse le gréement...


FALLING
Australia 2011 | 7 min

en anglais bavard

Christian Doran
 Un intéressant exercice en noir et blanc, avec trois split-screens, nous montrant la chute (au sens véritable et figuré) d'un petit criminel. En nous montrant simultanément le passé et le présent, les impressions intérieures du personnage et les mondes possibles de ses choix, il va sans dire que FALLING est ambitieux et chargé. Le ton très Noir du court voisine la métaphysique et avec ses trois écrans, on se croirait dans un épisode expérimental du comic SIN CITY. 


BIRDBOY
Spain 2010 | 12 min

en espagnol triste sous-titré en anglais

Pedro Rivero
 Après un désastre nucléaire, le monde idyllique d'une société de jolies petites créatures animales anthropomorphisées devient un désert idéologique. Il en revient au freak de service, Birdboy, de donner du sens à la vie d'une souris pour laquelle il en pince un peu. Magnifique film d'animation se situant entre Tarkovsky et Tim Burton, autant au niveau du style que du propos, BIRDBOY est...dévastateur.



PLAY DEAD
USA 2011 | 18 min

En anglais et...jappements quoi!
Andres Meza-Valdes, Diego Meza-Valde  
Deux court-métrages de morts-vivants cette année, deux excellentes idées: montrer une attaque du point de vue du zombie et selon celle de... chiens domestiques. Là où la réalisation de DEVOURMENT ne faisait pas le poids, celle de PLAY DEAD est un triomphe.  L'idée est traitée généreusement à une multitude de niveau. Les zombies sont terrifiants et l'attaque est brutale. Or, nous ne sommes pas directement concernés par la menace; c'est la survie des chiens qui nous intéresse. Qui n'a jamais voulu savoir ce qui allait advenir à nos compagnons dans cette situation? N'allez surtout pas croire que leur survie est chose facile: trouver à manger, traîner partout son maitre récemment contaminé qui ne lâche pas la laisse, enjamber des corps, tenter d'oublier sa maitresse. La cruauté des humains survivants est aussi un facteur à considérer. Je rêve déjà d'une probable extension en long-métrage pour PLAY DEAD; le DVD de ce film pourrait trôner fièrement dans votre collection entre HOMEWARD BOUND et SHAUN OF THE DEAD. Coup de cœur total. Vous aurez même droit à de désopilantes fiches explicatives pour chacun des personnages canins.



 ANIMAL CONTROL
Canada 2010 | 16 min

en anglais muet

Kire Paputts
Je vais devoir paraphraser l'introduction en salle de Mitch Davis pour ce court; c'est simplement un des meilleurs films que j'ai vu à Fantasia cette année, toutes catégories confondues. La performance de notre Nosferatu national Julian Richings, muet et froid comme la mort, est toute empreinte de subtilité et de tristesse. Employé cadavérique d'un centre de contrôle animalier, taxidermiste à ses heures, notre protagoniste se lie d'affection pour un chien malade. Tout est maîtrisé dans ce court; le rythme, la profondeur du propos, le choix des couleurs, les silences. Kire Paputts est une réalisateur qui va s'imposer, c'est une évidence. C'est à en pleurer.

