Bonne fête nationale.
Cette semaine: de la nécessité de se créer un espace mythologique québécois. Je "call" l'originel. Je le fais par ailleurs seul, indépendant, pour la première fois en 4 ans. Cette émission en solo me permettra d'exalter (vous allez entendre ce mot là au moins 10 fois à l'émissions et je m'en excuse) ma fibre patriotique, qui a décidément les mailles slaques en vieillissant. Je suis tricoté moins serré, en somme. En fait, c'est moins le Pays que je veux célébrer que la Terre, celle de la légende.
Est-ce que le Québec a une aversion envers sa propre mythologie ? En avons-nous une à proprement parler? Si oui, sommes nous frileux quand vient le temps de l'exalter? En terre Québec, si le JE ME SOUVIENS a de plus en plus la mémoire courte, nos mythes sont forcément contemporains; chanteurs populaires morts voilà deux heures, aviateur aux nerfs d'acier, petits criminels expulsé d'un page du Allo police. Symptôme d'une culture sclérosée par la litote? Malgré son efficacité à chatouiller la couenne idéologique, notre cinéma est-il le bon outil pour s'inventer un panthéon, captif des trop nombreuses contingences économiques?
Il n'est pas seulement question ici de célébrer les héros nationaux, populaires ou non, ou même (ce qui serait hautement salutaire) de s'en inventer. Pourquoi aucune Chasse-galerie, aucune Corriveau, aucun Joe Monferrand ou Alexis le trotteur au cinéma? Il est d'abord et avant tout question de raviver les mythes ou même de s'en gosser quelques unsde circonstances.
Y'a du troc à faire, me semble.
Le terroir archaïque contre le terroir archétype. Le coureur des bois dans un "road movie" stationnaire. Le bucheron, le draveur, la trappeur, des titans que se battent contre l'immensité. Si vous n'en voulez pas, que ces demi-dieux soient transposés sur le bitume, avec des passions semblables et le même souffle (ne me dites pas que c'est impossible. Mémoires Affectives l'avait fait à la perfection).
Voulez vous ben me crisser patience avec vos arc-en-ciels de vos gens heureux qui se donnent la main comme ans une pub de Benneton? Pour respecter l'autre, faut d'abord se reconnaitre soit même avec ses évidences, ses faiblesses et ses laideurs. Après, on peut écouter l'autre.
Je plains le futur pays, qu'il soit sur papier ou non, qui n'aura pas sa cosmogonie.
Je suis un fils déchu de race surhumaine,
Race de violents, de forts, de hasardeux,
Et j’ai le mal du pays neuf, que je tiens d’eux,
Quand viennent les jours gris que septembre ramène.
Tout le passé brutal de ces coureurs des bois :
Chasseurs, trappeurs, scieurs de long, flotteurs de cages,
Marchands aventuriers ou travailleurs à gages,
M’ordonne d’émigrer par en haut pour cinq mois.
Et je rêve d’aller comme allaient les ancêtres;
J’entends pleurer en moi les grands espaces blancs,
Qu’ils parcouraient, nimbés de souffles d’ouragans,
Et j’abhorre comme eux la contrainte des maîtres.
Alfred Desrochers, "Liminaire" extrait du recueil à l'Ombre de L'Orford, 1929