-FRANCIS
 

vendredi 5 août 2011

Fantasia 2011: Critique de COLD FISH: Arnaques, barbaque et compagnie

Sion Sono. L'autre enfant terrible nippon du Festival. C'est à croire que les gens ne se sont jamais remis de son Suicide club.  Après la consécration nécessaire de  Strange Circus et le choc de Love Exposure l'an passé, son film fleuve de 237 minutes, on aurait pu croire que les gens seraient du rendez vous pour voir la prochaine expérimentation du poète. Ce serait oublier la bande annonce outrageusement mensongère qui aura attiré un public nullement outillé pour supporter ce qu'il allait voir.
 Difficile donc de dire si Sono est l'enfant chéri des cinéphages ou s'il est simplement attendu par des hordes de macaques venues pour lancer les fientes de leur commentaires ineptes dans toutes les directions, surexcitées par un autre de ces "films japonais étranges et déviants". Dans la salle où je me trouvais, les deux groupes semblaient à part égale. Le pire mélange possible (ou le meilleur). Fantasia, c'est aussi l'atavisme de la foule qui hurle pour un bout de sein et un meurtre. Ça peut aller. Parfois, ça fait même partie du plaisir. Pendant Cold Fish cependant, les réactions du public étaient plus que consternantes. Elles étaient aussi morbides et fascinantes qu'un prêtre à la garderie. Elles doublaient d'une ironie bien involontaire les propos du film de Sono.  Un peu comme un condamné à mort qui hurle de rire parce que le gars pendu avant lui a chié dans sa culotte...et qui ne se rend pas compte que la merde va lui tomber dans les yeux. Ce qui fera rire l'autre groupe, bien entendu.
 Cold fish n'est pas une comédie. Le terme comédie noire ne lui convient même plus. C'est une toute autre créature. C'est une tragicomédie grand guignolesque, deux genres que Sono possède à merveille. C'est aussi une atomisation systématique des valeurs japonaises, une volonté d'exposer au grand jour l'horreur sousjacente de ses hypocrisies. Un autre thème qui est cher à Sono. C'est aussi une histoire "vraie", comme la plupart de ses films.
On y raconte l'histoire de Shamoto, propriétaire effacé d'une modeste boutique de poissons tropicaux. Il a une fille rebelle énervante et une femme-trophée à la voluptueuse poitrine. Le détail est de taille quand on sait qu'elle est interprétée par Megumi Kagurazaka, une célèbre "gravure  idol".

 Les "gravures idols", ce sont ces mannequins aux gros seins qui font fureur au Japon et qui perpétue l'idéal local de l'ingénue soumise mais vicieuse. Le symbole qu'elle représente dans le film est important et n'est pas simplement un argument commercial.  Elle est la femme-objet et la victime par excellence.
Notre famille  sans histoire croise le chemin de Murata. Ce dernier possède tout ce que Shamoto ne pourra jamais espérer avoir: du charisme à revendre, une boutique parfaite, des jeunes employées sexys et obséquieuses et une femme libidineuse. Sans qu'il puisse y redire quoi que ce soit, en l'espace de quelques jours, la famille de Shamoto sera totalement absorbée par celle de Murata.

 L’appât est lancé, pour les personnages comme pour le spectateur. Il ne sera pas question ici de poissons tropicaux, mais de pièges tendus à des hommes. Des arnaques dignes de David Mamet, des humiliations et des tortures morales qui n'auraient pas déplues à Pasolini et une peinture poétique de l'horreur qui vaut les meilleurs Greenaway (le personnage de Murata rappelle un lointain cousin d'Albert Spica dans The cook...bruyant, imposant et impitoyable.

Murata et sa femme sont des experts du vices. Des virtuoses du crime. Il n'y pas de limites à leur inventivité et vous en verrez les moindres affres. Cold fish est un plat qui se mange froid: on y consomme en mastiquant lentement la concupiscence, la manipulation et l'indifférence. Le spectateur et les personnages sont exhortés en presque 2 heures et demi à devenir les complices de Murata. Et vous le serai jusqu'au bout...

Pendant Cold Fish, on souri avec du sang entre les dents, comme Blue Velvet pouvait faire sourire. Sono est un grand esthète de la cruauté et un encore plus redoutable satiriste. Plus que jamais, il est clair que la provocation rejoint chez lui la poésie. 
Dans l'aquarium expérimental de son dernier film, il y a beaucoup de bile et de fiel. Vous cognerez sur la vitre pendant que les poissons crèvent doucement, pour votre plus grand plaisir. 
Ou alors, vous allez rire et hurler pendant toutes les scènes de viols, de meurtres et de cul. C'est un mécanisme d’auto-préservation tout à fait commun que les singes ont devant la mort. 

Hé...

Tant que vous ne le faites pas dans la vie, c'est ça qui compte non?


-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011 : Critique de MANDRAGORE: All work and no play

Un billet de Jean-Michel Berthiaume  

En guise de remerciement pour votre avide lecture et vos magnifiques commentaires tout au long de ce trois semaines de couverture effrénée, nous désirons vous offrir un amusant petit jeu pour vous détendre les méninges et vous revigorer lors de cette magnifique période de l’année qu’est Fantasia.
Le jeu sera une variation sur le classique : « jeu des 7 erreurs » mais à la sauce traditionnelle 7ème Antiquaire.
Bienvenue donc à tous au tout premier : « trouvez les 7 symbolismes dans cette description de film »


MANDRAGORE (Fabrice Blin, court de 17 minutes)

Un homme nu cours désespérément à travers les bois afin de se trouver un logis avant que le soleil ne se couche. Il trouve une cabane dans la forêt où résident une jeune femme et son fils. La femme s’occupe de lui et au long des jours, elle développe une attraction romantique pour l’intrus. Un accident la force à lui révéler qu’elle n’est pas une simple paysanne mais plutôt une force élémentale  provenant d’une longue lignée de femmes pouvant créer la vie, une lignée qui se passe de mère en fille. La femme se croyant donc en sécurité révèle à l’homme qu’elle est isolée non pas par désir mais plutôt par peur. Elle a eu raison tout ce temps:, l’homme se révèle être un assassin de type « Manchurian Candidate » dont les réflexes pavloviens s'éveillent  lorsqu’il est en contact avec une des ces « femmes magiques ». Nous apprenons alors que l’homme travaille pour une organisation secrète phallocentrique qui n’a comme seul but d’éliminer les femmes aux pouvoirs mystiques.  L’homme, hypnotisé par ces ordres, descend la femme à coup de shotgun et informe immédiatement son QG que la menace est éliminée, pour ensuite être soudainement pris de maux de ventre. L’homme se tortille de douleur pour une bonne minute, le temps qu’un immense et majestueux arbre émerge de son ventre par sa bouche. L’homme meurt de souffrances atroces sous le regard impitoyable du fils de la logeuse, qui s’avère être une fille.  

Symbolique à souhait, n’est-ce pas?

Présentation de Mandragore de Fabrice Blin from Humungus on Vimeo.

Fantasia 2011: Critique de NIGHT FISHING de Chan-wook Park : La mince ligne noire

 
Allons à la pêche aux syllogismes ensemble vous le voulez bien? Je lance une longue introduction pour saisir un petit film qui en vaut la peine.

Si vous êtes des réguliers à Fantasia, Il y a des fortes chances que vous soyez des amateurs de cinéma asiatique (duuuh!)
Si c'est le cas,  vous aurez assurément remarqué dans vos pérégrinations cinématographiques  que l'Orient entretient un rapport avec l'eau qui n'a absolument rien à voir avec les occidentaux, les coréens et les japonais, en particuliers. Les bienfaits de l'animisme, vous voyez? Depuis Kurosawa qui mélangea de l'encre aux gouttes de pluie de sa tempête dans Rashomon, l'eau est devenue noire et lourde, oppressante. Elle a beau être une nourricière, elle est également une inquiétante présence qui s'infiltre partout. Il n'est pas seulement question de désastre naturel. L'eau est le voile d'un autre monde; elle transporte les souffrances et les retient. Les films d'horreur japonais, avec leurs esprits enfants noyés. Les coréens, avec leurs quais qui surplombent l'abysse, leurs scènes de baptême sacrificiel et de suicide à l’hameçon.  
Si l'eau est à la fois nourricière et traversée de la souffrance des hommes, on conviendra que l'activité toute simple de la pêche prend forcément une charge symbolique considérable. 
À Fantasia cette année: Underwater Love, son usine de poisson et son diablotin de l'eau. Vampire de Shunji Iwai, avec ses scènes de pêche et de gens qui veulent se suicider dans le fleuve. Cold Fish et ses poissons tropicaux. 13 assassins et ses métaphores de pèches appliquées au combat. Pour ne nommer que ceux là...Je ne vous dis pas l'idée de génie de la part des programmeurs du festival de passer Night Fishing avant Cold fish de Sion Sono.

Night fishing de Chan-wook Park est le point culminant de toutes ces thématiques. Tout le monde va à la pêche, le réalisateur également.
 Pour la forme, c'est une histoire de 30 minutes filmée avec un I-Phone, un outillage léger pour  une séance rapide.
Pour le fond, c'est une  tragédie en trois actes: 

Au cœur d'une route qui nous mènera vers l'histoire, un groupe de musiciens interprète une chanson (absolument inoubliable; vous pouvez l'écouter ici en bas de page). Mélangeant les sonorités modernes et ancestrales, habillés de costumes trois pièces et d'un chapeau traditionnel, ils sont le chœur de la tragédie, les avatars des Destinées, les échos du passé.  Ils nous parlent d'un pêcheur solitaire...

 Notre pêcheur se fait une séance nocturne. Il attrape quelque chose d'imprévu; le corps d'une femme. Dans son agitation, il se prendra dans les nombreux fils de ses lignes et le corps de la défunte se retrouvera blotti contre lui. Cette funeste étreinte redonne vie à la femme . Cette femme, il ne l'a pas pêché dans l'eau mais dans le monde des morts. Elle sait par ailleurs  beaucoup de chose sur lui. 
Acte final: le spectateur sera invité à visiter l'autre monde.


Night fishing aurait pu devenir rapidement une simple expérimentation  stylistique, un caprice d'auteur sans intérêt. Loin de ça.  C'est l'urgence de raconter une histoire qui prévaut ici.   L'utilisation du I-Phone et de ses moyens techniques limités n'est pas une contrainte mais un outil de circonstance dans les mains du conteur. Ce n'est pas qu'une leçon de cinéma que nous fournie Chan-wook Park, c'est littéralement  une invitation à la création.
Les explorations thématiques du cinéastes sont toutes là: la mort, la perte de repère, l'humour morbide et les excès mélodramatiques déchirants dont les coréens semblent avoir  le secret. Au niveau stylistique, son talent pour la confection de tableaux demeure intact. Après le baptême sacrificiel de Sympathy for Mister Vengeance et le martelage homérique de couloir dans Old boy, Night Fishing nous offre quelques plans tout aussi iconiques (la première photo de ce billet en haut est un bon exemple).

Je me permet aussi une conclusion  péremptoire. Nigh fishing est une synthèse des nombreuses obsessions qui traversent la cinématographie coréenne depuis la dernière décennie ( Ki-duk Kim au grand complet). La pêche n'y est pas qu'un symbole récurent, c'est une méthode.
J'aime le concept: les cinéastes coréens qui sont des pêcheurs de l'idée. Au final, si Chan-wook Park s'est permis une légère et courte séance avec un matériel léger, ça ne change rien aux profondeurs  où il est parvenu à lancer sa ligne...et ce qu'il est parvenu à en extirper.


-Francis Ouellette

jeudi 4 août 2011

Fantasia 2011 :critique de WASTED ON THE YOUNG: la moralité face à l'inconfort

Une critique de Jean-Michel Berthiaume

Comme nous nous plaisons à l'évoquer à notre émission, c’est souvent là où nous nous en attendions le moins (au cinéma comme dans la vie) que l’on retrouve les évènements les plus bouleversants.  Ce sera mon cas pour plusieurs choses au courant de ma vie et une fois de plus, Fantasia m’aura confirmé la chose avec Wasted on the Young de Ben C. Lucas. 
Vous remarquerez que je contribue à cette longue tradition d'attentes exagérées qui est parfois la manne de Fantasia. Pour ma part, je ne m’attends à ce que tous les films que vais voir en salle soient des chefs-d’œuvres. C'est plutôt que les bijoux que j’y ait vu n’étaient que presque jamais les films que je voulais absolument voir. De l'anime Mind Games à The Immaculate Conception of Little Dizzle (que j’ai seulement vu car j’ai craqué sous la pression de ma copine) et 1 (l’année dernière, fatigue et paternité latente affectant le plaisir de l'écoute),je me retrouve à chaque année à tomber sur mon film préféré seulement lorsque les conditions sont entièrement disposées pour que je le déteste. Cette année, troisième film de la soirée, fin de journée absolument épuisante, book-end à mon Mardi et VLAN! Le film que j’attends depuis longtemps...


Wasted on the Young raconte l’histoire de deux lycéens australiens : Darren (Olivier Ackland, qui carbure d'une intensité voisine à celle de Jeremy Sisto tout au long du film) ,j eune fanatique de robotique, antisocial, nouvellement intégré dans une famille nucléaire. Il doit maintenant partager une immense maison avec Zack son frère tombeur, nageur, socialite et populaire (Alex Russell, comme un « worst-of » de Ryan Phillipe, haïssable). L’autre, c'est Xandrie aux cheveux blonds et au sourire déchirant (belle comme les mots ne peuvent pas le décrire), curieuse envers le jeune homme, gentille et appréciée de tous, mais qui brouille les cartes de  « l'ordre de préséance » de l'école en nourrissant un bégin pour ce demi-frère obscur du grand « jock » populaire de l’école décrit plus haut. Une belle histoire de marivaude naïf sur fond de nightlife décadent de jeunes adultes: ajoutez-moi une vraie belle histoire d’amour dans Kids et vous voyez le topo. Zack, le demi-frère populaire, fait souvent la fête chez eux, puisque les adultes y sont systématiquement absents (comme dans le reste du film et dans Peanuts) et que son statut oblige un constant renchérissement de sa popularité. Voilà donc qu’à cette soirée, luiaussi réalise que la jeune Xandrie ne devrait pas s’intéresser à son demi-frère mais plutôt à lui. Le dernier vestige de l’humilié se retrouve donc dans le viol de  l'ange magnifique, un crescendo de drogue et de sexe qui se termine par un abandon du corps sur le bord de l’autoroute. La totale quoi!
La fille disparaît pour un moment, le jeune Darren s’inquiète, le frère use de ses harpies pour semer la désinformation concernant la soirée, et la meilleure amie de Xandrie investigue pour un moment. La tension monte de façon phénoménale et voilà qu’après une semaine, Xandrie reviens à l’école, meurtrie et cernée, comme si son âme même avait été déchirée.


Voilà qui termine mon résumé du film. Je crois devoir couper un peu en dessous de la première demi-heure du  car ce qui suit ne pourra que vous surprendre et loin de moi l’intention d’en ruiner l’impact. Wasted on the Young devient à partir de ce moment un film Triple R : un romantic rape and revenge. C'est à savoir qui prendra le flambeau de la vengeance, ce qui devient particulièrement intense lorsque le réalisateur saute des plans de rétribution du jeune homme à celui de la jeune fille. Les deux sont absolument dévastés par cette soirée-là. La tension, tendue comme un fil de fer, bâtie sur qui se vengera en premier, devient une sorte de corde à danser pour deux; plus l’amour des deux jeunes augmentent, plus notre volonté de voir vengeance s’accomplir grossiw. Mais ce film, qui n’a rien à envier à Brick (premier film de Rian Johnson), énonce clairement bien que la vengeance n’a pas d’issue. On nous montre donc aussi, en simultané, la destruction d’un couple adorable à la manière de Blue Valentine. J’vous jure, ce film combine tellement de références que ça devient assourdissant. Un incroyable et improbable mélange des genres unis en un seul très bon film, qui poignarde, qui fusille mais qui aime, qui aime à vouloir détruire.  
Kids à l’ère du 2.0, ça ira, mais ce qui frappe les plus dans cet heureux mais tortueux mélange est la réalisation de Mr. Lucas qui, du haut de ses 33 ans, (et de son premier long métrage), réussis un véritable coup de maître en s’appropriant Othello pour sa génération. Malgré la horde de « remix » Shakespeariens (O, Romeo + Juliet, 10 things I hate about you, Lion King) je ne crois jamais avoir vu un film qui possédait à ce point la fibre du barde. En lieu d’adaptation, Ben C. Lucas à tout simplement  absorbé Othello pour en faire un film de notre époque et non une transposition, une appropriation. À la manière de X-men : First Class (comparaison grossière qui en plus à voir avec la structure narrative qu’avec le film lui-même) Wasted on the Young reprend les grandes lignes du triangle tragique d’Othello/Desdémone/Iago pour ensuite faire un film entièrement différent, mais qui a le même mordant. Les archétypes y sont, mais la société, n’étant plus la même, fait varier les stéréotypes, altère les situations, fait agir les acteurs différemment, tout en conservant toute sa force de la dramatique. Wasted on the Young tente d'ouvrir les plaies de jeunesse de la tragédie et qui parle sur un ton juste des grands drames de l’innocence. Il met aussi parfaitement en scène des personnages monstrueux et décadents, un génération entière d’adolescents trop beaux pour vivre sans blessure.   

mercredi 3 août 2011

Fantasia 2011: critique de THE WOMAN: le Mal est une affaire d'homme

The Woman arrivait hier à Fantasia précédé d'une sacrée réputation. On dit qu'il est le grand retour de Lucky McKee à l'horreur, que c'est le film que les gens attendaient de lui depuis le culte instantané (et bien mérité) de May. Un réalisateur avec trois films à son actif, dont un segment inattendu (mais un des meilleurs) dans la série Masters of horror. Bonjour la pression: Mckee a connu des déboires impossibles sur The Woods et fut viré du tournage de Red, tiré du roman de Jack Ketchum, après quelques semaines. The Woman est une seconde adaptation de Ketchum pour McKee, en collaboration étroite avec l'auteur en tant que scénariste. C'est aussi  le projet qu'il a pu enfin mener jusqu'au bout.
 Depuis le début de ses tours de piste dans les festivals, les polémiques semblent suivre The Woman partout: misogyne, apologie du viol, violence outrancière... À Sundance, des gens outrés par le film quittaient la salle. On peut d'ailleurs trouver des pléthores de vidéos sur Youtube où des gens expriment avec véhémence leur inconfort à ce sujet.Un exemple...

Devant ce déferlement de réactions dithyrambiques, les attentes ne pouvaient que grimper. Le public de Fantasia est particulièrement friand de sensation fortes et n'a rien à voir avec celui de Sundance. The woman était-il à la hauteur de ses attentes? 
 Pour ma part, The woman restera l'expérience la plus viscérale de l'édition Fantasia 2011. Il n'est absolument pas le film le plus violent, le plus maitrisé ou le plus excessif du festival; il est gavé d'un musique irritante que Mckee utilise à des fins d'ironie dramatique maladroites et le jeu des comédiens va de l’exceptionnel au consternant de nullité (l'enseignante en géométrie fait pitié à voir) Mais pour le moins que le spectateur accepte l'offrande sensorielle sans la filtrer, il la vivra au fin fond de ses tripes (j'ai eu personnellement  quelques éprouvantes réminiscences de  Martyrs et Devil's reject.)
 The woman est une cinquième adaptation d'un roman de Jack Ketchum.  Il est aussi la suite directe d'un autre roman, The Offspring, lui aussi adapté (pitoyablement) au cinéma par  Andrew van den Houten (producteur de cette suite).
The woman reprend où The Offspring se termine. C'est une suite sans en être une: pensez aux liens entre les deux films de Rob Zombie, House of thousand corpses et Devil's reject et vous n'êtes pas loin. 
Ou alors à une version horriblement perverse de Nell .
On retrouve le personnage de La Femme, créature sauvage, dangereuse et blessée. Coup de génie: la Femme est Interprétée par la même comédienne, la sculpturale Pollyanna Mcintosh, seul point fort de The Offspring
La Femme croisera le chemin de Christopher Cleek, avocat et père de famille, chasseur et éleveur de chiens . Pour protéger son clan, il capturera la femme, le séquestrera avec la ferme intention de la civiliser de force. Elle sera désormais leur animal de compagnie; il faudra la nettoyer et la nourrir. En bon patriarche autoritaire, il organisera une série de tâches bien précises  pour toute la famille. Leur vie avec le Femme vient de commencer.
 Cette banale prémisse aurait pu basculer à tout moment dans la torture porn. Il n'en rien. Dans ses romans, Ketchum fait l'exploration du mal et de la cruauté ordinaire des hommes poussés à un certain paroxysme. En ce bas-monde, la question du mal n'a nul besoin d'être supportée par la métaphysique. Elle est une affaire d'homme, pur et simple.
Si la Femme est une créature hautement dangereuse, le clan Cleek, avec son patriarche convaincu de sa propre vertu, est une menace autrement plus insidieuse.
L'homme "civilisé" , flanqué de son clan, conditionne la femme sauvage. The women devient alors une méditation parfois drolatique sur le mal primitif et la déviance du civilisé, sur les femmes victimes et les hommes abusifs.
Les face à faces entre La femme et le Père constituent la moelle épinière  du film. Pollyana Macintosh est glorieuse dans le rôle de La Femme; elle râle, crache, hurle, halète comme une ménagerie. Son regard fauve et chargé d'appétit est saisissant. Sean Bridgers (le tête à claque Johny Burns dans Deadwood, on l'a vu aussi dans...Nell!), qui peut passer de l'affabilité à l'autorité entre deux lignes, est tour à tour drôle et terrifiant. Il donne des ordres sans vociférer et  parle comme si ses propos et ses actions tenaient de la logique la plus élémentaire. Angela Bettis, l'actrice fétiche de McKee, semble sur le point de se casser comme une poupée de verre à chaque parole de son mari. Elle campe son évidente névrose avec le talent qu'on lui connait.
The Woman fait aussi souvent mouche avec des moments d'absurdité et d'humour que l'on doit au départ à Ketchum: Le fils psychopathe fasciné par le basketball, le petite fille adorable épargnée par l'horreur de sa famille, le mélange de compassion et de cruauté que prodiguent les Cleek à la Femme. Même les scènes les plus violentes oscillent constamment entre le grand- guignolesque et le réalisme cru.
Mckee ne fait pas que rendre justice au thèmes et aux dialogues de Ketchum. Il se les approprie. Si on exclue l'omniprésence irritante des chansons pops, c'est d'abord au niveau du travail sonore qu'il surprend. Des aboiements constants, les grincements du système de poulies retenant la Femme attachée, des borborygmes, des sons de déglutitions, des bourdonnements, des sifflements stridents.
Le montage aussi, qui se permet souvent des sursauts, des hoquets, des ellipses improbables. Le spectateur est conservé dans un état de tension constante. McKee vise la chair: il veut se glisser en dessous de votre peau et pince vos nerfs.


C'est assurément pour cette raison que le film suscite une telle réaction chez certain spectateurs. Ils ont  l'impression de se sentir abusée, manipulés . Personne n'est fondamentalement bon dans The Woman et si c'est le cas, ils seront invariablement des victimes. Ce ne sera pas la première fois que des propos de ce genre fait grincer des dents des humanistes, irrités de se faire donner la leçon sur l'indicible cruauté des hommes


En ce sens, McKee devrait être fier. Rien comme une controverse pour mousser la popularité d'un film. Oui, son film est intense. Oui, il est parfois troublant. Mais il ne joue pas dans le registre de la simple provocation. N'exagérons rien. The Woman est tout simplement une fable sur le bourreau et la victime... et dans toutes bonnes fables, les leçons sont administrées avec le double tranchant de l'humour et de l' horreur.

Je ne sais pas s'il est juste de dire que McKee est de retour. Disons qu'après The Woman, on espère qu'il est là pour rester.




-FRANCIS OUELLETTE